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GAZ de SCHISTES
Les gaz de schiste... |
Selon une récente étude canadienne, le gaz de schiste ne serait pas le remplaçant idéal du gaz naturel en Amérique du Nord car en dehors de ses nuisances écologiques, son intérêt économique resterait limité, même si nous maintenons notre consommation énergétique à son niveau actuel.
Par contre, avec 5 100 milliards de mètres cubes de gaz exploitables, la France serait le plus grand producteur potentiel d’Europe, et l’un des premiers au monde. Ses réserves estimées pourraient couvrir un siècle de consommation au rythme actuel tandis que leur exploitation à grande échelle pourrait créer des milliers d’emplois et relancer notre croissance, comme cela a été le cas aux Etats-Unis.
Qu'est-ce que c'est ?
Le gaz de schiste est du méthane ou gaz naturel, emprisonné dans une formation de roches sédimentaires - il y a environ 350 millions d’années - sous l'action conjuguée de la chaleur et de la pression.
Cette roche sédimentaire est composée en majorité d'un millefeuilles de strates d’argile et de roches à grains fins, et le gaz s’est formé à partir de la matière organique provenant des restes de plantes et des animaux enfouis.
Il a été ensuite emprisonné dans les interstices poreux entre les sédiments ou à l’intérieur de fractures dans le schiste argileux ; il peut aussi s’être lié à de la matière organique insoluble que l’on appelle "kérogène".
Qu'est-ce que la fracturation hydraulique ?
L'extraction des gaz de schiste s'appuie sur deux techniques : le forage horizontal et la fracturation hydraulique :
Le forage horizontal
Puisque le gaz de schiste n'est pas rassemblé dans une poche identifiée, mais présent de façon diffuse dans une roche-mère très étendue, un puits vertical ne permet pas d'en capter l'essentiel. Il faut donc forer à l'horizontale, en suivant la roche-mère entre 1 500 et 3 000 m de profondeur, en partant du bas d'un puits vertical.
La fracturation hydraulique
Mais il reste encore à faciliter la circulation du gaz dans la roche-mère qu'il faut rendre plus perméable, afin qu'il puisse être drainé vers le puits. La technique employée consiste à créer des micro-fractures d'où le nom de « fracturation hydraulique ». Cela consiste à injecter dans le puits, à très haute pression et via un tubage adapté, un mélange d'eau, de sable et d'additifs.
L'eau sous pression ouvre des fissures par lesquelles le gaz pourra s'écouler, le sable, en s'infiltrant dans ces fissures, empêche qu’elles ne se referment ultérieurement, les additifs (environ 0,5 % de l'ensemble) sont essentiellement des substances bactéricides pour empêcher la contamination de la poche par des bactéries provenant de la surface, des composés viscosifiants servant à maintenir le sable en suspension dans l'eau puis à le maintenir dans les fissures (composés dits tensioactifs) et des réducteurs de friction.
Afin d’optimiser l’utilisation de la fracturation hydraulique et d’exploiter au mieux le potentiel de la réserve, on pratique généralement une dizaine de fracturations par puits ce qui utilise 20 000 m³ d'eau et jusqu'à 2 000 tonnes de sable. Cette technique dite du « multifracking » consiste à effectuer la fracturation hydraulique par séquences, en partant du point le plus éloigné de la base du puits.
Position politique en France
Pollution des nappes phréatiques, rejets nocifs dans l’atmosphère, déclenchement de tremblements de terre… les conséquences potentielles provoquées par la fracturation hydraulique ont poussé Nicolas Sarkozy à interdire ce procédé sur le territoire français fin 2011, en se basant sur le principe de précaution.
Fin 2012 le premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault avait annoncé ne pas vouloir revenir sur cette décision, tandis qu'Arnaud Montebourg (ministre du Redressement productif) indiquait de son côté ne pas fermer la porte à cette éventualité et François Hollande avait appelé les chercheurs et les entreprises à "poursuivre la recherche de techniques alternatives, qui permettraient d'exploiter sans risque ces gaz emprisonnés dans la roche".
