L'eutrophisation est une pollution qui désigne le déséquilibre résultant d'un apport excessif de nutriments dans un milieu aquatique. C'est l'un des révélateurs des limites de la capacité d'auto-épuration de l'eau !
Elle finit par tellement modifier ce milieu aquatique qu'elle en chasse toute la flore et la faune originelle et touche aussi bien les cours d'eau que les lacs, qui ont longtemps servi d'égouts naturels ou de bacs de réception de toutes les eaux usées.
L'eutrophisation atteint même les zones océaniques, où sont régulièrement constatés le développement d'algues parasites ou toxiques (Dynophysis) sur les littoraux de Bretagne, par exemple.
Processus
en simplifiant
L'eutrophisation contamine :
- les eaux dormantes (lacs, étangs),
- les cours d'eau ayant un débit faible ou qui accueillent des rejets trop importants, par exemple, de grosses exploitations agricoles, humaines ou industrielles,
- de plus en plus de canaux,
- les golfes ou baies et autres étendues semi-fermées.
Riche en azote et phosphore, l'urine des habitants suffit à fortement dégrader la qualité du milieu aquatique.
Les nombreux rejets des engins à moteur (pour la grande majorité terrestres), très polluants, contaminent par le carbone les eaux de lessivage (fumées, carburants, huile...)
en précisant :
Cet apport excessif de nutriments :
- Azote (des nitrates, ammonium) dûs essentiellement aux épandages agricoles (engrais riches en azote et phosphore)
- Carbone (carbonates, hydrogénocarbonates, dioxyde de carbone, matières organiques...) dûs essentiellement à l'accroissement de nos rejets, industriels ou urbains...
- Phosphore (facteur limitant dans les milieux aquatiques naturels - loi de Justus von Liebig - ce sont ses composés, en particulier les phosphates (orthophosphates, polyphosphates) qui permettent l'emballement du processus ; dûs essentiellement à l'utilisation de produits lessiviels riches en polyphosphates.
Crée un milieu déséquilibré "dystrophe" qui devient alors "hypertrophe".
Les 4 phases
1 - Les eaux ainsi enrichies favorisent la multiplication rapide des végétaux aquatiques, en particulier la prolifération d'algues, appelée "bloom",
2 - La lumière ne pénétrant plus les zones profondes du fait du développement des algues ou des plantes flottantes (lentilles d'eau - Lemna sp.) provoque un appauvrissement en oxygène,
3 - Mort d'organismes aquatiques aérobies (insectes, crustacés, poissons, mais aussi végétaux) dont la décomposition, consommatrice d'oxygène, amplifie encore le phénomène,
4 - Le milieu aquatique devient rapidement hypoxique (carencé en oxygène) puis anoxique (privé d'oxygène), favorisant ainsi l'apparition de composés réducteurs et de gaz délétères (mercaptans, méthane).
Effets
- augmentation de la biomasse algale,
- augmentation de la biomasse du zooplancton gélatineux,
- dégradation des qualités potables et organoleptiques de l'eau (aspect, couleur, odeur, saveur),
- développement de phytoplancton toxique,
- diminution de l'indice biotique,
- diminution de la biodiversité (animale et végétale),
- diminution de la concentration en dioxygène dissous,
- diminution de la diversité et de la concentration des poissons,
- disparition d'organismes supérieurs (macrophytes, insectes, cnidaires, crustacés, mollusques, etc).
L'évolution de ce biotope aquatique peut aboutir sur des décennies ou des siècles à la transformation d'un milieu aquatique en marais, puis en prairie, puis en forêt...
Principales plantes invasives des canaux
- l'élodée (plante d'aquarium) de genre Elodea monocotylédones de la famille des Hydrocharitacées originaires du Canada.
- la jussie plante à feuillage persistant d'un vert vif et aux grosses fleurs jaunes originaire d'Amérique Latine. Introduite dans les bassins des jardins botaniques de France au 19ème siècle.
- la myriophylle (plante d'aquarium vivace, à système radiculaire) ou Myriophyllum spicatum supplante complètement la flore indigène, modifie les habitats naturels, chassant les animaux et détériorant la qualité de l’eau.
Feuilles étroites de 35 mm de long (foliole), en spirale autour de la tige, aspect plumeux, 12 à 21 folioles par feuille mature.
Pousse à des profondeurs moyennes de 0,5 à 4 m (1,6 à 13 pieds) et maximales de 10 m (33 pieds).
Pousse en eaux propres ou contaminées, à différentes températures, en eaux stagnantes ou courantes, claires ou turbides, à une salinité de 10 parties par million jusqu’à 15 parties par millier et à des pH de 5,4 à 11.
