Une vedette hollandaise, le temps nécessaire pour découvrir la France du centre au sud par canal, rivière et fleuve jusqu'aux Saintes-Maries-de-la-Mer et l'envie de partager cela au jour le jour, avec ceux qui l'ont déjà fait et ceux qui rêvent de le faire...
C'est l'objet de ce carnet de bord qui aborde à la fois les aspects techniques humains ou impressionnistes propres à la belle aventure de la plaisance.
En espérant, que le lecteur y trouvera son compte autant que nous.
Paul et Carla.
Fiche technique
distance parcourue : 718 km
nombre d'écluses franchies : 99
voies d'eau : canal, rivière, fleuve, mer.
Nevers - Gannay-sur-Loire
Après modification de la platine de pied de mât *, et quelques autres préparatifs techniques, départ de Nevers ce matin vers la Méditerranée pour une campagne d'essai et de validation en croisière des dispositifs éconologiques embarqués.
Les cales sont remplies de victuailles ; l'équipage est prêt...
Temps légèrement couvert mais pas de pluie.
Nous passons les écluses automatiques du canal de la Jonction et nous engageons vers l'amont du canal Latéral à la Loire, si souvent parcouru.
Après le long bief de 10 km s'annonce l'écluse de Jaugenay.
Puis c'est Luthenay-Uxeloup avant celle de Fleury où l'éclusier nous propose ses légumes.
Deux écluses de plus et nous dépassons l'embranchement de Decize ; ça y est nous quittons notre territoire proche.
Une toue cabannée reconstruite à l'identique, un moteur hors-bord en plus, sur le bras mort de Loire à Decize.
Saulx, La Mothe, L'Huilerie, Vanneaux ; il est déjà temps de faire escale pour la nuit à la très agréable halte nautique de Gannay-sur-Loire où nous transmettons le bonjour de Jean-Pierre/ Françoise et Xavier/ Simone à la "Vacancière"...
* Adaptation du gréement d'une bonne vieille planche à voile Bic (principe appliqué de la récup et du recyclage) sur une vedette hollandaise pour soulager la conso du moteur en mer et estuaire ou fleuves
Ganay - Génelard
Mardi matin à la boulangerie, rencontre avec un gars qui randonne à pieds avec sa femme et son chien depuis Nevers pour rejoindre la source de la Loire.
Un peu plus loin, un solitaire avec son cheval sur le chemin de halage.
Navigation sans histoire.
Mercredi, passage sur le désormais célèbre pont canal de Digoin, même si à notre avis, il est moins impressionnant que celui du Guétin et ne battra jamais l'émotion ressentie sur le must du genre, celui de Briare.
Avons croisé hier à Digoin un bateau expérimental type péniche, bardée de panneaux photovoltaïques.
Puis c'est le début du canal du Centre, avec ses écluses automatiques synchronisées (plus ou moins).
Aujourd'hui, la pluie nous a rejoints vers 11 heures ce matin, après une escale à Paray-le-Monial. Petite visite nocturne à vélo : c'est vraiment superbe.
Comme je le disais à Carla, une des choses qui pourrait faire vaciller mon agnosticisme est la beauté de ces bâtiments et de la musique sacrée.
Le réservoir d'eau étant vide, nous avons basculé sur le système de potabilisation récemment installé (objet d'un article détaillé dans le numéro de septembre 2011 sur le magazine "Fluvial" et sur une page de ce site. Ca le fait : 2 douches, vaisselle... l'eau, pourtant puisée dans le canal est claire, sans goût ni odeur.
Tous les appareils électriques du bord sont alimentés par les 4 batteries gel cumulant 400 Ah.
Par précaution (compte tenu du temps pluvieux prévu), nous préférons basculer le frigo trimix en position gaz.
Il tombe des haussières et à 13h00, nous en avons suffisamment notre compte pour faire une étape à Génelard, où nous attendons une éclaircie pour repartir.