De leur côté, ses alliés écologistes ont déposé en décembre 2012 une proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste, quelle que soit la technique employée.
De nouvelles pistes ?
Le 31/01/2013, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) décide de lancer une étude de faisabilité sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploitation des gaz de schiste.
Les président et rapporteur de cette structure, le député socialiste Christian Bataille et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir, veulent "explorer l'ensemble de ces pistes, ainsi que leurs implications économiques".
Selon eux, cette étude permettrait "d'apporter une contribution au débat national sur la transition énergétique" et la fracturation hydraulique, interdite par la loi du 13 juillet 2011 en raison de son impact sur l'environnement, "est une technique ancienne qui évolue aujourd'hui rapidement sous l'effet de considérations environnementales de plus en plus partagées" ; ils ajoutent : "Des voies d'amélioration de cette technique existent, dans le sens d'une moindre consommation d'eau et d'une moindre utilisation de produits chimiques".
En effet d'autres techniques, comme la stimulation au propane par exemple, sont déjà pratiquées en Amérique du Nord et les recherches en cours sont susceptibles d'aboutir à des applications d'ici à une dizaine d'années...
Leur rapport intermédiaire, sera suivi d'un rapport final avant la fin de l'année 2013.
Autre piste intéressante
D’ici une dizaine d’années, on pourrait exploiter le gaz et le pétrole de schiste sans saccager l’environnement et la France pourrait même devenir l’Arabie de l’Europe.
Une technologie française protégée par un brevet déposé par l’Université de Pau permettrait de fragmenter la roche de schiste à 2.000 mètres sous terre en déclenchant une série de décharges électriques dans un tube d’acier rempli d’eau.
Les ondes de choc générées par ces arcs électriques créent des microfissures dans la roche, libérant le gaz qui y est emprisonné, qu'il ne reste plus qu'à remonter dans des tubes.
Cette technique présente l'avantage de ne consommer que quelques centaines de mètres cubes d’eau par puits, contre près de 20.000 avec le procédé actuel, tout en ne faisant intervenir qu’un nombre réduit d’adjuvants de synthèse très polluants.
Controverses
Le gaz de schiste ne serait pas le "combustible de transition" entre les combustibles fossiles riches en carbone, comme le charbon et le pétrole, et n'aurait qu'un avenir très incertain dans le domaine des transports faute d'un système de distribution élaboré, contrairement aux assertions de cette industrie.
C'est ce que met en avant une étude réalisée conjointement par l'Institut Pembina et la Fondation David Suzuki, qui se base notamment sur des modélisations réalisées par la firme EnviroEconomics. En comparant diverses études, dont celles de l'Agence internationale de l'énergie, avec leur propre modélisation, les deux groupes en arrivent à la conclusion que le gaz de schiste va certainement remplacer une partie du gaz naturel, dont les réserves déclinent présentement. Mais, selon leur analyse, l'exploitation de ce nouveau combustible sur le marché ne devrait pas connaître de hausse substantielle. Au contraire, écrivent-ils, les différents scénarios étudiés indiquent que la production d'ici à 2050 devrait se situer autour du statu-quo sans interventions majeures des Etats et des provinces pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Mais si les gouvernements en viennent à imposer un prix, même léger, aux émissions de carbone dans l'atmosphère, les modèles évoqués dans ce rapport prédisent un net ralentissement de la hausse prévisible de la production de gaz.
Et si les décideurs publics axent leurs politiques sur l'objectif (en conformité avec la communauté internationale) de limiter la hausse du climat terrestre à 2° C, soit "la production et l'utilisation de gaz naturel en Amérique du Nord augmenteront marginalement au-dessus des niveaux actuels avant de diminuer, ou elles amorceront leur déclin tout de suite", lit-on dans ce document.
Le gaz naturel occupe aujourd'hui une place importante dans le bilan énergétique nord-américain, dont il représente le quart de l'énergie primaire. Les ressources canadiennes pourraient satisfaire nos besoins pendant 100 ans au rythme de consommation actuel.
