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POUR LA NATURE
- Chapitre III -
Respect de la vie


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Les insectes ont un rôle primpordial dans l'équilibre de la Nature Dès le début de cet essai, nous vous avons prévenu. Pour nous, la nature, c’est la vie.

«Dites-moi, avez-vous jamais pensé à ce que c'est que vivre ? Concevez-vous qu'un être puisse jamais passer de l'état de non vivant à l'état de vivant ?" demande Diderot à une amie (1).

A priori, nul besoin de penser la vie pour l'éprouver. Nulle nécessité de chauffer les bancs de Fac pour déceler de l'inanimé dans la pierre et du vivant dans une souris. Je reconnais la vie parce que je vis. Quand vous tuez la plus «banale" des formes de vie, vous savez que vous tuez, qu'une existence ne sera plus. Et comme il y a de la grandeur d'âme en vous, vous culpabilisez. Certes, il est des cas où ce n'est pas évident: ce crustacé fixé à la roche semble bien être de la pierre. Mais dans l'ensemble, dans le quotidien, c'est clair.
La vie, nous le martèlerons souvent, est un phénomène extraordinaire. Face à elle, nous ne pouvons nous comporter n'importe comment. Pour étayer cette opinion, il ne suffit pas de dire que nous comprenons le vivant parce que nous en sommes. Il nous faut sortir un peu du flou qui dissout, fouiller des documents en cherchant à ne pas nous y perdre. Il nous faut dépasser ce détournement d'une phrase de Saint Augustin : «Qu'est ce donc que la vie ? Si personne ne me le demande, je le sais mais si on me le demande, je ne sais plus" (2). Pour ce faire, dans les paragraphes qui suivent nous puiserons dans de la documentation accessible à tout le monde, ou presque. Bien sûr, notre dessein - bien se comporter face à la vie - oriente notre sélection (3). Nous éviterons, au mieux de chercher la petite bête qui sépare les sens des mots «vie", «vivant", «existence", «existant", «être", «étant". Certains la cherchent ; résultat : des termes qui valsent en se tenant par la barbichette.
Deux visions se heurtent :
- la vie n'est que chimie,
- la vie n'est pas que chimie.


LA VIE N'EST QUE CHIMIE

Inspectons la vie avec le regard myope de Descartes pour qui le vivant n'est qu'automates. Empruntons les bouquins de physique et de chimie de nos gamins. La matière, comme tout ce qui existe, a une histoire. Banalement, faisons-la commencer par le Big Bang. D'abord, les particules, la matière et l'anti-matière. L'atome très complexe avec des légers et des lourds, de l'énergie potentielle et énorme en son sein. Ces éléments s'assemblent en molécules selon leurs affinités électives variables, fortes ou faibles comme dans les couples humains. Ces molécules s'affrontent, réagissent, donnent d'autres molécules. Certaines sont «peu" importantes ainsi l'eau avec seulement trois atomes pour 2 éléments. D'autres sont gigantesques, les macromolécules avec des milliers d'atomes. Parmi ces dernières, celles dites organiques dont le carbone est le squelette. La vie s'explique en partie par le «fonctionnement" de ces dernières. Leurs capacités sont multiples, leurs exploits remarquables, le tout est fort complexe. Le tout dépend mais entre autres des atomes présents certes mais aussi de la disposition de ces derniers les uns par rapport aux autres, de l'architecture, des types de liaisons, etc.
Les maîtres pour qui tout n'est que chimie (ou physique) insistent très fort là-dessus : dans tout ce que l'on dit contenir la vie, il y a de la matière qui agit sur de la matière. Ils peuvent, si vous le souhaitez, le dire autrement : tous les phénomènes que l'on attache à la vie s'expliquent par de la physique et de la chimie. Ou encore : pas de barrière particulière entre l'inerte et le non inerte aussi étonnante que soit la complexité du dernier. Les deux se traitent semblablement. La pensée elle-même n'est qu'un processus physico-chimique. Du coup, quel intérêt y a-t-il à définir la notion de vie? Aucun. En passant, notons que jusqu'au 18e siècle, ce qui n'est pas l'antiquité profonde, personne ne s'est soucié de cette question mais à coup sûr pas pour les mêmes raisons que les chimistes.
Pour Descartes et d‘autres aussi, la vie est un mécano, n'est que mécanismes et mouvements : « Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose…" (4). Le cœur est réductible à une pompe, le rein à des filtres. Rouages et ressorts. L'homme seul sort du lot commun de la vie : Dieu dans sa grande bonté, à moins que ce soit pour l'éprouver, lui octroie une âme.

Ces modèles sont très réducteurs, n'est ce pas ? Donc, a priori ternes. Mais la vie quel que soit l'angle sous lequel on l'aborde, reste éblouissante.
Un chevreuil se déplace là-bas, le long d'une allée, un cheval au galop souple et puissant passe devant vous, contemplez-les ; imaginez combien de convergences musculaires, nerveuses, osseuses, circulatoires sont nécessaires pour que ces mouvements aient lieu.
Avez-vous un esprit stoïcien ? Oui ! Alors la maladie vous est un hasard instructif. Docteur, chirurgien aidant ou tout seul si pas aidant, vous êtes aux premières loges pour découvrir les équilibres délicats de votre organisme. Ceux qui maintiennent en santé et que votre maladie met en danger. Vous finissez par vous demander par quel miracle vous allez bien : maladies, dysfonctionnement devraient être la règle. Parfois l'estomac vous brûle ou votre température interne s'envole. Que fait alors votre docteur ? Un peu de chimie façonnée en adorables comprimés et retour à la case santé. Dans des cas plus graves, des organes peuvent vous lâcher, alors un peu de mécanique, remplacement des pièces défectueuses et la machine repart.
L'ensemble évoque ce tableau. En chaque forme individuelle de vie, des centaines d'orchestres jouent simultanément et chacun pour soi, sa composition musicalo - chimique propre, chaque musicien dispose d'une multiplicité d'instruments les utilisant - physique, chimie - groupés ou séparés. Et quel résultat ! Une seule symphonie, une seule harmonie : la vie. Les compositeurs humains les plus hardis peinent à concentrer en même temps, plus de deux ou trois orchestres ensemble (5).

Dégustons du Buffon. Pour une faible part de matière composant le corps d'un animal, que de ressorts, forces, machines, rapports, correspondances, combinaisons, arrangements, causes, effets avec un même but ; effets de principes pour des résultats si difficiles à comprendre, tous éléments qui «n'ont cessé d'être des merveilles que par l'habitude que nous avons prise de n'y point réfléchir"(6).
Bref, à ne se soucier que de physique, chimie ou mécanique, à ces seuls points de vue, la vie justifie égards et respect.


LA VIE N'EST PAS QUE CHIMIE

Il suffit de penser à soi, à son chien ou au colvert qui barbotte dans cet étang pour répliquer vertement à qui prend la physique chimie comme seule porte d'accès du vivant. Certes le médecin ou le scientifique dans l'exercice concret de leurs professions pourront avoir intérêt à réduire la vie à ces disciplines. Mais revenus chez eux, bavardant au coin du feu, leurs opinions apparaîtront bien plus ouvertes.
Donc discutons de la vie.
En préalable, même si nous avons noté que des mots se tiennent par la barbichette, séparons quand même - un peu - «vie" et «vivant". Parler de la vie est évoquer des caractéristiques générales valables pour toutes formes de vie. «Vivant" est concret, désigne des êtres vivants. La distinction est parfois utile même si nous ne sortons pas vraiment de ce cercle vicieux: la vie est ce qui caractérise les vivants et le vivant est ce qui a les caractéristiques de la vie.
Diderot nous a questionné : comment concevoir que de l'inerte puisse passer à l'état de vivant. Il y a en effet comme une «émergence" d'une complexité incroyable à partir d'une matière elle-même déjà très complexe. La vie est-elle «une fièvre de la matière" (7) ? Fièvre féconde puisque capable d'exprimer le «caprice délirant du vivant" (8). Connaître la vie, le vivant est l'objet d'une science : la biologie. Science impossible selon certains. Pas seulement parce que le concept «vie" diffère selon l'époque, mais parce que vraiment difficile à cerner. «Qu'est ce que la vie ? Nous verrons que la question sans cesse nous échappe et que sans cesse, elle revient" (9).
D'abord, ne pas nier la matière «Les phénomènes chimiques n'engendrent pas la vie quoi qu'ils en soient une condition de manifestation" (10). Difficile de lui trouver la bonne place. Le philosophe Kant - humoriste à ses heures bien qu'allemand - ne croyait pas qu'il puisse exister un «Newton du brin d'herbe" (11), un très grand savant qui rende compréhensible le brin d'herbe à partir de lois naturelles. Précaution élémentaire toutefois, éviter de démonter la vie pour l'étudier «comme un enfant qui démolit une montre et en éparpille les rouages pour en connaître les mécanismes" (12). Objectif : penser ensemble vie et non vie (9).


1 - Caractéristiques de la vie

1.1 - listes
Petits rappels. Ces caractéristiques se rapportent à tout ce qui est vivant : le végétal comme l'animal et les autres (bactéries, champignons…). Elles sont générales tandis que les vivants sont concrets, uniques, ont une histoire, une visée. La probabilité de voir apparaître sur terre deux êtres rigoureusement semblables est considérée comme nulle.
Des connaisseurs, en particulier ceux ayant pignon sur Internet, retiennent ce tronc commun de caractéristiques.
- L'individualité
L'unité, la totalité de tout être, une capacité à faire des expériences, une autonomie qui oscille entre liberté qui se donne ses lois et lois de la nécessité.
- La conservation de soi
La vie dit oui à la vie, ne veut pas mourir, s'adapte à l'environnement, agit et réagit, se maintient en équilibre (jargon : métabolisme).
- Le développement
Le vivant naît et meurt ; entre les deux, il se transforme.
- La reproduction
Il y a sur le marché, abondance de listes semblables, émanant d'éminences ou d'anonymes. C'est bien. Chacun peut ainsi tomber sur celle qui lui parlera le mieux. Les préfixes «re" ou «auto" sont à la fête. On les emploie ou l'on pourrait les employer pour bien des caractéristiques :
- avec «re", la vie se maintient et se poursuit : régénération, reproduction.
- avec «auto" : qui se fait par soi-même sans téléphoner à qui que ce soit : autoreproduction.
Voici, pour l'exemple, encore deux listes lues dans «Wikipédia" (13) :
- pour la NASA qui se préoccupe de savoir ce que leurs astronautes pourront baptiser «vivant" en cas de rencontres avec des extraterrestres. «Est vivant tout système délimité sur le plan spatial par une membrane semi-perméable de sa propre fabrication et capable de s'auto-entretenir ainsi que de se reproduire en fabriquant ses propres constituants à partir d'énergie et/ou à partir d'éléments extérieurs."
- pour deux biologistes chiliens, Maturana et Varella, le dernier également connu comme penseur dans son domaine: une entité est vivante si elle peut se reproduire elle-même, si elle est basée sur l'eau, produit des lipides et des protéines, dont le métabolisme est basé sur le carbone, se réplique grâce à des acides nucléiques, possède un système permettant de «lire" les protéines. Ce doit être complet mais ça manque de poésie !
Dans une revue de vulgarisation, un auteur concentre ainsi les caractéristiques de la vie : le métabolisme (voir plus avant), le matériel génétique, une membrane qui circonscrit l'être et le protège (14).

Si vous en redemandez, trois autres listes en note 15.
Avec de grandes sous-catégories d'espèces vivantes rien n'empêche de retenir, pour certaines d'entre elles, des caractéristiques générales,spécifiques; exemple, la locomotion pour les animaux.

Glissons ici ces deux envolées ou formules :
«La notion de vie, ainsi, doit être conçue à la fois intensivement [..] et extensivement…" E. Morin (16).
«… la vie même est essentiellement appropriation, atteinte, conquête de ce qui est étranger et plus faible, oppression, dureté, imposition de ses formes propres, incorporation à tout le moins, dans les cas les plus tempérés, exploitation […].la volonté de puissance authentique qui est justement volonté de vie" Nietzsche (17).