Halte sympa, en profitons pour faire le complément de recharge des batteries de servitude alimentées par les panneaux photovoltaïques car la météo annoncée dans les jours à venir n'y pourvoira sans doute pas complètement.
Nuit à la sauvage en autonomie, après Montceau-les-Mines où nous faisons du gazoil et quelques courses.
J'en profite pour finir le montage de mes écoires (écarteurs de berges), et les tester, car les berges sont agressives et j'ai horreur de faire gratter la carène. Cela fonctionne nickel.
Pour ceux que cela intéresse, dès que j'ai un moment, je fais un compte rendu de fabrication sur ce site (sans doute dans la page trucs et astuces).
Vendredi - Samedi : Santenay - La Saône
Arrêt (toujours en autonomie) à Santenay (le vin qui rend plus gai et qui fait les centenaires...) dans une charmante halte entre les frondaisons ; juste le temps de prendre l'apéro, et une rincée de chez rincée nous redégringole dessus, nettoyant les stigmates de plusieurs jours de navig dans les écluses...
Par contre ni réseau ni TV ! Aucune importance on avait emmené des DVD.
Le matin un long bief nous emmène jusqu'à Chagny, où nous effectuons l'appoint en eau, on ne sait jamais et naviguer, c'est prévoir encore plus qu'à terre...
Puis une tapée d'écluses tous les 600 mètres, avec de plus un fort vent de travers.
Quelques gouttes, et nous nous amarrons à l'Embarcadère, à proximité d'un Leclerc, là aussi, pour faire l'appoint en carburant.
Nous cassons la croute et nous présentons vers l'impressionnante écluse guillotine 34bis, qui clôt le Canal du Centre.
Nous voilà maintenant sur la Saône : impression d'espace, de quiétude, nous retrouvons avec plaisir les cygnes et leurs petits, typiques des rivières et des fleuves ; un fort vent lève un clapot qui nous oblige à fermer les hublots avant.
Une averse survient, puis de nouveau le soleil.
Tournus - Macon
Escale à Tournus, où j'ai revu le patron du chantier "América", Noël Talmard, toujours pressé, toujours peu disponible ; je profite des commodités du ponton pour refaire mes réserves d'eau filtrée à l'aide de l'osmoseur nomade.
Apéro au rosé sur la terrasse ; au menu du soir : poulet au curry, Carla s'est sublimée pour fêter notre arrivée sur la paisible Saône.
Petite balade digestive et découverte de la ville.
A 11h30, nous passons au droit de Macon.
Trop tôt pour la pause casse-croute... nous continuons fiers et droits, le moteur calé sur 1350 tours/mn à une vitesse moyenne de 9 km/h.
Le bon vieux Mercedes de 1979 ronronne tranquillement.
Macon - Andancette
Nous profitons d'une attente à l'écluse de Vaugris et d'une connexion correcte pour poursuivre ce petit compte rendu.
Passage sous le pont de Trévoux, avec sa citadelle du XIVéme siècle, la Saône étend maintenant ses méandres entre le département du Rhône et celui de l'Ain.
Depuis Macon, nous voguons la Saône tranquillement, faisons un mouillage à la cape hors chenal pour le déjeuner, puis repartons jusqu'à ce que vers 16h00, Carla aperçoive une brocante rive gauche, à la hauteur de Villefranche.
Nous nous accrochons un peu à l'arrache sur un ponton de pêche en nous échouant.
La brocante arpentée, nous nous déséchouons sans trop de mal (mise à la gite opposée de l'équipier et conjugaison de fortes poussées à la gaffe avec l'action du propulseur d'étrave, une fois décollés, c'est le courant qui nous retourne et je prends soin de ne démarrer la propulsio que lorsque le fond redevient suffisant.
Petites manœuvres avant arrière, pour libérer les algues câlines de l'hélice et nous voilà repartis.
Le soir, amarrage pour la nuit à Neuville-sur-Saône, à couple avec le Connoisseur d'un Africanien sympa.
En passant, un bateau belge prenait la place de 2 unités, et il se serait bougé un peu, on était à quai...