C'est un fait qu'aux Etats-Unis les réserves de gaz ont augmenté considérablement depuis qu'on exploite le gaz de schiste, au point que le gouvernement estime qu'il pourrait répondre aux besoins énergétiques du pays pendant un siêcle également.
Si le gaz naturel est techniquement un gaz dont la combustion émet la moitié moins de carbone que le charbon, son cycle d'extraction modifierait sensiblement à la hausse son empreinte climatique, plus particuliêrement celle du gaz de schiste. Un important débat scientifique a cours sur cette question. Mais, selon l'étude, l'empreinte écologique de l'exploitation du gaz de schiste est beaucoup plus indiscutable que son empreinte climatique, ce qui entravera son développement, prévoit-on.
C'est ainsi que les régions riches en gaz de schiste pourraient faire en effet l'objet d'une "industrialisation intense" avec un maillage d'un site de forage tous les 2,6 kilomètres carrés, transformant radicalement l'environnement des milieux ruraux. Selon l'étude, pour maintenir la production d'un volume de gaz donné sur une période de 25 ans, il faut environ 100 fois plus de sites de production que ne l'exige, par exemple, l'exploitation du gaz naturel dans le delta du Mackenzie.
L'étude Pembina-Suzuki établit cependant : "qu'aucun cas n'a établi clairement que des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique du gaz non traditionnel ont contaminé directement de l'eau douce souterraine." en précisant malgré tout que : "ce qui a nettement été établi, et à plusieurs endroits, c'est la migration du gaz naturel vers des sources d'eau potable par suite de la cimentation ou du tubage inadéquat de puits de forage, y compris dans des installations récentes de gaz de schiste."
Le bilan du développement de cette industrie nouvelle est d'autant plus inquiétant, poursuit l'étude, que "la plupart des puits de pétrole et de gaz au Canada sont expressément exemptés des processus normaux d'évaluation environnementale provinciaux", notent les auteurs, qui ont fait un relevé des lois et règlements à travers le pays. Ils notent aussi que les gouvernements ont tendance à faire gérer les aspects environnementaux de l'exploration et de l'exploitation du gaz de schiste par leurs ministères touchant à l'économie, ce qu'on qualifie de "conflit d'intérêts", plutôt que par les ministères de l'Environnement, créés et équipés en principe pour gérer ces problèmes.
La question apparaît d'autant plus importante, selon l'étude, que "les autorités réglementaires canadiennes n'ont en général qu'une connaissance limitée de la structure des sources d'eau souterraine et ne disposent donc pas de l'information nécessaire pour évaluer correctement les risques que le développement du gaz et du pétrole fait peser sur l'eau".
Puisque la production d'énergie semble en voie de se diriger plutôt vers des énergies renouvelables que vers le gaz comme énergie de transition, l'étude suggère aux gouvernements de ralentir le développement de cette industrie, de cesser de lui conférer des privilêges fiscaux qu'ils n'accordent pas aux énergies renouvelables et de maintenir les niveaux de production en conformité avec leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Le développement de cette industrie, concluent-ils, devrait à tout le moins faire l'objet d'une évaluation des impacts cumulatifs de l'ensemble des projets prévus à l'échelle régionale et faire l'objet d'une validation rigoureuse de leur acceptabilité sociale tout en étant limité dans leur expansion par la nécessité de protéger les nappes souterraines à partir d'une cartographie élaborée, pour l'instant inexistante.
Forum
J'ai lu et vu plusieurs reportages sur les méfaits de l'exploitation du gaz de schiste aux USA notamment. C'est vraiment flippant !
Mais n'est-il pas possible et souhaitable de faire des expérimentations en France, bien sûr sous haute surveillance sanitaire et écologiste, pour mettre au point un process admissible que nous pourrions exporter, et qui participerait à ce que nous soyions un peu plus indépendant énergétiquement ?
Antoine O. |
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