1.2 - insistances et hiérarchies

- La reproduction
La vie implique la reproduction mais assurément un être stérile reste un vivant. La reproduction est volontiers classée un peu partout comme critère numéro un de la vie. J'ai oublié de noter la référence de la comparaison qui suit, je vous la livre quand même. On ne rencontre pas de couples machines convolant en justes PACS et donnant naissance à de charmants bambins machines, ceux-ci se partageant les gènes des géniteurs. Seul, le vivant réalise l'exploit. Remarquable continuité du vivant. Des êtres engendrent de nouveaux êtres. Le même génère le même aux exceptions près mais rares du mouton à cinq pattes.
Aristote ne suit pas le mouvement : «La vie telle que je l'entends consiste à se nourrir soi-même, à croître, à dépérir" (18). Exit la reproduction ?

- Le métabolisme
Mot assez nouveau, encore rarement rencontré dans les mots fléchés. Par lui, on veut saisir un ensemble déterminant de propriétés de la vie. En raccourci, l'ensemble des réactions, des processus - de la cellule, de l'organisme - qui maintiennent en vie. Ce maintien exige l'usage d'énergie venue de l'extérieur pour la nutrition par laquelle ce qui n'est pas soi devient soi, avec la chaleur, la lumière etc. et aussi la capacité de synthétiser ce qui répond aux besoins.
Autre mot qui à notre avis est synonyme du précédent, mais encore moins utile pour les mots croisés, «l'autopoïése" ; étymologiquement, la création par soi-même. Terme créé par les deux biologistes chiliens Maturana et Varela sur le terrain desquels nous nous sommes promenés un peu plus haut. Peut-être, insiste-t-on plus fortement sur la capacité du vivant à se maintenir dans un environnement qui change tout le temps et pour n'importe quoi ; cette entrée serait très efficace pour comprendre la vie et aussi divers autres phénomènes de haute complexité.
Métabolisme ou autopoïèse marquent la nécessité, l'obligation de se débrouiller pour vivre. Mais alors quelle liberté reste-t-il au vivant ? Ecartons l'échelle hiérarchique d'antan menant de la pierre aux anges puis à Dieu, aux dieux avec l'homme proche du sommet ; avec l'hypothèse : plus c'est haut, plus c'est libre. Les penseurs dont la raison d'être est d'affronter toutes les questions n'ont pas manqué d'affronter celle-là. Hans Jonas prend le problème à l'envers. Selon lui, justement « le concept de liberté peut servir de fil d'Ariane pour l'interprétation de ce que nous appelons "vie"" (19). A votre choix : partir de la liberté ou balancer entre liberté et nécessité pour deviner la vie.

- La génétique
Peut-être pensez-vous que c'est davantage une mécanique qu'une caractéristique générale qui, en ce point, est la reproduction ? Sans doute suis-je influencé par l'ambiance actuelle qui voit dans les gènes, des lingots d'or ou un «Deus ex machina" mais il me semble qu'on peut sans trop déroger à la logique, en parler à cette page. C'est que l'information génétique est ce qui sépare clairement vivant et non vivant. Concrètement, le support est l'un de ces acides aux noms interminables heureusement raccourcis en ADN et ARN. Saga des gènes ! Machinerie insensée qui nous maintient dans ce que nous sommes ! Hélice élégante de l'ADN, réplications, traductions, mutations. SMS en tous sens, tous contenus, toutes orthographes !


1.3 - La vie en un mot ou une phrase (pour souffler un peu)
- «La vie c'est la création" (20).
- La vie, c'est la mort (20bis).
- «On ne peut donc pas le (l'être vivant) comparer à une machine mais au mécanicien qui dirige la machine" (21).
- La vie n'est pas un mécanisme mais un dynamisme.
- «La vie, c'est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort" (22).
- Le vivant c'est ce qui ne rencontre pas passivement le monde.
- C'est ce qui se génère et se régénère.


2 - Histoire du vivant

Cette histoire est incomparablement plus extraordinaire que celles de Napoléon, César, Alexandre et Gengis Khan réunis. Examinons ces deux fresques :
- l'origine de la vie.
- l'évolution du vivant.

2.1 - L'origine de la vie

Les origines fascinent. Ainsi dépassant toute perception, celle du cosmos, de la matière et du temps : le Big Bang. Celles de la vie ne sauraient nous laisser insensibles. Les savants qui travaillent dans ce domaine sont nombreux, présents dans beaucoup de pays. La vulgarisation scientifique sur l'état des connaissances nous paraît satisfaisante.
Les chercheurs situent l'origine de la vie à environ 3,5 milliards d'années. Ils reconstituent les conditions qui peuvent l'avoir favorisée ou qui ne l'ont pas interdite. Certains disent qu'un moment est venu où la matière étant ce qu'elle était devenue, la vie ne pouvait que surgir.
Préalables à cette émergence: satisfaction de l'exigence en eau, un «certain" état de l'atmosphère avec ce qu'il fallait en produits chimiques, un climat ad hoc, un volcanisme intense. Pour mieux comprendre, il faut replonger dans la physique-chimie ; se rappeler l'histoire de la matière : Big Bang, particules, grumeaux de l'univers, et cordes cosmiques, atomes, molécules. Parmi ces dernières, enfin, celles qui sont considérées comme de la «pré vie". Arrêt sur ces dernières, composants indispensables à l'éveil de la matière : les acides aminés et les acides nucléiques (la vie ne serait-elle qu'acide?). Molécules aux agencements d'atomes très complexes. Une vingtaine de ces acides animés existants ou possibles sont mobilisés pour la pré vie. Ce sont les matériaux, les «briques" de molécules hyper importantes: les protéines, agents, dans le vivant, des flux de matière et d'énergie. La probabilité pour que les atomes s'agglomèrent tels qu'ils se sont agglomérés afin de les former est, a priori, très faible. Elle est «celle qu'aurait les débris soulevés par une tornade de spontanément se regrouper pour former un Boeing 747" (23). Dans une bactérie, il y a 2500 protéines différentes ; chez l'homme, il y en aurait plus d'un million. Superbe mécano qui part de quelques pièces qui, en se multipliant sans compter, produit la multiplicité du vivant (24). Enfin, ne négligeons pas les acides nucléiques (ADN, ARN) qui font - quelle histoire quand même ! - que des molécules se répliquent, se reproduisent; sans elles, pas de vivant !

Où sont les pouponnières de la vie ?
Soupe primitive, océans, fonds abyssaux et cheminées hydrothermales, écumes et embruns des mers, «étang chaud" de Darwin ou autre cocotte minute, le dossier est toujours ouvert. La vie est apparue «ruisselante encore de l'état moléculaire" (25). Ce fut d'abord la cellule originelle, organisme primitif, archaïque, microscopique, vulnérable mais vivante (26).

On n'est pas ou vivant ou inerte, ce serait trop «simple" ! Les définitions ont des trous, les frontières ont des faiblesses. Les formes frontières, intermédiaires, seraient fort nombreuses et partout. Des entités aussi stupéfiantes que celles s'exposant bien sagement dans leurs cases de classification. Une de ces formes vivant/non vivant est sous les feux de la rampe : le virus. Il nous empoisonne la vie et nous tue sans remord. Il est l'un des réels maîtres du monde. Ses capacités sont spéciales. Il se reproduit, mais contrairement à tout vivant qui se respecte, il ne peut le faire par lui-même, par autoreproduction. Il s'arrange pour obtenir ce résultat en pénétrant dans du vivant qui passe près de lui, dans une cellule, et il fait fonctionner la machinerie reproductrice de cette dernière à son profit. Il pourrait se constituer après tout, quoi que vous en pensiez, un comité de défense des virus. Ceux qui nous agressent sont minoritaires dans ce peuple ; parmi le reste, nombreux sont ceux qui jouent un rôle décisif dans l'évolution. Ce serait les entités génétiques les plus créatrices que nous connaissions (27).

La vie ailleurs ?
Encore une question surexcitante que nous déclinons en deux parties : la vie ailleurs que sur terre et la vie sur terre venue d'ailleurs.

La vie ailleurs que sur terre
Les supputations balancent entre deux pôles :
- la vie est apparue sur terre dans des circonstances si exceptionnelles - chimie, atmosphère, etc. - que la possibilité qu'il y en ait ailleurs est très faible,
- il y a tant et tant de planètes dans l'univers que même avec une probabilité très faible, pourquoi ne se trouverait-il pas de la vie dans quelques-unes ?
Les lecteurs de science-fiction sont près à bavarder avec des extraterrestres dans leurs jardins. (Petite apologie : les bonnes œuvres de SF aident à s'interroger sur la vie et les vivants.) Les chercheurs, eux, aimeraient confronter la vie et le vivant tels que nous les connaissons sur terre, à des caractéristiques différentes : autres chimies, autres éléments que le carbone pour structurer les molécules organiques, etc.

La vie venue d'ailleurs
Cette hypothèse est parfois dénommée «panspermie", le terme viendrait d'un penseur grec d'avant Socrate. L'arrivée d'entités vivantes, cellules ou monstres, n'est pour l'instant que dans les imaginations. Ce qui par contre serait possible est l'atterrissage de molécules organiques, de molécules de pré-vie. Des expériences montreraient qu'un vol spatial de telles molécules, avec comme véhicules des météorites, est concevable (28).
Après tout, cette perspective est secondaire par rapport à notre préoccupation en ce point. C'est déplacer une partie du trajet allant de l'inerte au vivant, le tronçon essentiel - chimie de la pré-vie à vie - demeurant sur terre.

Créer la vie
Jadis, créer la vie à partir de la matière ou de rien était l'apanage des dieux et des démons. Aujourd'hui, scientifiques et crédits s'y consacrent.
Claude Bernard écrit : «J'admets parfaitement que lorsque la physiologie sera assez avancée, le physiologiste pourra faire des animaux ou des végétaux nouveaux comme le chimiste produit des corps qui sont en puissance mais n'existent pas dans l'état naturel des choses" (29). On n'en est pas encore là en dépit de ce que l'on croit comprendre à certaines occasions. Ainsi évoque t-on une expérience fameuse, celle de Stanley Miller, dans les années 1950. Ce jeune doctorant américain s'est appliqué à reconstituer les conditions physico-chimiques que l'on suppose avoir existées à l'apparition de la vie ou juste avant. Il a mis à cet effet dans ses ustensiles de labo, de l'eau et des gaz présents en ces lointaines époques dans l'atmosphère(méthane, ammoniac, hydrogène). Puis boum ! Des décharges électriques : l'équivalent des violents orages de jadis. La vapeur d'eau dans les alambics, est comme de la pluie, elle alimente en substances une sorte d'océan primitif. Stanley analyse ce qu'a créé ce remue-ménage. Il trouve en particulier des acides aminés. Donc, du calme ! Il n'a pas créé la vie mais de la pré-vie et c'est déjà étonnant. Autre évènement plus récent : l'expérience de Craig Venter aux USA, en 2010. Le savant insère un génome artificiel dont il est le créateur dans une cellule. Et la machinerie reproductrice de celle-ci fonctionne. Pas de la vraie vie mais selon les propres paroles de Venter, «la première espèce capable de se reproduire ayant pour parent un ordinateur" (30).
Les hommes s'acharneront toujours, mus par un désir jamais assouvi, de découvrir toujours plus, de savoir toujours mieux ce qu'est la réalité. Ce serait sans doute insensé que de s'opposer voire condamner cette poursuite. Mais l'inquiétude est là. Créer de la vie ne risque-t-il pas dans un monde aux valeurs troubles de ravaler la valeur de la vie à celle de la matière. C'est que nous avons sous les yeux les OGM, les manipulations génétiques. Les recherches sont initiées et soutenues, en premier lieu, pour le profit qui n'a ni morale ni éthique.