La solidarité et la courtoisie, sont des mots qui ne s'expriment pas toujours dans les faits !
Y'a pas, avec des citoyens de ce tonneau, la plaisance risque de devenir comme le trafic routier : "chacun pour soi !".
Lundi, nous démarrons la journée sous un beau soleil.
Je vais "au pain" et trouve avec étonnement une boulangerie qui fait des pains d'un kilo (depuis mon enfance ce type de pain existait de moins en moins souvent, puis plus du tout.
21 km plus loin, nous traversons Lyon... toujours Majestueux !
Nous sommes pressés de rejoindre la Méditerranée et ne nous attardons pas...
Puis c'est l'entrée sur le Rhône, et la première grande écluse à bollards flottants : Pierre Bénite.
Nous éclusons en même temps qu'une péniche reconvertie en colonie de vacances flottante ; les gamins à bord sont surexcités par cette première journée à bord, ravis de passer une semaine de vie commune sur le Rhône.
Chouette expérience pour ces gamins du "Grand Lyon".
Le pilote trône dans une cabine à élévation hydraulique, pour naviguer avec une vision au loin optimum.
Au dernier moment, un couple de cygnes et leurs cygnons décident de passer l'écluse avec nous, c'est l'attraction du moment, chacun y va de son petit cliché souvenir...
Le courant dans la dérivation canalisée de Pierre-Bénite est de seulement environ 3 km/h, et nous avons un vent modéré dans le nez.
Halte déjeuner à Givors sur le petit appontement de la halte nautique, protégés du soleil qui tape fort, par notre bimini...
Nous passons Châsse-sur-Rhône, puis Vienne trop souvent traversée par l'autoroute sans en avoir jamais rien vu...
La tour Philippe de Valois à Vienne.
Les Roches de Condrieu, Chavanay, avant la dérivation des Sablons jusqu'à Saint-Rambert d'Albon, séparant le département de la Loire de celui de l'Isère.
L'après-midi est belle, même si le temps se couvre quelquefois, nous obligeant à adapter notre tenue à plusieurs reprises.
Nous accostons à Andancette vers 19 heures, sur un petit ponton rive gauche, à proximité d'une fontaine. Barbecue contre un muret (avec le seau d'eau à côté, of course...) et repas sur la terrasse.
Profitant du plan incliné, un couple vient mettre à l'eau son jet-ski et disparaît à l'horizon.
La soirée est douce, mais le soleil se cache vite, car nous sommes encaissés dans une vallée assez étroite.
Je tente d'orienter l'antenne TV, mais rien ne passe vraiment pour les mêmes raisons liées au relief.
Je mets un CD et ensuite je tente la radio.
La seule station qui passe est Radio-Espérance avec une émission sur l'émancipation des femmes par rapport à la religion.
Carla, qui en entend mollement des bribes est "sciée" que j'écoute cela.
Sans doute un signe du créateur : les 3 croix d'Andance, haut lieu des escales des anciens mariniers du Rhône, sont illuminées sur la crête de la colline surplombant le fleuve.
Andancette - Châteauneuf du Rhône
Mardi, grosse journée de navigation, nous quittons notre petit ponton d'Andancette après avoir fait une inspection du moteur imposée par une semaine de bons et loyaux services.
Graissage du presse-étoupe, démontage du bocal, ajout d'huile dans l'inverseur Paragon, toujours un peu fuyard...
La nuit a été troublée par le passage à plein régime de plusieurs paquebots hôtels et quelques longues barges poussées (l'équivalent d'au moins 20 camions de 10 tonnes) ; ce n'est pas tant le bruit qui nous réveille que les grosses vagues produites par l'étrave, conjuguées avec celles du puissant groupe propulseur, presque 150 m plus tard... la combinaison de toutes ces vagues, se mélangeant avec leur écho sur les berges, nous brasse pendant un moment, et cela ne plaît pas du tout à Carla, qui appréciait le calme de certaines des nuits précédentes.
Plein également d'eau de boisson, puis départ vers 8h30.