Floraison vers la mi-juillet/fin juillet mais pas de semences retrouvées, malgré une production d’environ 112 graines par tige.
Bourgeons rouges aux extrémités.
- la lentille d'eau ou lenticule. Plantes angiospermes de la famille des Lemnaceae. Chaque lentille d'eau fabrique une nouvelle feuille qui grossit, puis se détache pour former une nouvelle plante.
La solution la plus écologique et passive contre la prolifération de la lentille d'eau est la mise en place de canards d'ornement qui s'en nourissent volontiers.
Solutions
Les moyens de prévention s'imposent :
- utilisation rationnelle (moins massive et plus ciblée tant sur les zones à traiter que selon la météo) d'engrais en agriculture, ce qui passe par une analyse de la valeur agronomique des sols.
- remplacement des phosphates des lessives par d'autres agents anti-calcaire inoffensifs (zéolites),
- élimination des matières organiques ainsi que de l'azote et du phosphore par le traitement des rejets dans les stations d'épuration (floculation, décantation, filtration, dénitrification, déphosphatation)...
Forum
Comme certains biefs du canal de Bourgogne, où l'on navigue désormais sur une "sorte" de prairie, tellement il y a d'herbes et d'algues dans l'eau (dont vous imaginez facilement les conséquences sur nos propulsions et nos refroidissements moteur) le canal du Nivernais est touché à son tour.
Bien sûr, le réchauffement climatique et la pollution y sont certainement pour quelque-chose.
Mais il existe sans doute des solutions à mettre en oeuvre.
Equipage du Rusina.
Mise au point des services de VNF
Ce sont…des algues : FAUX
« On observe leur prolifération dans le canal depuis quelques années - explique Xavier Lugherini, qui travaille pour VNF.
En réalité, il s’agit de plantes aquatiques, des macrophytes. Elles sont pour la plupart locales (potamots, cornifles, rubanier…) mais le myriophylle hétérophylle, espèce exotique, semble être la cause des forts envahissements ». Leur prolifération est attribuée à « un fort ensoleillement, aux nutriments disponibles dans l’eau et à la faible présence de matières en suspension ». Dans le cas des algues bleues de Bairon, il s’agit de cyanobactéries, « des micro-organismes se développant naturellement dans les plans d’eau et les rivières calmes », explique l’ARS. Les températures et les excès d’azote et de phosphore favorisent également leur apparition.
Dangereuses pour l’Homme... : VRAI
« Les plantes aquatiques identifiées ne présentent pas de danger pour l’homme ou la faune. Sorties de l’eau, elles sèchent sans effets néfastes ni toxines », indique-t-on chez VNF. Aucun danger donc du côté du canal des Ardennes, même s’il est de toute façon interdit aux baigneurs. Ce n’est évidemment pas le cas des algues bleues, hautement surveillées par le département, gestionnaire de la baignade au lac de Bairon. Elles ont justifié une interdiction de baignade car « les toxines qu’elles dégagent peuvent causer des douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhée, maux de tête, irritations et manifestations allergiques en cas de contact avec la peau », énumère l’ARS. Un phénomène toutefois d’une moindre gravité que celui qui touche la Bretagne.
… Et pour l’environnement : VRAI
Il s’agit d’abord d’une question de quantité d’oxygène.
« Ces algues ont de la chlorophylle. Cela implique qu’elles consomment de l’oxygène et en rejettent. On peut avoir des phénomènes de saturation ou de manque et cela peut causer l’asphyxie des poissons », explique le chef départemental de l’Agence française pour la biodiversité, Alain Gérard.
« Les espèces exotiques envahissantes comme le Myriophylle hétérophylle font disparaître rapidement les plantes locales, ajoute-t-on chez VNF.
Leur croissance rapide provoque l’absence de lumière et de nutriment pour les autres espèces. Elles créent un seul type d’habitat, de nourriture, de lieu de reproduction... » Autant de facteurs particulièrement néfastes pour la faune piscicole.
On peut stopper leur prolifération : FAUX
Dans le canal, on parle de la modérer, mais jamais de l’éradiquer. « L’éradication est vaine une fois l’espèce exotique envahissante installée. Par contre, on peut essayer de lutter contre sa prolifération en plantation d’arbres pour apporter de l’ombrage ou en effectuant du faucardage et de l’arrachage, en fonction des espèces, avec ramassage », détaille-t-on chez VNF.
Pour les algues bleues, l’eutrophisation étant le seul facteur humain qui favorise leur apparition, il apparaît également impossible d’empêcher leur apparition. Le Département surveille donc scrupuleusement leur apparition par un contrôle visuel sur l’écume et d’autres indicateurs tels que la température, la transparence de l’eau, le pH… Trois contrôles systématiques ont lieu en pleine saison.
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