2.2 - l'évolution

Quelle chance d'être né après Darwin, après ces moments où les savants ont fini par se mettre d'accord sur l'idée de l'évolution des formes de vie, l'immobilisme remplacé par le mouvement. Nous disposons d'une grille de lecture aux mailles sans doute larges, discutées peut-être, mais suffisantes pour donner un peu de cohérence dans notre compréhension de l'histoire de la vie. Une grille qui n'enlève rien, qui en rajoute plutôt, à l'émerveillement. La vie, le vivant - la biologie - sont une histoire, une épopée, une saga. Celles-ci ont vu, voient, verrons émerger et s'en aller, les espèces et chacun de nous en particulier, étape dans le flux du temps. Histoire, saga ou épopée imprévisibles d'un phénomène au génie inventif sans pareil. Aujourd'hui, aboutissement éphémère, n'est-elle pas stupéfiante cette débauche, cette fantaisie complexe d'anatomies, de comportements, d'interdépendances des êtres entre eux, des êtres avec l'environnement. Soyons en bien conscients : la vie est concentrée sur une mince couche de la planète. Sur le sol, dans un peu de sous-sol, un peu en atmosphère. D'accord, des oiseaux survolent l'Himalaya à 8 km au-dessus du niveau de la mer et des êtres marins vivent à 8 km au-dessous. Ce sont des écarts modestes et l'on gardera l'image : mince couche de la planète, petite peau de vie.
Les premiers chapitres ne sont pas les moins étonnants. D'abord, la cellule première, puis «évoluée" avec un noyau. Les bactéries de ce temps ont produit l'oxygène que nous respirons ; cet élément agissant sur l'élément fer disponible, a peint toute la planète en rouge ou ocre rouille, bien avant que la végétation ne la teigne en vert. Cet oxygène fut du poison pour les vivants du moment mais ceux qui en réchappèrent, prospérèrent (31). Voici le gentil petit Luca (Last Universal Common Ancestor). Non absolument la première cellule. Il a été précédé de lignées plus simples, éteintes. Il est l'ancêtre de toutes les espèces vivantes, y compris les bactéries (32). Les cellules ont mené des vies égoïstes. Puis, elles ont dialogué, se sont concertées, se sont unies, fédérées.
Allez donc savoir pourquoi ? des évènements captivent plus que d'autres. Ainsi ces «sorties", sans doute multiples, de l'océan où naquit et se multiplia la vie. Les premiers «pas" sur la terre ferme furent l'enfer : pesanteur épuisante, agression par les ultraviolets, etc. Mais la colonisation triompha. Autre évènement : la reproduction. La scission était un mode simple, pratique mais la nature doit penser avoir gagné le gros lot avec la sexualité. Pourtant celle-ci, sans avoir à se référer à Roméo et Juliette, oui la sexualité c'est la mort, le géniteur doit laisser la place aux descendants.
Des articles, des ouvrages décrivent agréablement, évolutions, transformations, filiations, espèces anciennes, éteintes ou présentes, apparitions, évènements gigantesques comme les extinctions qui ont remis à zéro diverses pendules du vivant. Ce qu'ils décrivent est aussi merveilleux que des contes de fées qui reposeraient sur de la science. Décrire puis expliquer ? Là, ça devient un peu plus difficile, plus technique. Si vous faites l'effort, ça restera aussi captivant qu'un polar ou un thriller. L'évolution selon le seigneur Darwin semble faire consensus. Elle le fait après avoir été modifiée, amendée, complétée ; Darwin, le premier indiquait que la sélection naturelle n'expliquait pas tout.
Voici un refrain que nous réitèrerons et qui devrait scander tout aperçu sur la vie et le vivant. «Nous savons à présent [..] que l'homme n'est qu'un compagnons voyageur des autres espèces dans l'odyssée de l'évolution. Cette découverte aurait dû nous donner depuis le temps, un sentiment de fraternité avec les autres espèces ; un désir de vivre et de laisser vivre…" (33).


3 - Qu'y a-t-il donc derrière tout ça ?

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Qu'il est difficile de répondre à cette question du philosophe Leibniz (1740). C'est irrépressible, après le «Comment ?" vient le «Pourquoi ?". Deux types de réponses.

a - Matérialistes ou mécanicistes ou organicistes.
Rien de transcendant dans la vie. De la chimie, de la physique. Du mécanisme pour Descartes, encore que pour lui Dieu soit derrière tout ça ; la machine ayant été lancée à une certaine seconde de l'éternité, l'homme ensuite peut en étudier les lois tel un matérialiste. Un matérialiste considèrera que la matière est libre et donc que l'évolution est aléatoire. En toute rigueur, tout n'est pas possible ; pour que deux éléments chimiques régissent l'un sur l'autre, il y faut des conditions préalables. Ce contexte n'empêche pas l'émergence d'un phénomène extraordinaire : la vie. Il n'empêche pas qu'il existe d'énormes spécificités de la vie par rapport à la matière.Il n'empêche pas de révérer la vie.

b - du transcendant explique la vie
On passe ici à l'idéalisme. Un matérialiste objectera à l'idéaliste que ses propositions, à lui, le matérialiste, peuvent être objets d'expériences scientifiques. C'est impossible avec ce que l'idéaliste dira. Mais d'accord, la possibilité de l'expérience n'est qu'un aspect des discussions.
- création de Dieu ou de dieux
Voici une histoire racontée par un certain Paley (1810) dont des cours furent suivis par Darwin (34). Quelqu'un débarque sur une île. Il trouve une montre, il en déduit que l'île est habitée ou qu'un homme est passé par là. Il rencontre un homme, il l'étudie, il en déduit l'existence de Dieu. Un ou plusieurs dieux, des livres sacrés, des mythologies, des mythes et tout s'explique. N'est ce pas paresse de cortex ?
- téléologie et vitalisme
Téléologie, il y a un plan dans la nature ; comme si, d'une certaine manière, la nature pensait. Vitalisme : une force extérieure pousse à la vie, pousse la vie. On peut se perdre avec ces termes surtout si l'on y ajoute encore celui de finalisme.
Dès l'embryon, l'esprit commence à loucher. De l'embryon de cheval naît toujours un poulain et pas un lapin. Le développement de l'enfant se développe selon un itinéraire précis fort bien décrit par Laurence Pernoud. Maître Kant lui-même est tout en nuances. D'un côté, pour comprendre les phénomènes, il faudrait «faire comme si" il y avait téléologie. «Comme si" la vie poursuivait un but, une finalité interne. En pratique, nous employons tous un vocabulaire téléologique. Nous disons que la fonction du cœur est de faire circuler le sang ; le non-téléologiste intransigeant corrige ainsi : le cœur est une condition nécessaire à la circulation du sang (35). Au fond, cette téléologie est bien circonscrite, n'est qu'une manière de parler, mais quid du «vitalisme" son cousin ? (Attention ! Ne pas confondre vitalisme et animisme - que «d'ismes" ! Que «d'ismes ! Dans l'animisme, sentiment de poète, tout est vie). Pépé Aristote serait une figure du vitalisme. Sa formule : «Tout ce qui devient, devient par quelque chose et à partir de quelque chose pour quelque chose" (36). La nature ne fait rien en vain, pas de hasard.
Peut-on être vitaliste, sans l'être ? Pas de soucis! Réinvitons Bergson à notre bar café. Il nous aborde avec une belle déclaration : «Les vivants tournent autour d'eux-mêmes suspendus au grand souffle de la vie" (37). Il nous en dit plus. Il critique l'idée selon laquelle l'univers dans son ensemble est la réalisation d'un plan. Il critique le vitalisme, idée selon laquelle chaque être vivant est doué d'un principe vital qui n'est ni l'âme, ni la physique chimie ; idée qui réduit l'importance du vivant. Alors que reste t-il ? L'élan vital. C'est de nature psychologique. Pas de plan mais une poussée à travers la matière. Un élan initial de liberté et de conscience qui se ramifie dans le vivant. Une intelligence créatrice. Je m'en tiens là, risquant de déformer une pensée subtile. Celle-ci n'est peut-être pas trop fondée, qu'importe, elle est belle (38).


C - Reconnaître à tout le vivant des qualités «supérieures" humaines

Nous ne sommes plus ici dans le «Qu'est ce qu'il y a donc derrière tout ça ?" mais dans cet entre-deux portes où l'on se demande s'il n'est pas possible d'étendre à tout ce qui vit des capacités «supérieures". Celles, pensions-nous, que Dieu avait strictement réservées aux hommes, eux-mêmes images de Dieu. Il y a encore un siècle, cela aurait été considéré comme de très mauvais goût. Mais les observations s'accumulent, il faut bien en tenir compte.

- les trois «âmes" d'Aristote
Pour ce grec antique, la vie est ce qui a une âme. Les grands groupes de vivant ont chacune la leur (39) :
- l'âme végétative ou nutritive avec les capacités de se nourrir, de se reproduire,
- l'âme sensitive. Sentir, percevoir,
- l'âme intellective. Rationalité, pensée.
Au fur et à mesure que l'on «monte", la faculté d'une âme s'ajoute à celles du dessous. Des esprits qui tiennent à maintenir l'homme très haut, lui octroient une âme spirituelle ou bien réservent jalousement l'âme intellective à l'homme (40). C'est forcer un peu Aristote. Reconnaissons que ces distinctions correspondent assez bien aux premières réactions de la plupart d'entre nous. Le tout est de ne pas y stationner plus qu'utile. Les spécialistes savent probablement ce qu'ils mettent derrière le mot «âme". Nous, nous n'y mettons rien en spiritualisme. C'est un mot commode pour exalter la vie en disant les mêmes choses sous une autre tournure.

- la conscience
Un autre de ces mots aux sens divers, parfois insaisissables. Ici, il signifiera connaissance de soi et donc connaissance du hors soi (ou inversement). Par bonheur, Bergson est toujours assis au comptoir. Nous l'interrogeons sur la conscience. Il affirme en bref que la vie dans son ensemble implique la conscience. Là encore je ne vais pas plus loin mais ce peut être une base à partir de laquelle se remuer les méninges (41). Encore un recours au bienveillant Edgar Morin. Pour lui, dire que la molécule connaît est un non sens par contre ce ne l'est plus pour la cellule. Celle-ci est «un être computant" qui calcule pour vivre (42). La distinction soi/non soi s'opère au niveau de l'organisme de façon étonnante. Sentiment de soi/non soi, sentiment du «je". Le jeu du je, pour Morin qui aime jouer avec les mots. Jonas qui n'est pas n'importe qui, écrit que l'introduction du terme «soi" est inévitable dans n'importe quelle description de l'exemple le plus élémentaire de la vie (43). «Que nous l'appelions sentiment, sensibilité et réponse au stimulus, appétit ou inclination, cette intériorité abrite à un certain degré (fût-il infinitésimal) de prise de conscience, la préoccupation suprême que l'organisme a de son propre être et de sa propre perpétuation dans l'être" (44).
Pouvons-nous encore avancer dans l'examen de cette extension de spécificités dites humaines à d'autres vivants. Essayons mais sachons que nous marchons sur des œufs. Soit ainsi «le sens de l'existence" que pourraient avoir des vivants, quelque chose de plus complet encore que la «conscience" telle que parcourue à l'instant. Un philosophe allemand comme le rapporte une philosophe française, voit les choses ainsi (45) : la pierre est sans monde, l'animal a un monde propre, l'homme configure le monde, le végétal étant sans doute entre pierre et animal. Ainsi, l'homme meurt mais sait qu'il meurt, l'animal, lui, périt, c'est tout ! Mais au fond qu'en sait-il ce philosophe d'outre-Rhin ?
Et la «morale" ? Difficile de croire que le végétal s'en préoccupe mais pour l'animal, des ouvrages rapportent des faits vraiment troublants (46).
Et l'intelligence ? A nouveau de l'insaisissable, synonyme de «conscience" sans l'être. Que mettons-nous derrière les mots ? Un auteur soutient que tous les systèmes vivants sont intelligents (47). Ainsi, quel univers prodigieux que celui des insectes ; ils élaborent des stratégies pour répondre aux défis du milieu. C'est de l'instinct dites-vous? Un peu d'humilité, le comportement de l'homme est aussi gouverné - pour quelle part ? - par l'instinct. Quel regard sur les plantes placées ordinairement au bas de l'échelle du vivant. Un numéro récent d'une revue de vulgarisation titre :«Plantes. Elles sont intelligentes" (48). Des chercheurs stimulés par des résultats d'expériences, estiment qu'il faut repenser le végétal. Il y a là de la sensibilité, du dynamisme. Des facultés d'intégrer des centaines d'informations, d'y répondre. Dans une plante, il y aurait l'équivalent d'un système nerveux. Si l'on définit l'intelligence comme suit : une capacité à percevoir son environnement et à s'y adapter finement, c'est-à-dire dans le sens darwinien, et bien alors, il y a de l'intelligence dans le végétal. Toutefois, c'est vrai, certains chercheurs comparent cette intelligence à celle d'un ordinateur. Qui vivra verra ! En attendant, posons que telle qu'elle est, la flore est digne de considération.