A la sortie de l'écluse, nous croisons une bonne quarantaine de bateaux pneumatiques, avec à bord des handicapés, accompagnés d'un pilote et d'un accompagnateur ; ils ont vraiment l'air de s'éclater de l'expérience. Nous passons Saint-Vallier avec la Drôme en rive gauche et l'Ardèche en RD, puis c'est l'écluse de Gervans.
Nous glissons entre Tournon et Tain l'Hermitage, en même temps que l'on découvre sur le territoire de la première le corps calciné de cette pauvre jeune-fille. Nous sommes vraiment dans une société où le malheur peut être au rendez-vous de chacun, plongeant des familles dans la détresse la plus extrême.
Qui fabrique donc de tels monstres ?
Un petit voilier viking nous rattrape ; à bord 4 jeunes de Stockholm en route depuis 4 mois rejoignant l'Italie où ils laisseront leur embarcation pour y revenir plus tard et rejoindre la Grèce...
Nous nous suivons pendant quelques écluses, ils nous font profiter de la (bonne) musique qu'ils écoutent.
Ils navigueront jusqu'à ce que mort s'ensuive, sans arrêt... sans trêve...
La jeunesse n'a pas de limite.
De magnifiques paquebots de croisière sillonnent cette portion du Rhône, avec force arrêts dans les hauts lieux vignicoles... Ainsi le "Mistral", rattaché à Tain l'Hermitage.
Amarrage à Valence pour déjeuner, puis nous complétons notre réserve d'eau à couple avec la pénichette d'un gars très sympa et serviable, en train de la restaurer complètement.
C'est l'écluse de BeauChastel et le passage devant La Voulte : magnifique !
Un peu plus en aval, le Rhône reçoit les eaux de la Drôme en rive gauche.
Le Pouzin, tout va bien !
Nous passons l'écluse de Logis-Neuf sans encombres derrière le "Mistral".
Mais d'un coup le vent se lève, et cela devient une autre histoire.
Je sors l'anémomètre, il est quand même à 35 km/h, des moutons se forment avec de l'écume sur leur crête.
Le vent annule largement le fort courant du Rhône et nous avons du mal à tenir les 9 à 10 km/h.
On comprendra mieux le fameux proverbe rhodanien : "Quand le Rhône est calme, ma petite sœur navigue"...
Le vent est si violent qu'une bourrasque fait s'envoler la bôme en bambou que j'ai fabriquée pour ma voile.
Pas question de la laisser au Rhône ; je fais les manœuvres nécessaires pour la repêcher, et dois m'y reprendre à trois fois compte-tenu du courant et du vent.
Le Rusina se comporte très bien, quasiment pas de tangage.
Nous laissons à tribord la centrale nucléaire de Cruas ; Mowgli est toujours sagement assis devant son feu.
Compte tenu de l'heure qui s'avance et des conditions difficiles et peu productives de navigation, nous décidons d'apponter à Ancône, juste avant Montélimar.
Malgré plusieurs essais, le courant s'opposant constamment à des rafales de vents irrégulières, les conditions de sécurité minimum ne me paraissent pas réunies et je préfère aller nous abriter au ponton d'attente de l'écluse de Châteauneuf-du-Rhône.
Nous y passerons la nuit.
Châteauneuf du Rhône - Caderousse
Départ de Châteauneuf-du-Rhône vers 9h00 pour une petite journée de navigation, puisqu'une halte chez les cousines de Caderousse est programmée.
Passage à Viviers, superbe village avec sa statue de Saint-Michel sur un escarpement rocheux.
Le temps est couvert avec des éclaircies mais nous n'avons pas à nous plaindre, si ce n'est un vent modéré dans le nez, nous croisons toujours de nombreux paquebots-croisière flambant neufs, dont encore "le Mistral", ayant sa base à Tain l'Hermitage.
L'écluse de Bollène, une des plus hautes et impressionnantes d'Europe avec ses 23 m de chute d'eau se passe sans encombre.
