RESPONSABILITE des ARTISANS
POLLUTIONS INTERIEURES dues à la RENOVATION des LOGEMENTS
par Paul de Haut
(auteur de plusieurs ouvrages sur l'éco-habitat chez Eyrolles et animateur du portail www.ecologie-solutions.info)
Un constat alarmant !
3 habitations sur 4 au moins sont concernées, comme l'atteste une étude de 2001 portant sur près de 900 logements français.
Contre toute attente, l'air analysé y contenait un cocktail de polluants chimiques toxiques ou allergisants qui rendait l'intérieur 10 fois plus nocif que l'extérieur et le lieu d'habitation, ville ou campagne, n'y changeait rien.
Difficile alors d'imputer ces désordres environnementaux aux seules sources de pollutions désormais bien identifiées (industrie, chauffage, circulation…).
Fort logiquement, on retrouve dans nos organismes pas moins de 200 substances indésirables, même si toutes ne sont pas issues de la pollution intérieure de l'air.
Formaldéhydes, phtalates, xylène, chloroforme, alcool, acétone ou benzène… ont des effets sur la santé humaine qui peuvent sembler minimes pour certains – fatigue, allergies, irritation des yeux, rhumes à répétition, dépression – ou largement plus graves : cancers divers, maladies auto-immunes, problèmes cardiaques ou pulmonaires, baisse de fertilité, malformations, asthme et autres allergies.
Leur recrudescence constatée par le milieu médical lors de ces 30 dernières années devrait suffire à en faire aujourd'hui une préoccupation prioritaire en terme de santé publique…
Premier indice sur l'origine des désordres sanitaires constatés : le point commun entre bon nombre de logements à fortes concentrations en COV : des travaux intérieurs de rénovation ou de décoration dans les 2 ans qui ont précédé l'analyse.
Responsabilité des professionnels
Le professionnel d'aujourd'hui se doit de se différencier du bricoleur du dimanche en mettant en œuvre des solutions et des matériaux, sans se contenter de leurs seules propriétés techniques, mais en prenant en compte leur éventuelle toxicité future sur l'air intérieur des logements qu'ils rénovent.
Isolation, ventilation, chauffage, cloisons, revêtement de sol et de murs, électricité, traitement des charpentes et bois, décoration… autant de secteurs où par leurs conseils (ce qui implique une connaissance minimum des risques sur la santé de leurs choix et pratiques) ils ont un rôle essentiel à jouer !
Par exemple, on sait maintenant que la persistance des pollutions par les hydrocarbures se maintient pendant plusieurs années et que : peintures, parquet neuf, solvant… peuvent mettre plus d'une décennie avant de cesser de diffuser leurs composés chimiques !
Cette durée d'émission possible maintenant bien connue du formaldéhyde, se confirme régulièrement pour les autres polluants volatils.
Circonstance aggravante, une fois émis, ces molécules risquent d'être absorbées par d'autres supports poreux, puis d'être rediffusées petit à petit dans l'air sur de longues périodes.
Mais cette responsabilité du professionnel vis-à-vis de ses clients, existe aussi vis-à-vis de son personnel et de lui-même, s'il travaille physiquement sur ses chantiers.
En effet, c'est durant les premiers jours après leur application que le taux de diffusion des polluants est le plus massif et donc le plus dangereux.
Faire évoluer ses pratiques
Chaque secteur de la rénovation a ses propres matériaux et process, mais l'observation de quelques règles communes permet de limiter les risques :
- choix de matériaux dont la composition présente le plus petit potentiel de relarguage d'agents toxiques (bois massif plutôt qu'aggloméré, liège plutôt que PVC…)
- utilisation de matériaux inertes à la chaleur et à l'humidité,
- liants, colles, solvants naturels ou avérés non toxiques...
Cela demande évidemment une curiosité minimum sur la composition des produits employés et la recherche d'alternatives fiables qui existent aujourd'hui sur le marché.
Par ailleurs, l'émission ou la présence de ces polluants dans l'air intérieur est avant tout directement en rapport avec 3 facteurs :
- la chaleur,
- l'humidité,
- le renouvellement de l'air des pièces.
Bien entendu, le professionnel du bâtiment intervenant dans un logement existant ne peut maîtriser l'ensemble de ces paramètres au moment de son intervention au titre de son art ; il a cependant la responsabilité éthique d'attirer l'attention de son client (obligation de conseil) sur les anomalies constatées et de ne pas aggraver ce tableau toxique par son intervention.
Maîtriser l'humidité
On admet un taux d'humidité relative de 40 à 60 % HR dans des locaux à une température de 20° C.
Au-delà de cette limite elle :
- accroît les émissions de composés organiques volatils (dont le formaldéhyde),
- augmente la présence de fibres en suspension dans l'air,
- accélère la dégradation des surfaces,
- offre un milieu favorable aux virus et bactéries,
- favorise le développement de deux puissants allergènes : les moisissures et les acariens.
En bref, l'excès d'humidité aggrave les pathologies respiratoires et rend actifs de nombreux polluants et allergènes.
Conclusion
On demandait jusqu'à présent au professionnel du bâtiment d'être efficace dans sa spécialité et beaucoup le sont.
Aujourd'hui, sa tâche en même temps que sa responsabilité se compliquent, puisqu'il se doit de maîtriser un minimum la prévention des pollutions intérieures induites des logements sur lesquels il intervient.
Les enjeux sanitaires sont tels que cela lui sera bientôt imposé par la réglementation, mais l'éthique voudrait qu'il le prenne en compte au plus tôt.
Pour en savoir plus :
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