Nous avons listé, analysé donc, ainsi qu'un comptable ou un magasinier soucieux de mettre la bonne marchandise à la bonne ligne ou à la bonne case. Soucieux de respecter le vocabulaire en cours, comment faire autrement ? Au bout du compte, n'éprouvez-vous pas la sensation de trop analyser, de trop coincer le réel, de trop coincer la vie ? Synthétisons dans notre tête toutes les caractéristiques de la vie que repèrent les experts. Synthèse dynamique, réactive. Convenez après l'exercice que si la vie était une machine, ce serait «une machine divine" (49).

Bilan de cette première partie de chapitre
La vie est quelque chose d'énorme. J'ai sous la main un dictionnaire des synonymes. Je ne peux qu'employer toujours les mêmes mots extrêmes. Que pour la saisir, la comprendre, la ressentir, il soit fait appel à des forces occultes, quoi de surprenant. Concrètement, nous semble-t-il, traiter des caractéristiques du vivant devrait servir le sens du respect de la vie. En dépit de la sueur des scientifiques s'activant là-dessus, la vie reste un mystère, une énigme qu'il s'agisse du phénomène en général ou de telle vie éphémère, en particulier. Tiens ! Mais voilà que comme dans ces circuits pédestres que proposent les offices de tourisme, nous sommes revenus au début de chapitre. Celui qui écrase une bête sait parfaitement qu'il supprime une existence. Le sentiment est source de connaissance et de conviction.
Pas plus aujourd'hui qu'hier, le respect de la vie ne domine les comportements humains. Guerres et usines de fabrications d'armes, attentats et crimes pour de l'argent, du pouvoir, de l'idéologie. Dans le quotidien, vies réduites à l'état de choses, à de l'inerte. Et les autres êtres vivants meurent de nos plaisirs et de nos égoïsmes. Alors, il nous semble rentable d'en appeler à des personnalités dont l'idéal fut le respect de la vie, la révérence à la vie. Nous sommes ainsi faits, prêts à porter une plus grande attention, à mieux réfléchir sur les propos de gens prestigieux que sur ceux de collègues sages mais obscurs.

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Qu'est ce que la vie ?
C'est l'éclat d'une luciole dans la nuit (50).

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Albert Schweitzer
Pour l'heure, dans notre monde occidental, les idées de Schweitzer sur le respect de la vie n'ont été ni «dépassées", ni même égalées. Elles demeurent une base solide de réflexions ; on ne peut ni ne doit les contourner. En introduction, quelques mots sur l'homme.

1 - l'univers Schweitzer

Né à Kaysersberg en 1875 en Alsace allemande. Mort en 1965 (90 ans) à Lambaréné, dans un Gabon indépendant depuis peu d'années.

- en milieu protestant
n père pasteur. Elevé, avant le Lycée, dans un séminaire protestant. Après Bac et service militaire, il se lance dans la pratique et dans la réflexion protestantes. De la pratique : vicaire ou pasteur à partir de1900 ; chargé de cours à la Fac de théologie de Strasbourg (1900, 25 ans) ; directeur d'un séminaire protestant (1902). De la pensée : études de théologie, docteur en cette matière en 1899. Puis, réflexions, publications, par exemple sur le dernier repas de Jésus (la Cène), le Jésus historique ou la mystique de Saint Paul. A noter de vives critiques de sa part sur le christianisme historique et actuel. Schweitzer aurait été d'une orthodoxie toute relative sur ces thèmes, avec, parait-il des accents d'agnosticisme (51).

- l'hôpital de Lambaréné
C'est pour la tâche de créateur, organisateur, médecin et chirurgien de l'hôpital de Lambaréné au Gabon que Schweitzer est surtout connu du grand public. Elle lui a valu en particulier le prix Nobel de la Paix en 1953 (77 ans). Cela fait 100 ans pile, cette année 2013, que Schweitzer et sa femme ont embarqué pour l'aventure (avril 1913, 38 ans). Divers actes ou prises de positions avaient précédé cet évènement. En 1896 (21 ans), une décision : « l'idée me saisit soudain que je ne devais pas accepter mon bonheur comme une chose toute naturelle mais qu'il me fallait donner quelque chose en échange" puis une conclusion : «j'avais le droit de vivre pour la science et l'art jusqu'à ma trentième année et devrais me consacrer ensuite à un service purement humain" (52). En 1905 (30 ans), choix de la médecine et sans doute aussi de l'Afrique. Début d'études à la Fac de médecine de Strasbourg (1905, 30 ans). Diplôme de docteur en poche en 1913 (38 ans). L'année précédente, spécialisation en médecine tropicale. Plus tard, dans les années 1920, suivi de cours d'obstétrique et de chirurgie dentaire.
Donc Lambaréné en 1913. Petit bourg. Aujourd'hui, grande ville (25.000 habitants) et grand hôpital ; des crimes ou blessures rituels d'un côté et, d'un autre côté, exploitation en cours ou programmée d'un gisement de pétrole à proximité. Débuts modestes: la salle de consultation est installée dans un poulailler. La première guerre mondiale va perturber les choses. Schweitzer était alsacien donc allemand donc ennemi présent dans une colonie française. Il est incarcéré en France en 1917 et 1918. Après collectes de fonds et de moyens, retour en Afrique en 1923 (48 ans). A Lambaréné tout est à reprendre. Il reprend tout, le médecin se faisant aussi ouvrier du bâtiment quand la situation l'exige. Et puis, l'établissement finira par se développer. Schweitzer soignera maladies tropicales et lèpre ; il soignera aussi, sans doute, tout ce qui se présentera. Il alternera présence en Afrique et séjours en Europe. Il se sera interdit, dès le début de prêcher sa religion aux malades. «Cependant cette nouvelle activité consisterait non à parler de la religion d'amour mais à la pratiquer" (53).

- la musique
«A huit ans, alors que j'avais à peine, les jambes assez longues pour atteindre les pédales, je commençai à jouer de l'orgue" (54). Plus tard, Schweitzer se produira en concerts, récitals et enregistrements. Il sera aussi technicien d'orgues, connaissant, expertisant peu ou prou toutes les orgues d'Europe. Ce fut aussi un fan de Bach. Il écrivit sur ce musicien afin que chacun puisse en bien apprécier la force et les nuances.

- tout ensemble
Nous séparons le musicien, du théologien, du médecin, du penseur. En fait, il fut tout cela en même temps, jouant par exemple du Bach en forêt vierge grâce à un piano que lui offrit la Société Bach de Paris.

- Prises de positions
Schweitzer à propos de divers problèmes de son temps, a parlé haut et fort.
- le colonialisme
Il a dénoncé très tôt, vers 1905, le colonialisme. Celui-ci, alors, allait de soi, était bon en soi pour l'humanité. Il allait donc à contre-courant. Citons. «Avons-nous le droit, nous autres blancs, d'imposer notre domination [.] Non, nous n'avons pas ce droit, si nous ne voulons que les dominer et retirer des avantages matériels de leur pays. Oui, si nous désirons vraiment les éduquer et les amener au bien-être" (55). Dans les années 1910, comme le laisse entendre la fin de cette phrase, l'honnête homme européen pensait qu'il était possible d'amener de bonnes choses à l'indigène. Schweitzer pensait aussi que des changements, des bouleversements étaient irréversibles: introduction dans le commerce mondial (déjà), équipements routiers, etc. Mais dans le principe, il constatait : «Le tragique c'est que les intérêts de la colonisation et ceux de la civilisation ne vont pas toujours de pair. Ils sont, au contraire, bien souvent en opposition" (56). Ecoutons encore ceci : «Ah ! la belle civilisation qui sait parler en termes si édifiants de dignité humaine et de droits de l'homme et qui en même temps bafoue et foule aux pieds la dignité humaine et les droits de l'homme chez des millions d'êtres, dont le seul tort est de vivre au-delà des mers, d'avoir une autre couleur de peau et ne pas pouvoir se tirer d'affaire tout seuls" (57).
- la bombe atomique
Dans les années 1950 et jusque dans les années 1960 de sa mort, Schweitzer s'est prononcé publiquement, vigoureusement contre l'arme nucléaire. Il a écrit : «Dans la situation où nous sommes, ce qui importe, ce n'est pas de discourir par symboles mais d'ouvrir la gueule et de remplir le monde de nos cris contre cette saloperie des expérimentations nucléaires" (58). Il a lancé un appel contre la bombe atomique en 1957 à la radio d'Oslo.

- Notoriété
Le pic de cette notoriété fut, nous semble t-il, le Prix Nobel de la Paix 1952. En 1947, le numéro spécial annuel - «l'homme de l'année" - de la célèbre revue américaine «Time Life" lui fut consacré. A partir d'un certain moment, en veux-tu, en voilà, il dut recevoir plein de médailles, de prix, de diplômes de docteur Honoris Causa, de présidences d'honneur, ou effectives. Ne pas oublier les retentissements modérés ou non de la publication de ses œuvres ou de ses récitals qui lui permettaient de stocker un peu d'argent pour Lambaréné. En 1952, l'année du Nobel, le film «Il est minuit docteur Schweitzer" qui le hisse dans le palmarès de l'opinion publique. Pour votre instruction de cinéphile, sachez que la petite Jeanne Moreau y interprétait un rôle. Il est sorti, encore, en 2009, un film sur la vie du docteur. Cette renommée aurait pu inciter des gens à aller voir de plus près sa pensée sur le respect de la vie qu'il exprimait avec netteté dans ses écrits et ses discours. Et bien non !

- critiques
J'admire Schweitzer surtout pour sa philosophie du respect de la vie mais aussi l'homme. J'ai tendance face à des critiques, à instruire à décharge et pas un seul instant à charge. Mais, il faut bien l'admettre, ce fut un homme et non un ange céleste. Hors abominations exceptionnelles - Hitler, Pinochet ou Staline - il convient d'ignorer les critiques trop poussés - comme les louanges trop poussées d'ailleurs. Elles informent essentiellement sur qui critique et fort peu sur celui qui est critiqué.
Un personnage d'un roman de l'américaine Toni Morrisson, terroriste noir, ne reconnaît rien d'humain, rien de bon dans aucun blanc. A un ami qui lui oppose Schweitzer, il répond «Il s'en foutait pas mal des Africains. Ca aurait pu être des rats. Il était dans un laboratoire et il se mettait LUI-MêME à l'épreuve, il se prouvait qu'il pouvait travailler sur des chiens humains" (59). Sous une forme haineuse à laquelle une vie intolérable donne des circonstances atténuantes, cette sortie peut se ramener, dans une discussion en salon à l'éternelle question : quelle part d'égoïsme y a-t-il dans l'altruisme et inversement ? Question peut-être sans intérêt, l'important étant dans ce qui est réalisé concrètement.
Boris Vian, relativement connu en son temps, s'en est pris furieusement au «bon docteur" d'Afrique dans l'un de ses poèmes : Vous nous faites chier, docteur Schweitzer" (60). Voici quelques vers : «A l'avant-garde des salauds / On se couvre de votre nom." Question : faut-il rester bras croisés sous prétexte que vous risquez d'être «récupéré" par des mauvais ? «Pour qui voulez-vous les remettre / En bon état Docteur Schweitzer / Ces nègres que vous recollez/ Et que l'on cassera demain." Question : Vaut-il vraiment mieux regarder ailleurs plutôt que de recoller en bon paternaliste. Même si ce recollage est destiné, sans qu'on en soit sûr à être recassé par tout un système ? Son relatif colonialisme, nous l'avons pointé plus haut, est en cause. Peut-on l'accabler parce qu'il n'a pas tenu en 1910, les positions des anticolonialistes des années soixante et après ?
La gestion de l'hôpital de Lambaréné a été discutée. Brutalité des rapports avec les Noirs. Qui sait ? Propreté de l'établissement. Incompétences médicales et chirurgicales. Mais d'un autre côté, on souligne que si les malades s'y pressaient c'est parce qu'ils guérissaient (61). Il y aurait eu des innovations bienvenues : médicaments pour les soins aux lépreux, par exemple (62).
Ce qui pourrait être redouté, à tort ou raison chez Schweitzer, est l'effet de cette loi naturelle implacable : toute notoriété, notabilité, tous pouvoirs de toutes sortes qui durent, provoquent chez qui les vit des sortes d'AVC psychologiques et éthiques, s'exprimant gentiment ou méchamment.
Le dernier geste de Schweitzer n'est pas sans grandeur. Il a décidé de mourir loin de sa patrie, loin de sa famille. « Je vous appartiens jusqu'à mon dernier souffle" a-t-il dit aux gabonais en 1960, cinq ans avant sa mort (63).