Puis c'est l'arrivée à celle de Caderousse vers 15h30, après la pause casse-croute syndicale au ponton d'attente de Bollène.
Passage devant les ruines de la Tours de l'Hers en face du quai de Roquemaure.
En rive droite, c'est St-Etienne des Sorts ; entre parenthèses, pour ceux qui connaissent le trajet, les pontons n'existent plus (paraît-il emportés par les crues), empêchant maintenant toute escale au pied de ce très joli petit village vinicole...
Les cousines nous rejoignent à bord avec leur deux chiennes, visitent le bateau et nous laissent gentiment leur voiture pour que nous allions à l'avitaillement.
Une fois les cales et le réservoir rechargés, nous les retrouvons dans leur mas pour vivre un bon moment familial et gastronomique.
Elles ne voudront pas nous laisser partir sans nous remplir un sac avec des produits locaux : melons, ail fraîche, haricots, salade, courgettes, concombres.
En fin de soirée nous retrouvons notre coque, offrons un Bailey à nos hôtesses et passons une bonne nuit à bord à côté d'un bateau hollandais.
Un jeudi de contrariété entre Caderousse et le petit Rhône !
Nous nous engageons dans l'écluse à 8h00, bien décidés à rejoindre la mer et le golf de Fos par Port Saint-Louis et son écluse maritime.
Mais le passage des écluses de Villeneuve-lès-Avignon et Beaucaire va nous demander plus de 2 heures à chaque fois !
Pour la première, après s'être engagés et amarrés non sans mal aux doubles bollards flottants à cause d'un bon vent de travers, Môssieur l'éclusier nous demande de ressortir de l'écluse...
Imaginez, faire un demi-tour avec une embarcation de 11 m plus l'annexe pendue aux bossoirs, tout cela entre 2 bajoyers distants de 12 m.
Je m'en arrange malgré tout et nous nous réinstallons au ponton d'attente plaisance et regardons passer un "commerce" qui met déjà un certain temps à rejoindre l'ouvrage.
Pendant ce temps, le premier commerce déjà installé dans l'écluse attend également.
Pas très correct tout cela ; l'opérateur devait être en cheville avec le retardataire pressé...
Comble de malchance, avant de recharger la bassinée, il attend encore un autre "commerce" montant.
Passablement de mauvaise humeur nous finissons par descendre la marche de 21 m qui sépare les 2 biefs, sans le remercier.
Le vent est de plus en plus violent, le temps se gâte franchement avec de la pluie en rafales ; je capote le poste de pilotage extérieur.
Carla qui est à l'intérieur m'alerte : un drôle de bruit résonne dans la partie bâbord de la carène avant.
Elle prend la barre, et je tente de localiser plus précisément le désordre en ouvrant les planchers ; pas de doute il y a bien quelque-chose qui cogne contre la coque dès qu'on avance.
Il va falloir intervenir.
J'enfile mon maillot de bain et la combinaison de planche à voile que j'avais heureusement pensé à embarquer.
Je mets des lunettes de plongée pour y voir un peu clair sous les eaux troubles du Rhône. Une fois de plus, l'ancre est jetée hors chenal rive gauche.
Il pleut, beaucoup de vent et un fameux courant ; il ne s'agit pas de prendre des risques.
Je prépare donc une amarre longue à laquelle j'attache en son milieu la bouée de sauvetage règlementaire et à son extrémité la taille du plongeur de circonstance.
Je saute sans enthousiasme dans l'eau à la proue et ne tarde pas à attraper une belle branche qui s'était coincée entre la coque et une des anodes boulonnées avant et que les vibrations des vagues d'étrave faisait taper contre l'acier.
Ouf ! Ce n'était que cela !
J'en profite pour inspecter l'hélice, elle est claire.
Une fois hissé à bord et l'ancre remontée, nous voilà repartis avec pour seuls bruits le glissement de l'étrave sur l'eau à l'avant et le ronronnement régulier du moteur.