2 - Le respect de la vie pour Schweitzer

Schweitzer a donc réfléchi très tôt, dès les années 1910 sur l'éthique du respect de la vie. Il a, nous l'avons rappelé, écrit et insisté opiniâtrement et assez abondamment sur le thème. Cette pensée du respect de la vie liée, pour nous, à celle du respect de la nature, n'a rien perdu de sa force.

- L'illumination
«L'illumination", phénomène après tout pas si extraordinaire que ça - moment où tout d'un coup, ce qui était dispersé dans son esprit se rassemble en une unité cohérente, englobante - aurait eu lieu en 1915. Il naviguait sur le fleuve, se déplaçant pour une visite sanitaire. Au troisième jour «soudain m'apparurent sans que je les eusse pressentis ou cherchés, les mots «respect de la vie" (64). Il écrit encore : «Mon existence a trouvé sa base et son orientation à partir du moment où j'ai reconnu le principe du respect de la vie qui implique l'affirmation éthique du monde" (65).

- Terminologie
Il paraîtrait que Schweitzer aurait créé l'expression « respect de la vie". Le fait est qu'il l'a d'abord écrite en allemand. Parenthèse : il a rédigé ses ouvrages, les uns en français, les autres en allemand. Il ressentait ainsi la différence entre les deux langues : «comme si en français, je suivais les allées bien soignées d'un beau parc, et, en allemand, comme si je me promenais dans une magnifique forêt" (66). Pour un traducteur passer du jardin à la forêt ou inversement, ce doit être parfois un véritable casse-tête. Revenons à nos moutons. En allemand, l'expression choisie par Schweitzer était «Ehrfurcht vor dem Leben". Dans «Ehrfurcht", il y aurait : vénérer, craindre. L'expression entière pourrait se traduire par : crainte et tremblement devant la vie, crainte et vénération, crainte et respect, respect craintif devant la vie. C'est intéressant de le savoir. En tout cas, la traduction en français «respect de la vie" aurait plu à l'auteur. Ne soyons pas plus royalistes que le roi d'autant plus qu'en jouant avec l'étymologie, on peut rattacher à «respect" des mots tels que : attention, saisissement, étonnement, émerveillement avec ou sans crainte (67). Pourtant, certains estiment toujours que l'expression allemande est plus forte que l'expression française (68).

- Sources d'inspiration
Il est pour le moins logique de supposer que dans le cerveau de Schweitzer, éthique de la vie et foi religieuse enrichie d'études théologiques, étaient en harmonie. L'éthique du respect de la vie «est l'éthique de Jésus reconnue comme une nécessité de la pensée." (69) Pourtant, le rattachement sans nuances de cette éthique au message évangélique a été discuté (70). Quelqu'un aurait même affirmé que la source d'inspiration était…. Goethe (71). On dit qu'en remplaçant parfois «Dieu" par «la vie" rien ne change dans la démonstration. Schweitzer serait ainsi proche d'un philosophe hollandais, Spinoza, souvent de service dans les épreuves philo du Bac ; avec lui, Dieu ou nature, c'est interchangeable.
Les lignes ci-dessus confortent l'idée qu'il n'est nul besoin de clés de croyants pour entrer dans la morale de Schweitzer. Que le laïc, l'athée y sont autant chez eux que le chrétien. Ils n'auront aucune peine à s'en apercevoir s'ils s'y aventurent un peu.

- la pensée indienne a-t-elle influé sur Schweitzer ?
Celui-ci s'est beaucoup intéressé à la pensée indienne, il a même écrit un livre sur elle (72). Sans doute notre survol très général de toutes ces questions risque-t-il de déboucher sur des présentations grossières mais allons-y quand même. Schweitzer nous paraît considérer cette pensée orientale et négativement et positivement.
En négatif. Notre alsacien, abrupt, tranche: «Les religions qui nient définitivement la vie et le monde, telles que le brahmanisme et le bouddhisme ne témoignent d'aucun intérêt pour la civilisation" (73). Et encore : «D'après la pensée indienne, tout effort en vue de conquérir le savoir et la puissance, d'améliorer la condition de l'individu ou de la société humaine tout entière, est folie. Selon cette pensée, la seule attitude sage pour l'homme est donc de se replier sur soi-même, pour ne penser qu'à son perfectionnement intérieur" (74). Tout cela pour finir sur des situations parfois ambiguës. «La pensée indienne comme celle de Schopenhauer est pleine de contradictions, parce qu'elle est bien obligée de faire continuellement des concessions à la volonté de vivre qui persiste en dépit de toutes les négations du monde" (75). Pourquoi donc ce refus du monde ? Pour l'Inde, ce monde ne serait «qu'un spectacle divertissant que Dieu s'offre à lui-même.", «…cette conception négative du monde est la conséquence de leur conviction que l'existence véritable est immatérielle, immuable et éternelle, et que celle du monde matériel est factice, trompeuse et passagère" (76). Mais le Jésus de Schweitzer ne prône-t-il pas un recul du monde ? Ne mélangeons pas, répond Schweitzer, il permet à l'homme : « de se désintéresser du monde mais non de ses devoirs envers les hommes" (77).
Côté positif. «Dans une certaine mesure, la non-activité a un caractère éthique. En se désintéressant des choses de ce monde, l'homme renonce à l'égoïsme que lui inspirent les intérêts matériels et la vulgaire convoitise. De plus, la non-activité comporte la non-violence. Elle préserve l'homme du danger de faire du mal à autrui par des actes de violence" (78). C'est l'ahimsa superbe de Gandhi. Enfin, l'Inde étend sa compassion sur tout être vivant. «… j'ai toujours éprouvé une sympathie universelle pour l'éthique indienne parce qu'elle ne se soucie pas seulement des relations de l'homme avec son semblable et la société, mais aussi de son attitude envers tous les êtres" (79). Schweitzer aurait aimé que l'indien dépasse la non-violence et adopte une compassion active, celle qui soutient la vie. Il vise le sommet. Mais dans un monde de violence, simplement (!) s'abstenir de violence ce n'est déjà pas si mal.

Qu'est-ce que la vie ?
Schweitzer n'a pas cherché à dresser un catalogue des spécificités qui font que la vie n'est pas de l'inerte. Ce qui est l'objet de la première partie de ce chapitre. Il aurait pu lire les œuvres de penseurs-scientifiques disponibles en son temps, Claude Bernard, par exemple. Mais non, apparemment. C'est qu'il regarde la vie autrement et telle qu'il la voit, il pense qu'elle est inconnaissable : «Mais ce que la vie est en elle-même, aucune science n'est capable de le dire" (80). Un exemple : «Quelle différence y a-t-il entre le savant qui observe au microscope les manifestations les plus infimes et les plus insoupçonnées de la vie - et un vieux paysan sachant à peine lire et écrire qui, au printemps, va dans son jardin et contemple, absorbé dans ses pensées, les bourgeons qui éclatent aux branches des arbres? Tous deux sont en face de l'énigme de la vie" (81). Cette vie «mystérieuse et irremplaçable", dit-il dans un sermon, juste après l'armistice de 1918, juste après la boucherie de la première guerre mondiale (82). Savoir que:«Notre vraie connaissance du monde consiste à être pénétrés du mystère de l'existence et de la vie" (83). Ce sentiment suffit : « La vie est force, volonté surgissant de causes premières et se renouvelant en elles, la vie est sentiment, émotion, douleur" (84).

- l'éthique
Ce ressemble à un commandement : exalter la vie. « L'affirmation de la vie est l'acte spirituel par lequel l'homme cesse de se laisser vivre et commence à se dévouer avec respect à sa propre vie pour lui donner sa véritable valeur. Affirmer la vie c'est rendre plus profonde, plus intérieure sa volonté de vivre et c'est aussi l'exalter" (85).
Le respect de la vie est une éthique. Celle-ci, par définition, doit dire ce qui est bien et ce qui est mauvais, ce qu'il faut faire et ne pas faire. Qu'est-ce qui est bien, qu'est ce qui est mal ? «Cœur et raison s'accordent à l'unisson pour affirmer que le bien, ramené à son essence primordiale, consiste dans le respect élémentaire du mystère que nous appelons «la vie" aussi bien dans les infimes que dans les manifestations supérieures". En concentré, ça donne : «Ce qui est bien, c'est de sauvegarder et de développer la vie ; ce qui est mal, c'est de l'entraver ou de la détruire" (86). Evident ? Regardez autour de vous ; ça ne l'est pas. Cueillons encore quelques fleurs : «L'éthique du respect de la vie contient donc en soi tout ce qui peut se révéler comme amour, dévouement, compassion à la douleur, sympathie dans la joie et le commun effort" (87). et «Sauvegarder la vie est le seul bonheur qui compte" (88).

L'éthique : bilan
Pour un rapide bilan de cette éthique reposons-nous sur l'un d'entre eux mis en ligne (89). Quatre indications pour préciser sens et portée du «respect de la vie" de Schweitzer.
- Le respect de la vie implique un pari et un engagement. Pari que le positif prenne le pas sur le négatif. Engagement : ici, à chacun de nous de gagner le pari.
- On a dit que le respect de la vie serait un principe humanitaire généreux mais superficiel dans un environnement plein de brouillards. Schweitzer, en réalité, a pleinement discerné l'imbrication, la tension entre affirmation et négation de la vie. Il sait que «le monde c'est l'horrible dans la splendeur, le non-sens dans la plénitude de sens, la douleur dans la joie."
- Ce «respect de la vie" est-il trop vague ? En toute humilité, comme Jésus, Schweitzer veut non pas désigner une voie toute faite mais tendre une boussole (90). Autre image : il sait que la cathédrale restera inachevée mais il veut en indiquer le chœur (et le cœur ?).
- Les penseurs occidentaux ne se sont préoccupés, jusqu'à très récemment, que des relations humaines. Schweitzer étend son respect de la vie à tout ce qui vit.
L'éthique du respect de la vie groupe en un tout cohérent les différentes formes d'éthique.

Le respect de tout être vivant
L'extension, par Schweitzer, du principe du respect de la vie à tout ce qui vit, fut de son temps, une révolution. Une révolution sans écho ou si peu, dans la société. Comme s'il étendait l'Evangile qui ne prévoyait rien de ce genre, à tout vivant quel qu'il soit. Ce demeure encore aujourd'hui une révolution. En témoignent comme cas révélateurs, dans nos pays en paix, le regard tolérant de l'opinion publique sur la chasse de loisir ou l'indifférence à l'égard de la souffrance dans l'élevage intensif du bétail.
Des ouvrages sont parus, paraissent désormais sur l'éthique environnementale anglo-saxonne (notes de lectures prévues au chapitre 6) Par rapport à Schweitzer, il semble bien que l'apport de ces contemporains réside surtout dans des phrases difficiles et des références nombreuses aux philosophes qui ornent de nombreux exposés. Peut-être, parmi toutes les expressions, est-ce celle dite «biocentrisme" ou la vie au centre, qui s'approcherait le plus de notre «respect de la vie".
Schweitzer pour en arriver à ce respect n'est pas passé par la biologie. Peut-être a-t-il vécu des séquences de naturalistes. Il paraîtrait qu'enfant, allant au séminaire où il était élevé, traversant pour ce faire trois kilomètres de nature alsacienne, il ressentait la paix au contact de la terre et des rivières. Plus tard, il aurait traduit ses sentiments en poèmes (91). Plus tard encore, après le bac, il précise qu'il aborde avec ardeur les sciences naturelles, étude qui lui apporte «plus encore que le complément de connaissances que je désirais. Elle fut pour moi une expérience dans le domaine de l'esprit" (92). Mais il corrige cette ardeur en observant que tout le savoir sur les manifestations du vivant est incomplet, peu satisfaisant, ne répond pas à la grande question : que sommes-nous dans l'univers et pourquoi y sommes nous ? La réponse est à chercher à partir de soi : «Je ne puis comprendre la nature de l'Etre vivant en dehors de moi que par l'Etre qui est vivant en moi" (93).
Donc, écologie, biologie, observations naturalistes n'ont pas été des portes d'accès privilégiées au respect de la vie. Les interdépendances entre les espèces, entre les espèces et les milieux physiques, les relations nécessaires proies-prédateurs, les phénomènes liés à l'évolution, etc. ne sont pas des fondements. Modérons toutefois cette opinion en rappelant une nouvelle fois que la vulgarisation de l'écologie est assez récente. Si Schweitzer avait créé le monde, il se serait arrangé pour que tigres et gazelles soient copains. (Aparté. Schweitzer, pour ses illustrations, recourt le plus souvent aux petites bêtes, insectes notamment. Pourtant, ce qui fascine l'européen dans la faune africaine, ce sont les grosses.)
Après sa mort, un «Centre écologique Albert Schweitzer" a certes été créé en Suisse en 1980. Ses objectifs: aides à des projets de pays africains alliant lutte contre la pauvreté, la faim en préservant l'environnement. Leurs responsables mettent Schweitzer parmi les précurseurs. Il aurait dénoncé dès les années 1910 le pillage de l'environnement et le gaspillage (94). Ca n'en fait pas un penseur de l'écologie mais s'il a contribué à l'émergence d'intervenants sur le terrain, bravo !

Privilégions quelques phrases.
Peut-être aurions nous dû rappeler plus tôt ce refrain présent dans plusieurs ouvrages de Schweitzer, cette position de base pour l'homme engagé dans le respect de la vie. Que chacun se dise : «Je suis vie qui veut vivre parmi la vie qui veut vivre" (95). Donc dépasser l'homme. «La grande lacune de l'éthique jusqu'à présent est qu'elle croyait n'avoir affaire qu'à la relation de l'homme à l'égard des humains" (96). Il n'y a pas de séparation fondamentale entre l'humain et le non humain. «Qu'elles tombent les frontières qui nous rendaient étrangers et isolés au milieu d'autres êtres vivants" (97). Nous sommes responsables. «Elle (l'éthique) ne trace pas autour de nous un cercle de tâches judicieusement délimitées mais charge l'homme de la responsabilité de toute vie qui est à sa portée et le contraint à se dévouer à elle" (98). Il faut compléter l'indien de la non violence par l'aide «Je ne peux m'empêcher de respecter tout ce qui vit, je ne peux m'empêcher d'avoir de la compassion pour tout ce qui vit : Voilà le commencement et le fondement de toute éthique" (99). Compassion, le mot est dit, redit. Jésus la voulait pour l'homme, Schweitzer la veut pour toute vie. Pas de racisme face aux diverses formes de vie. «Pour l'homme véritablement moral, toute vie est sacrée, même celle qui du point de vue humain semble inférieure" (100). Ne discriminer que sous la contrainte d'une nécessité impérieuse.
Voici que rencontrons sur notre chemin, un insecte en mauvaise posture. Sachons nous reconnaître en lui. «Partout, tu retrouves le reflet de ta propre existence. Ce scarabée gisant mort au bord du chemin, c'était un être qui vivait, luttait pour subsister - comme toi - qui jouissait des rayons du soleil - comme toi - qui éprouvait la peur et la souffrance - comme toi et qui maintenant n'est plus qu'une matière en décomposition - comme toi aussi tôt ou tard, tu le deviendras un jour (101). «C'est la vie en tant que telle qui est sacrée pour lui. Il n'arrache pas étourdiment des feuilles aux arbres ni des fleurs à leur tige et fait attention à ne pas écraser inutilement des insectes" (101bis). Il sauve l'insecte qui se noie (Hum ! diront les écocentristes.)

Le respect de toute vie, ça ne va pas de soi !
Une femelle moustique qui erre dans l'hôpital de Lambaréné, aperçoit Schweitzer et lui fonce dessus. «Je viens de tuer un moustique qui voletait autour de moi à la lumière de la lampe. En Europe, je ne le tuerais pas, même s'il me dérangeait. Mais ici, il propage la forme la plus dangereuse du paludisme, je m'arroge le droit de le tuer même si je n'aime pas le faire. Le plus important, c'est que nous nous mettions tous à réfléchir à la question de savoir quand il est permis de nuire et de tuer […] un grand pas sera franchi quand les hommes commenceront à réfléchir et parviendront à la conclusion qu'ils ont le droit de nuire et de tuer seulement quand la nécessité l'exige" (102). Au tour du Dalaï-lama. Les grands esprits éthiques se rencontrent mais notre tibétain est finalement plus brutal. Il le confesse. «… je vous disais tout à l'heure qu'en principe on ne doit pas tuer, même pas des insectes. Et pourtant cela arrive, non ? Même moi, il m'arrive de régler son compte à un moustique" (103). Première piqûre, il ne bronche pas ; à la seconde, il écarte ; à la troisième, il tape. Il ne tape qu'à la troisième, il lui sera donc beaucoup pardonné. Au fait, et vous ? Quelle partition jouez-vous avec le moustique ?
Ci-dessus, ça se passe entre homme et animal. Entre animaux, ce n'est pas le paradis, tigre et gazelle ne sont pas du tout copains. Schweitzer ressent la vie animale comme un enfer. «Le monde offre le spectacle horrifiant de l'entre déchirement des volontés de vivre" (104). Ou encore : «C'est ainsi que dans l'obscur conflit qui fait du vouloir vivre un champ de bataille, la vie se dresse contre la vie, semant chez les autres la douleur et la mort, innocente et coupable à la fois" (105). Retour à nos contacts avec ce monde, aux interdépendances avec ce qui nous entoure. Nous détruisons. «Ma propre existence entre en conflit avec d'autres de mille manières. La nécessité de détruire la vie ou de la contrarier m'est imposée" (106). Exemple d'une telle désagréable nécessité. Vous vous promenez en nature, vous vous émerveillez de tout, vous baignez dans la sérénité. «Et cependant ton chemin, sans que tu y puisses rien est un sentier de mort" (107). Ici, fourmi, là, ver écrasés sous nos pieds.
Vous avez voulu empêcher un mauvais coup. Vous êtes intervenu. Vous réfléchissez. Vous vous rendez compte que rien n'est tout à fait réglé. De jeunes africains viennent de capturer un aigle pêcheur. Ils s'en amusent. Ils le torturent. Schweitzer passe par là. Il achète l'aigle. Et tombe dans un dilemme. Faut-il laisser mourir l'aigle en paix ? Faut-il le soigner, le nourriren lui présentant son lot quotidien de poissons vivants ? Schweitzer choisit la deuxième solution parce qu'elle lui apparaît la moins pire (108). Toutes ces impasses apparentes justifient-elles l'indifférence, excusent-elles, absolvent-elles l'inaction ? Absolument pas. «S'il a été touché par l'éthique du respect de la vie, il ne lèse ni ne détruit de vie que par une nécessité à laquelle il ne peut se soustraire ; jamais il n'y consent intérieurement" (109). Il ne détourne pas les yeux, ne regarde pas ailleurs. «En revanche, les partisans de l'amour pour toute créature doivent bien mesurer les difficultés que soulève leur éthique et se résoudre à ne pas jeter un voile sur les inévitables conflits qu'éprouve chacun de nous" (110). L'homme dans son immense complexité dispose de moyens de connaître pour agir au mieux. C'est son devoir, il en va de sa dignité d'homme. «A lui s'ouvre la connaissance du respect de la vie, la connaissance de la participation à la vie des autres et de la compassion, il peut sortir de l'ignorance où languissent les autres créatures" (111).

Encore quelques regards sur la boussole
Bien intégrer que l'éthique du respect de la vie est un éthique dynamique, réactive dirait-on aujourd'hui, qui se forge au contact et par confrontation avec la réalité (112). Schweitzer était bien conscient que l'on ne passe pas de l'idée à la pratique nez au vent. Il faut tout à la fois :
- Ne pas renoncer à l'absolu. L'homme doit «déterminer en quoi consiste la perfection intérieure de l'homme qui est d'atteindre à la spiritualité d'un respect de la vie toujours plus absolu" (113).
- Savoir que l'on agit toujours subjectivement. «L'homme ne peut trancher ses conflits avec l'éthique que par des décisions purement subjectives" (114).
- Allier éthique de conviction et éthique de responsabilité (115).
- Agir même quand la réalité décourage. «Lorsqu'on me demande si je suis pessimiste ou optimiste, je réponds qu'en moi la connaissance est pessimiste mais le vouloir et l'espoir sont optimistes" (116). Ressassons-le : ne pas se laisser décourager. «Il arrive que les hommes se laissent trop facilement décourager à la pensée que l'individu isolé ne peut rien faire et ils en viennent, la plupart d'entre nous, à vouloir fermer les yeux et se boucher les oreilles pour ne rien savoir de ces misères ; ils s'imaginent qu'en leur tournant le dos dans leur vie quotidienne, elles cessent d'exister" (117).
- Ceux qui tuent ou lèsent la vie sont toujours coupables, avec plus ou moins de circonstances atténuantes. «Ce qui importait à Schweitzer, en tout cas, c'était de ne pas revêtir d'une dignité éthique les entorses à l'interdiction de détruire la vie : ce qui se justifie dans la pratique n'en devient pas bon pour autant" (118). Il s'agit d'enlever toute bonne conscience à qui ne respecte pas la vie ;
- Dans cet effort vers une éthique de la vie, ne pas craindre de faire sourire d'une soi-disant sensiblerie, défaut qui est une qualité supérieure. «C'est le sort de toute vérité avant d'avoir été reconnue comme telle d'être tournée en ridicule" (119). Des commentateurs racornis ne reçoivent les grandes idées qu'à la condition qu'elles soient aptes à se caser dans un Code juridique. Ou qu'elles soient reprises telles que dans un programme de parti politique. Dès son vivant, Schweitzer a été accusé d'irréalisme, on s'effrayait de la radicalité de son éthique (120). On cherchait à le déstabiliser. C'est mettre la charrue avant les bœufs que de vouloir que la pensée sorte toute armée du cerveau du précurseur, minerve avec son numéro de sécu et son indice de rémunération. Avant qu'une assemblée élue ne votât l'abolition de l'esclavage, il a fallu que des personnalités puis une partie de la société, admette que l'esclavage était condamnable «… la pensée n'a pas à se demander si ses expressions auront une résonance plus ou moins vivante, elle doit simplement se soucier qu'elles atteignent leur but et aient une vie en elle" (121).
- Les rhizomes. Les racines de certaines plantes rampent sous terre, puis ici ou là, elles donnent des pousses qui paraissent indépendantes les unes des autres. «Mais en réalité elles se nourrissent toutes de la racine de la plante initiale. Qu'il en soit de même pour la propagation du bien" (122). Plus tard, dans les années 1970, deux psycho philosophes, Deleuze et Guattari refileront la métaphore en appui de leur sagesse écologique (écosophie).

Concrètement : tout petit choix d'exemples de respect de la vie
Rappels en vrac : positions contre le colonialisme ou la bombe atomique sans oublier l'activité de médecin chirurgien. Vis-à-vis des animaux :
- refuges d'animaux à Lambaréné.
- végétarien les dernières années de sa vie.
- dénonciations:«Parmi les coutumes inhumaines que notre civilisation et notre sentiment se doivent de ne plus tolérer, je ne puis m'empêcher d'en nommer deux: les courses de taureaux avec mise à mort et la chasse" (123).

Fusion avec l'univers
Avec des formulations diverses dont celle qui suit, Schweitzer a souligné l'intérêt d'une certaine fusion avec l'univers «La conception du respect de la vie est un mysticisme éthique. Elle permet de réaliser l'union avec l'univers par l'action éthique" (124).
Respect de la vie et vie personnelles en harmonie avec ce qui vit, avec la nature donc, pensée de Schweitzer et «écologie profonde" ont quelques points communs.