Le temps de se sécher, de se changer et nous nous présentons bientôt à l'écluse de Beaucaire, juste derrière le commerce en attente, qui nous avait damé la place à l'écluse précédente.
Contact VHF avec l'éclusier, qui nous prévoit un passage avec le Mistral, déjà évoqué.
Mais la galère recommence : cette fois il s'agit - nous l'apprendrons après - d'un problème électrique sur la commande de la porte amont, obligeant l'intervention d'une équipe avec homme grenouille.
La situation est rétablie et nous entrons enfin dans l'ouvrage derrière les quelques 150 m du paquebot-croisière.
Pendant la bassinée, l'éclusier visiblement soulagé nous gratifie de chansons de séries pour enfants à travers le réseau des haut-parleurs de l'écluse.
Cette avarie technique nous aura malgré tout coûté une autre paire d'heure.
Le moral de Carla est franchement en berne.
Je me dis que tel que c'est parti aujourd'hui, il vaut mieux relâcher la pression et décide de changer nos plans.
Juste avant Arles, nous bifurquons sur le petit Rhône, parcourons encore quelques kilomètres pour s'éloigner des routes et ponts, et jetons l'ancre dans un écrin de verdure.
Le soleil et la chaleur sont de retour.
Une fois le mouillage assuré, je passe mon maillot, saute à l'eau et nage pour m'ébrouer de ces mauvaises vibrations de la journée.
Installé mollement dans l'annexe, le soleil me sèche la couenne ; c'est bon.
Douche et petite soirée sur la terrasse, en regardant le couchant.
La journée se termine mieux que prévue si ce n'est que les mosquitos camarguais s'intéressent à notre peau.
Il est temps d'installer les moustiquaires de hublots et de se calfeutrer pour dormir.
Chasse aux suceurs de sang à la tapette à mouches et essence de lavande préventive.
Nous avons parcouru 600 km et passé 97 écluses au 10éme jour de ce périple ; cela mérite bien un bon dodo.
Du Petit-Rhône aux Saintes-Maries-de-la-Mer
C'est le passage de plusieurs "chargés" qui nous réveille.
Le temps est beau et le vent modéré.
Nous prenons le petit déjeuner et levons l'ancre.
La navigation est calme, entre les frondaisons bordant du Petit Rhône.
Arrivés à l'embranchement de l'écluse de St-Gilles qui ouvre sur le canal du Rhône à Sète, puis celui du midi, nous continuons sur le Petit Rhône.
Jean Morlot, auteur du guide Vagnon nous a appâté en nous décrivant un parcours très riche au niveau faunistique, à condition cependant de bien surveiller les bancs de sable, les arbres en dérive et le fond très limité en période d'étiage.
Nous sommes à 35 km de la grande bleue et les berges sont trop hautes, envahies de végétation, ce qui nous empêche de profiter du paysage de la Camargue et rend la balade finalement monotone.
A environ 10 km des eaux maritimes, nous accostons pour déjeuner sur un ponton ombragé à proximité d'une guinguette-grillade sans âme qui vive et effectivement, derrière la digue qui les protègent des crues, moult mas et manades animent le paysage.
Jusque-là, nous n'avons croisé aucun autre bateau.
Nous repartons et cette dernière partie dans laquelle la plus faible hauteur des berges nous permet enfin de jouir de la vue des constructions camarguaises typiques, avec leurs façades éclaboussant de blanc et leurs toits en tuiles canal.
Carla en profite pour faire un peu de lessive qu'elle étend sur les écoires au-dessus du premier roof.
Une petite heure se passe et la profondeur d'eau augmente.
A Saint-Sauvage il faut décapoter et supprimer tout ce qui dépasse pour se glisser sous le gros câble du bac, tendu en travers du chenal à une hauteur de seulement 2,50 m.
Ceux qui ne sont pas avertis ou un peu distraits doivent avoir une drôle de surprise en se trouvant confronté à cet obstacle pas facile à distinguer de loin avec le soleil dans les yeux...