Théodore MONOD
Il est souvent présenté comme un disciple de Schweitzer. Monod a effectivement revendiqué cette influence. Il a dit aussi son admiration pour l'homme : «l'un de ces hommes qui empêchent quand même de désespérer tout à fait de l'humanité" (125). Nous avons déjà cité Monod au chapitre 1 de cet essai, sa phrase sur la nature était belle, je vous la fais réentendre : «cette nature dont le mystère se réfléchit au miroir de nos âmes" (126).
Monod est né au début du 20e siècle (1902), il est mort à l'orée du 21e. Ambiance de sa vie (famille, environnement) : protestante. Lui aussi ? Qu'est-ce à dire ? Les protestants seraient-ils meilleurs que les croyants des autres religions ? Hélas non ! Deux hirondelles ne font pas le printemps. Il fut naturaliste de cœur et de métier travaillant en particulier au Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN). Présence en Afrique de 1934 jusqu'aux lendemains de la 2e guerre mondiale. Pas le genre cloué à sa chaise mais plutôt aventurier des espaces naturels. «Fou du désert", fou du Sahara. Ses ouvrages sur ces terres fascinantes ont eu un certain succès. Ses travaux de naturalistes portèrent d'abord sur les crustacés (sa thèse) et les poissons; puis de proche en proche, botanique ou zoologie, toutes les catégories d'espèces vivantes lui sont passées en quelque sorte, entre les mains et le microscope.
Toute sa vie, il s'est livré à une foule d'activité en faveur de la dignité de l'homme et des êtres vivants : contre la guerre d'Algérie (soutien des insoumis), contre le colonialisme ou contre l'arme nucléaire. Contre celle-ci, il s'est illustré par une grève de la faim de quatre jours, chaque année, à l'anniversaire de Nagasaki et Hiroshima. Grève devant les portes du Commandement de l'armement nucléaire à Taverny (Val d'Oise). Grève jusqu'aux dernières années de sa vie. Combien étaient-il à se mobiliser avec lui ? Une trentaine environ. Quoi ! Si peu ! Alors à quoi bon ? «Ca ne sert à rien, bien entendu, mais il faut le faire" (127). Il a soutenu les mouvements les plus divers toujours axés sur le respect de l'homme et de la vie. Amnesty International et Alliance contre les corridas, Droit au Logement et Ligue française des droits de l'animal, Mouvement contre le racisme et Assistance aux bêtes d'abattoirs, etc (128). En toutes ses actions et soutiens, il lui a fallu «concilier ce pessimisme teinté d'espérance messianique et ce militantisme teinté de pessimisme" (129).

Venons-en à notre épicentre. Schweitzer était sensible aux contradictions de la vie et en souffrait : sauver un animal peut conduire à la mort d'un autre. Monod, en bon naturaliste, a été semble-t-il, plus enclin - enfin un peu plus - à se placer dans la «chaîne des êtres" c'est à dire dans une perspective écologique. «Cette nouvelle morale (le respect de la vie) devrait permettre à notre pensée de transcender les raisonnements anthropocentriques où elle se cantonnait jusqu'ici pour découvrir la profonde unité du monde vivant et la solidarité des choses et des êtres d'un bout à l'autre de la chaîne des organismes" (130). Et même de le placer dans une perspective cosmique. L'homme dans cette infinité a-t-il un rôle spécifique à jouer dans l'univers ? Non, l'homme doit seulement découvrir qu'il est solidaire de tout le reste. Monod emprunte cette image à un poète anglais pour faire ressentir cette solidarité : «celui qui cueille une fleur, dérange une étoile." Ailleurs, il cite Victor Hugo : «Aucun penseur n'oserait dire que le parfum de l'aubépine est inutile aux constellations" (131). Sans hardiesse excessive, ne pouvons nous penser qu'il y a là encore une petite pincée «d'écologie profonde" ?
Le cœur du cœur de la pensée de Monod semble être ceci. Dire oui à la vie et au monde, alors l'existence est une valeur en soi à perfectionner, à laquelle se dévouer. Dire non à la vie et la vie n'est qu'absurdité (132). Par rapport au «respect de la vie" de Schweitzer, Monod aurait préféré «révérence devant la vie", le premier terme lui paraissant plus banal et n'introduisant pas vraiment ou pas assez la notion de compassion (133).
Pour la compassion, une référence au bouddhisme : «Aussi longtemps que les êtres souffriront il n'y aura aucune possibilité de joie pour ceux dont le cœur est compatissant" (134). Souvenir d'un sage du Soudan qui aimerait que l'on compatisse à la douleur des animaux et qui, ironique, se dit que si nous appliquions cette sagesse nous devrions changer quelque chose dans notre vie. Or, cela, nous le redoutons (135). Notre devoir : reconnaître «notre responsabilité envers tout ce qui vit, un total respect de la vie vis-à-vis de nous-mêmes et des autres êtres, de tous les autres êtres" (136). Faut-il le repréciser ? Il s'agit de la vie sous toutes ses formes dont les herbes et les fleurs (137). Monod priait pour que vienne «le jour où la conscience d'un homme, enfin humanisé, lui interdira toute destruction inutile [...] le jour où, las du massacre, il préférera au fusil les jumelles du naturaliste […] le jour où se découvrant enfin solidaire du reste des créatures et des autres animaux, il aura appris le respect de la vie" (138). Même souci : toutes les créatures et là il épouse l'opinion de son ami Lanza del Vasto, ce dernier ami et disciple de Gandhi. «Tu traiteras avec les mêmes courtoisies serpents, scorpions, tarentules et toutes espèces de bêtes nuisibles. Nuisible, tu l'es toi-même plus que la bête : est-ce toi-même que tu voudrais punir en elle ? Laisse-la partir, et tes malices avec elles" (139).
Concrètement, Monod, comme Schweitzer fut végétarien et fustigea l'une des formes emblématiques de non respect de la vie : la chasse ; il fut en effet président de l'association «Le Rassemblement des opposants à la chasse" (ROC).

Respect de la vie et fascisme
Respect ou révérence à la vie d'un côté et «culte de la vie, de l'autre sont-elles des expressions synonymes ? Pourquoi la question ? C'est un débat d'après la seconde guerre mondiale, on en trouve encore des échos. Culte de la vie serait fasciste et de là à étendre cette qualification à respect de la vie, pour peu que votre esprit somnole, il peut n'y avoir que l'espace d'un point-virgule. Après tout, la parution d'un ouvrage dans lequel on nazifiait la nature, la vie, l'écologie ne date pas de Mathusalem.
S'attaquer nommément à Schweitzer ou Monod serait signe de débilité et ne tiendrait pas une nanoseconde. Les deux ont dû avoir des défauts comme vous et moi ; mais qui s'informe un peu sur leurs écrits et gestes se dit que plus humains, plus humanistes qu'eux c'est sans doute assez rare. Il reste donc le ressentiment contre toute exaltation de la vie. En voici un exemple (140). D'un point de vue général, Schweitzer n'établit aucune hiérarchie entre les êtres, ne salue pas l'homme comme maître de l'univers ; aujourd'hui, en jargon, on le classerait parmi les non anthropocentristes (chapitre 6 de cet essai). Survient, en 1967, un auteur pour qui une telle attitude ouvre la voie à l'idéologie nazie avec son échelle propre. Réfutation : en faisant des distinctions de valeurs entre les vies, on avalise les différences de valeurs entre êtres humains. Schweitzer l'avait comme pressenti : «De cette distinction naîtrait le point de vue selon lequel il existe des vies sans valeur que l'on peut mépriser ou détruire à volonté" (141). Et puis, peut-être est-ce significatif, les authentiques fascistes, les franquistes qui fusillèrent Garcia Lorca, hurlaient, eux, viva la muerte.

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Plaisir de glisser ici du Montaigne, en sorte de complément : «Quand tout cela en serait à dire, si y a-t-il un certain respect qui nous attache, et un général devoir d'humanité, non aux bêtes seulement qui ont vie et sentiment, mais aux arbres mêmes et aux plantes" (142).

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Autorisez-moi un peu de grandiloquence en cette fin de chapitre. Schweitzer : socle à partir duquel penser, sensibiliser, enseigner, agir, réagir.


NOTES

- La vie
1 - Diderot «Lettre à Sophie Volland" - 1759.

2 - Saint-Augustin. «Confessions", chapitre 4, livre XI (Editions Points Seuil, page 312). Nous ne sommes ni le premier ni le dernier à détourner cette phrase qui exprime si bien ce que l'on veut dire. Elle sert pour beaucoup d'autres substitutions que celle à laquelle nous avons procédé avec «temps" et «vie".

3 - Le «vivant" est au programme philo des classes de terminales des lycées. D'où des sujets de dissertations sur ce thème, au Bac. D'où des corrigés, des exposés, des compléments sur divers sites.

4 - Descartes. «Les principes de la philosophie" Ed. Vrin (IV, article 203)

5 - Deux orchestres avec «Gruppen" de Stockhausen.

6 - Buffon «Œuvres" La Pléiade, NRF p 134.

7 - Thomas Mann. «La montagne magique".

8 - Du philosophe Hans Jonas, cité par Y. Prié dans sa note de lecture, en ligne, d'un texte du biologiste F. Varela: «Life after Kant". Février 2008. L'article de Y. Prié est en français.

9 - E. Morin. «La méthode" tome 2: «La vie de la vie". Seuil 1980. Collection Points Essais, page 12.
Notre citation est suivie du texte suivant: «En effet, la vie est un mode d'organisation, d'être, d'existence qui relève totalement de l'univers physique et, dans ce sens, il faut chasser l'idée de vie pour comprendre la vie. Mais en même temps, la vie est un mode d'organisation, d'être, d'existence totalement original, et dès lors se pose le problème: qu'est ce qui, dans la vie, tout en dépendant d'elles, échappe aux explications seulement physiques, chimiques, thermodynamiques, cybernétiques, systémiques et constitue la vie de la vie? Comment penser à la fois la non-vie et la vie de la vie ?"

10 - Claude Bernard. «Principes de la méthode expérimentale" PUF Quadrige.

11 - Kant «Critique de la façon de juger" GF Flammarion, pages 390/96.

12 - Image de René Thom, mathématicien mort en 2002 connu pour sa théorie de la catastrophe. Il s'exprime bien ici sur la vie. J'emprunte cette citation à un extrait paru dans un livre de philo de terminale. Pour parler de la vie, la métaphore de la montre est très utilisée tant par les grands que par les humbles scribes.

13 - Wikipédia. Fiche «Vie", lue en Mars 2013.

14 - Revue «Les dossiers de" La Recherche"" Février/Mars 2013. Article «Les origines de la vie" page 9.

15 - Autres listes de caractéristiques de la vie.
Un gros bouquin pour étudiants, (Campbell: «Biologie" De Boeck Université. 1995, page 6), et donc, en théorie, pédagogique, propose ceci: de l'ordre/ la reproduction/ la croissance et le développement / Utilisation d'énergie/ Réponse aux facteurs, aux pressions de l'environnement/ Homéostasie (se maintenir dans des limites vitales malgré les fluctuations de l'environnement; exemple : possibilité de se reconstituer / Evolutions du vivant par mutations.

Pour J. Monod, biochimiste, auteur de «Le hasard et la nécessité", trois caractéristiques propres au vivant. Un être vivant est un individu indivisible formant un tout cohérent, possédant une dynamique interne de fonctionnement et doué d'une autonomie relative par rapport à un milieu auquel il peut s'adapter. («Réviser son Bac" avec «Le Monde". Philosophie. Avril 2012, page 60).

Hans Jonas que nous citons et re-citons sans jamais nous fatiguer, propose, en 1973, quatre aspects du vivant :
- il échange de la matière et agit comme un pôle subjectif partiellement indépendant de celle-ci,
- il est toujours menacé, il a toujours le souci d'éviter de périr et pour cela il est complètement dépendant de la matière dont les propriétés sont la raison de son souci,
- même les formes de vie les plus simples ont donc une perspective subjective (de sujet) comme conséquence de leur besoin existentiel,
- la vie sera toujours prise dans les antinomies telles que «liberté et nécessité, autonomie et dépendance, moi et le monde, relation et isolement, création et mortalité".
(Dans l'article de Y. Prié référencé plus haut - note 8).

Enfin Canguilhem. Penseur lui aussi et médecin, mort en 1995. Il aurait beaucoup influé sur son temps. Maintenant, on le dit un peu dépassé sur divers points de la connaissance biologique; son nom n'en figure pas moins dans des ouvrages pas très vieux, alors pourquoi n'en parlerions-nous pas, nous aussi ? Il a écrit «La connaissance de la vie", une édition chez Vrin en 2006.
Extraits d'un article téléchargeable «Quelques concepts récents de Georges Canguilhem" par Barthélemy Durive, page 3.
«…qu'est ce que la vie selon Canguilem ? C'est un fonctionnement complexe, propre à une organisation organique parce qu'elle est réglée par des lois qui ne sont pas mécaniques, mais capables (dans certaines limites) de se compenser, de se modifier ou se combiner. Autrement dit: la vie au sens biologique serait un processus d'auto-régulation dans un système organique (formant un individu) dont la régularité n'est pas infaillible mais qui, malgré cette fragilité (et peut-être à cause d'elle), atteint une stabilité dynamique par l'élasticité relative des lois de ce processus (qui, multiples, peuvent se remplacer)".
Ailleurs, Canguilhem souligne la précarité de la vie.

16 - E. Morin. «La Méthode", Tome 2 «La vie de la vie" Points Seuil 1980, page 350.
Citation complète de la phrase :
«La notion de vie, ainsi, doit être conçue à la fois intensivement - en son foyer, l'individu vivant - et extensivement - dans sa totalité de biosphère - ; dans son organisation première et fondamentale - la cellule - et dans toutes les formes méta-cellulaires d'organisation (polycellulaires, sociétés, éco-systèmes). La notion de vie doit être respectée dans ses caractères versatiles, multidimensionnels, métamorphiques, incertains, ambigus, voire contradictoires: ils justement pour nous les signes de la complexité".

17 - Nietzsche. «Par delà bien et mal".

18 - Aristote. «Traité de l'âme" II, 1.

19 - H. Jonas. «Evolution et Liberté". Ed Rivages - Payot 2000, page 29.

20 - Claude Bernard:S'il fallait définir la vie d'un seul mot, qui, en exprimant bien ma pensée, mît en relief le seul caractère qui, suivant moi, distingue nettement la science biologique, je dirais : la vie c'est la création. «Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale" Ouvrage téléchargeable gratuitement à partir de www.ac-grenoble.fr/philosophie/, page 126.

20 bis - Cl. Bernard : «Les leçons sur les phénomènes de la vie". Cité dans Haution «Peut-on définir la vie ?" 2006. Sur www.ac-grenoble.fr

21 - J. von Uexküll, biologiste et penseur, mort en 1944. Cité dans J. Haution. Cf. ci-dessus.

22 - Extrait de Bichat, médecin, anatomiste, mort en 1802; «Recherches physiologiques sur la vie et la mort". La phrase se repère dans les pages «Citations de" affichées sur Internet.

23 - «L'essence de la vie", Serge Car. Leçon 102. Sur http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/vivant3.htm

24 - Image du mécano est par exemple dans l'article «Le phénomène de la vie" sur www.meta-noia.org/anthropologie/2/a03.HTM

25 - Teilhard de Chardin. «Le phénomène humain" Seuil 1955. Page 95.

26 - Revue «Géo". H.S. Géo savoirs: «Evolution" Février/mars 2013, page 38.

27 - Id ci-dessus. Article «Des êtres entre la vie et la mort", page 51.

28 - Article de A. Brack: «De l'origine de la vie dans l'univers". Site du CNRS.
www.cnrs.fr/cw/dossiers/classbig/decouv

29 - Citation relevée dans : I. Y. Ayenon, «La conception du vivant chez Claude Bernard", en ligne. Elle provient de Claude Bernard: «Principes de la médecine expérimentale".

30 - «Les dossiers de «la Recherche": «Les origines de la vie", Février/Mars 2013, page 53.

31 - H.S. Revue «Géo", référencée plus haut, page 64.

32 - Id, page 29.

33 - Aldo Léopold. «Almanach d'un comté des sables" Aubier 1995, page 145.

34 - Dans Thomas Pradeu «Philosophie de la biologie" 2009, Paris Sorbonne, page 5. En ligne.

35 - Id. Page 9.

36 - Aristote. «Métaphysique".

37 - Bergson. «L'évolution créatrice" PUF Quadrige, 2009, pages 128/129.

38 - Courte explication dans Serge Car. (note 23, plus haut).

39 - Aristote. «De l'âme". Section II, Livre II, chapitre 3. Ouvrage en ligne, gratuitement, sur le site www.remacle.org
Rajoutons du Platon, le prof d'Aristote. «Car tout corps qui reçoit son mouvement de l'extérieur est inanimé; mais celui qui le reçoit du dedans, de lui-même, est animé puisque c'est en cela même que consiste la nature de l'âme" (Phèdre).

40 - Exemple de cette tendance : article «Le vivant" dans «Réviser son bac. Philo", Avril 2012, page 60.

41 - Déjà dans Bergson lui-même, des pages dans «L'évolution créatrice".Pour qui, comme votre serviteur, a besoin d'aide pour comprendre ce dernier ouvrage, en général, et le rôle de la conscience en particulier, voir, par exemples, ces articles en ligne :
- J. Dolbeault. «L'évolution selon Bergson, ni un hasard, ni un plan".
- M. Lamy. «Le tourbillon de la vie dans "L'évolution créatrice" de Bergson".

42 - Edgar Morin. Ouvrage déjà cité. Page 157.

43 - H. Jonas. «Le phénomène de la vie". Ed. De Boeck 2001, page 92.

44 - Id. page 93.

45 - E. de Fontenay. «Le silence des bètes". Ed. Fayard 1998. Partie XVII «Ont-ils un monde?". Chapitre 3 sur Heidegger.

46 - Exemples dans ouvrages de Frans de Waal.

47 - E. Goldsmith «Le défi du XXIe siècle" Ed. du Rocher 1994, page 181 et suivantes. Ouvrage réédité sous le titre: «Le Tao de l'écologie: une vision écologique du monde"; même éditeur, 2002.

48 - «Science et Vie". Mars 2013.

49 - De Leibniz. Cité dans «H.S «Le Monde". Préparer son bac". Référencé note 40. Page 62.

50 - Vers de Crowfoot, chef indien mort en 1890. Extrait de «Paroles indiennes" (Amérique du Nord). Gallimard. 1996


- Albert Schweitzer

51 - Arnold. «Bernard Kaempf et l'éthique d'Albert Schweitzer" Dans «Bulletin des amis et anciens étudiants de la Faculté théologique protestante de Strasbourg" 2009. En ligne.

52 - Schweitzer. « Ma vie et ma pensée" Ed. Albin Michel 1960, page 94.
Dans cet ouvrage, Schweitzer raconte sa vie jusqu'en 1931 (56 ans). Récente réédition, même éditeur, 2013.

53 - Id page 105.

54 - Id page 8.

55 - Id. page 208.

56 - Id. page 209.

57 - Sermon de 1905 reproduit dans A. Schweitzer «Vivre" Ed. Albin Michel 1970, page 75.

58 - Cité dans Nakos. «Albert Schweitzer et l'éthique envers les animaux" (Lettre de 1958, il avait alors 83 ans) sur le site des «Cahiers anti spécistes - CAS. CAS n° 29, Février 2008. En ligne.

59 - Toni Morrisson. «Le Chant de Salomon" Coll.10/18, page 224.

60 - Boris Vian.«Cantilènes en gelée", Livre de Poche 1997.

61 - «Albert Schweitzer, théologien protestant et musicologue français" sur www.medarus.org

62 - Nakos, cité plus haut.

63 - Id. site de la note 61.

64 - «Ma vie et ma pensée" déjà cité. Page 171.

65 - Id Page 243.

66 - Id. Page 73.

67 - Association française des amis d'Albert Schweitzer. (AFAAS). Fiche «Examen de l'expression "respect de la vie"". En ligne sur: www.afaas-schweitzer.org

68 - Arnold. Déjà cité. Page 3.

69 - « Ma vie et ma pensée" déjà cité. Page 256.

70 - Rappel de cela dans «Albert Schweitzer: le respect de la vie" par A. Gounelle. En ligne sur http://andregounelle.fr

71 - Arnold. Déjà cité. Page 4.

72 - «Schweitzer. « Les grands penseurs de l'Inde". Petite bibliothèque Payot, Ed. 2004. Première édition en 1935.

73 - «Ma vie et ma pensée" page 200.

74 - Id. Page 164.

75 - Id. Page173.

76 - Schweitzer. «Le problème de l'éthique dans l'évolution de la pensée humaine.", page 3.(n° indiqué par mon imprimante). Election à l'académie des Sciences morales et politiques (ASMP), 1951, séance de 1952. Sur le site : www.asmp.fr

77 - Id. Page 4.

78 - Id. Page 3.

79 - Nakos, déjà cité. Puise dans «Les grands penseurs de l'Inde", Payot, édition 1962, page 8.

80 - Schweitzer. «La civilisation et l'éthique", deuxième partie (la voie nouvelle), chapitre 5. A notre connaissance, pas d'édition en vente de cet ouvrage. Par bonheur, le texte est librement accessible sur http://christian.huber.pagesperso-orange.fr

81 - Sermon de 1919 dans «Vivre", déjà référencé. Page 168.

82 - Sermon de 1918. «Vivre", page 152.

83 - ASMP, déjà référencé, page 8.

84 - «Vivre". Page 169.

85 - «Ma vie et ma pensée" page 173.

86 - «Vivre", page 174.
«Ce qui est bien….ce qui est mal…" est également exprimé avec les mêmes mots dans «La civilisation et l'éthique".

87 - «Ma vie et ma pensée", page 174.

88 - «Vivre", page 184.

89 - Site de André Gounelle, cf. note 70.

90 - Arnold, déjà cité (note 51), page 5.

91 - Site Médarus, page 1 (note 61).

92 - «Ma vie et ma pensée", page 115.

93 - Id. page 116.

94 - Arnold, déjà cité. page 10.

95 - «Ma vie et ma pensée" page 172 ou «La civilisation et l'éthique" chapitre 5.

96 - Id. Page 174.

97 - «Vivre", page 170.

98 - «Ma vie et ma pensée", page 259

99 - «Vivre", page 170

100 - Ma vie et ma pensée", page 257.

101 - «Vivre", page 169.

101 bis - «La civilisation et l'éthique", 2e partie, chapitre 5.

102 - Lettre de Schweitzer du 4 Mai 1951 dans B. Kaempf : «Le respect de la vie". Citée dans l'article «Albert Schweitzer" sur www.tribunal-animal.com

103 - C.B. Levenson. «Ainsi parle le Dalaï-lama" Balland 1990, p 85.

104 - «La civilisation et l'éthique" Chapitre 5 (2e partie).

105 - «Vivre", page 178

106 - «La civilisation et l'éthique", chapitre 5.

107 - «Vivre", page 181/182.

108 - «Ma vie et ma pensée", page 258.

109 - Id page 259.

110 - Nakos, déjà référencé. Cette citation proviendrait de A. Schweitzer:«Humanisme et mystique", Ed. Albin Michel, 1995, page 120.

111 - «Vivre", page 178.

112 - Arnold, déjà cité, page 10.

113 - «La civilisation et l'éthique", chapitre 6.

114 - Id, chapitre 5.

115 - Arnold, page 10.

116 - «Ma vie et ma pensée", page 265.

117 - Dans sermon 1908. En partie en ligne sur le site : www.tribunal-animal.com , article «Albert Schweitzer".

118 - Arnold, page 8.

119 - Fiche thématique «La civilisation et l'éthique" site AFAAS.

120 - Arnold, page 8

121 - «Ma vie et ma pensée" p 256.

122 - «Vivre", page 207.

123 - ASMP déjà référencé (note 76), page 7.

124 - «Ma vie et ma pensée", page 259.

125 - Th. Monod: «L'hippopotame et le philosophe". Ed. Babel. Actes Sud. 1993. Page 51.

126 - Id. Dans «Préface 1942.".

127 - Th. Monod: «Révérence à la vie" Grasset 1999, page 16.

128 - Id, pages 149 et suivantes.

129 - Idem, page 133.

130 - Idem, page 123.

131 - Th. Monod. «Et si l'aventure humaine devait échouer" Livre de Poche, 2000, page 245. (La phrase serait dans«Les misérables".

132 - «L'hippopotame et…", page 335.

133 - Moncelon."Théodore Monod ou le désert en vérité", page 19. En ligne sur www.moncelon.fr

134 - Cité dans «L'hippopotame et..", page 337.

135 - «L'hippopotame et…..", page 340.

136 - Idem, page 338.

137 - Moncelon. Référencé plus haut. Page 27

138 - «L'hippopotame et..", page 57.

139 - «Et si l'aventure humaine devait échouer", page 46/47.

140 - Arnold, page 10.

141 - «Ma vie et ma pensée", page 257.

142 - Montaigne «Les essais" Livre 2 - Chapitre 11.



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