C'est la limite officielle des eaux maritimes ; le Petit Rhône déroule ses derniers méandres, le vent forcit de plus en plus.
Les pontons abritant des embarcations privées se multiplient.
Nous croisons maintenant de gros bateaux-promenade faisant découvrir la Camargue de l'embouchure à des touristes sagement assis sur des banquettes, dont un rappelant les anciens vapeurs "le Tiki III ", magnifique.
Une dernière épreuve nous attend : le franchissement de la barre rocheuse immergée en limite de la côte, recouverte de seulement 1,20 m d'eau mais que je détecte à la seule vue de l'écume formée ; je la laisse à bâbord.
Cette fois nous sommes vraiment sur la grande Bleue, cap à l'est pour rejoindre Port Gardian. Mais le vent se renforce encore et de grands rouleaux nous ballotent à telle enseigne que même mon siège de pilote, plutôt réputé stable, se renverse.
Tout valdingue à l'intérieur où Carla n'est pas à la joie, se demandant ce qui lui arrive ; pour une arrivée en douceur sur la Méditerranée, c'est un peu raté !
Aucun bateau à l'horizon, pas étonnant...
Je me campe solidement sur mes pieds et m'accroche à la barre.
Une demi-heure de ce lessivage plus tard, nous pouvons enfin nous mettre à l'abri dans le port des Saintes-Maries.
Cette photo de l'entrée de Port Gardian date de 2 jours après notre arrivée tumultueuse, peu compatible avec une prise de vue sereine.
L'appontage est forcément difficile à cause d'un vent de travers qui ne mollit pas et je dois m'y reprendre à deux fois pour venir nous aligner correctement dans la marina. L'amarrage sur pendille effectué, nous nous détendons enfin.
Le vent siffle dans les haubans et les drisses des voiliers s'entrechoquent.
Enregistrement à la capitainerie.
Petite tentative de baignade sur la plage : l'eau est glacée à cause du vent soutenu des derniers jours et au delà de la mi-cuisse, nous sommes saisis par le froid.
On se contentera pour aujourd'hui de la position lézard sur serviette.
Douche chaude dans de très beaux équipements sanitaires.
Nous mangeons à bord, répondons aux copains ou à la famille ; tous prennent régulièrement de nos nouvelles.
Nous finirons la soirée en nous octroyant une promenade dans la très belle cité des Saintes.
Pause aux Saintes Maries...
Malgré un vent encore violent, la soirée est douce, propice à la découverte de la ville mythique des gardians et des gitans.
Beaucoup d'animations musicales de tout style dans les restaurants, même si le style Gipsy Kings est le plus représenté, forcément.
La ville est propre, bien entretenue, avec beaucoup de statues dédiées aux chevaux et aux taureaux, à Mireille, à Crin-Blanc. Il y a même une arène en bord de mer.
Assez facilement, les personnes croisées vous disent bonjour et vous souhaitent une bonne soirée, même hors marina, comme de coutume ; cela change de notre quotidien !
Quelques beaux bâtiments dont l'église au faîte de laquelle on a vue sur toute la Camargue et le musée Baroncelli à l'architecture atypique, car très étroit, comme une arête plantée entre deux ruelles.
Les ruelles justement sont piétonnes et les restaurants, glaciers, cafés, brasseries, pizzéria... constituent l'essentiel de l'offre.
Nous finissons par aller nous coucher, fatigués mais heureux de cette bonne fin de journée.
Dès le matin je vais, comme à mon habitude marauder autour des bateaux en réparation ; on y apprend toujours des trucs intéressants.
Je me renseigne également sur le prix des sorties d'eau, des carénages et des anodes puisque notre vaillant Rusina doit y passer avant la fin d'année.
C'est carrément presque deux fois moins cher que chez nous, réalisable en deux jours. Comme la mer calme n'est pas prévue avant le début de la semaine et que je souhaite faire partager à Carla le bonheur d'une navigation cool, je décide de faire exécuter ces opérations à Port Gardian et de ne repartir qu'après.
Autres liens connexes
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