Accueil Ecologie profonde Agriculture Pesticides Eco-guerriers La nature La chasse
Ecologie Profonde Ecologie profonde
Les impacts de l'agriculture intensive Agriculture intensive
Les Pesticides Pesticides
Les Eco-guerriers Eco-guerriers
Pro et anti-chasseurs Pro & Anti chasse
Manifeste pour la Narure Pour la Nature
Livres de Roger Ribotto Bibliographie
Roger Ribotto Liens Ecologie
Roger Ribotto Agenda Ecologique
Annonces immmobilières écologiques Achat Immo Ecolo

contact
Roger Ribotto



SITECOM.BIZ
Tous droits réservés.

POUR LA NATURE
- Chapitre VIII -
Crise économique ou écologique ?


Pour télécharger et / ou imprimer ce texte, cliquez sur ce lien.

Carcasse de voiture abandonnée en forêt Sommaire :

I – Ambiance
II – Fondements (« empreinte », surpopulation)
III – Symptômes
IV – Après nous le déluge ?


I - Ambiance
Quelle crise ?
Depuis quelques décennies, rien ne va plus dans notre quotidien occidental. Médias et commentateurs retiennent le mot « crise » pour caractériser, rassembler tous ces phénomènes qui nous sapent le moral : incertitudes sur l’avenir économique et social avec chômage, usines qui licencient, commerces qui baissent leurs rideaux, stagnation des salaires et baisse des remboursements de santé qui furent un symbole de solidarité entre les différentes classes de la société, etc. Certes sur les plaques misérables et étendues de la planète, une bonne part des populations qui y vivent, si elle perçoit nos lamentations, doit sans doute s’en esclaffer, car là-bas, l’Europe est toujours le Pérou et là-bas on y subit guerres, exodes, malnutrition, exploitations à mort. Mais là-bas comme ici, à côté ou plutôt déjà mêlée à ce que nous vivons comme des agressions économiques, sous-évaluée, cause première très souvent, s’amplifie la crise écologique. S’amplifie ce qui sera bientôt la crise essentielle due à ce que nous prélevons dans la biosphère davantage que ce qu’elle peut nous fournir et qu’il faut bien s’attendre à payer un jour ou l’autre ce déséquilibre.

Un certain « Appel de Raspail »
Laissez-moi vous évoquer un petit évènement passé quasi inaperçu lorsqu'il se produisit, sans doute peu représentatif des opinions dominantes du moment mais petite lumière dans la brume.
2006. Le Premier Ministre, D. de Villepin, pense adoucir le chômage des jeunes en proposant un « Contrat de première embauche » ou CPE. Les étudiants entrent les premiers dans le ballet contestataire, ils redoutent que le CPE n'enterre l'emploi stable, ne généralise le précaire. Les syndicats ouvriers leur emboîtent le pas. Manifs, grèves, défilés dans les grandes villes dès Février. En Avril, de Villepin jette l'éponge. « L'appel de Raspail » a été publié le 21 Mars. C'est l'œuvre d'un certain comité qui s'est installé en toute illégalité dans l'Ecole des Hautes études sociales de Paris située Boulevard Raspail d'où le nom de l'Appel. Dans ce texte, après un constat de « désordre écologique avancé », cette phrase : « aucune position politique et aucune revendication qui n'intègre pas le caractère d'impasse du développement économique de la croissance, ne peuvent avoir la moindre valeur. »
Puis, cette conclusion qui a dû en décoiffer plus d'un : « Cessons de réclamer un emploi stable pour chacun (même s'il arrive à tout le monde » de chercher du boulot ou de l'argent). Que la crise s'aggrave ! Que la vie l'emporte ! »
Au cœur de la crise économique qui angoisse niche la crise écologique, effet du non respect de la maison que nous habitons, la biosphère, ni des êtres vivants qui partagent avec nous cette location planétaire. Au cœur des crises économique et écologique il y a la place excessive que nous nous octroyons dans la nature. Pour éviter que l'avenir que nous fabriquons ne soit trop glauque, il convient d'écouter Claude Lévi-Strauss ou Albert Schweitzer autant que les économistes.

Percevoir la crise écologique
En majorité, au fond de nous-mêmes, nous ressentons peu la gravité si ce n'est l'existence de la crise à venir sauf, peut-être, quand la météo se décrit en tempêtes ou canicules. Voici une pollution de rivières qui met tous les poissons ventres en l'air, le journal local lui affectera l'expression « dégât écologique » et ne retiendra comme explication que les mauvais réflexes d'un employé, un rejet intempestif. Autrement dit, ce genre de situation est rarement évoqué comme un symptôme d'une dégradation qui s'accroît, d'une maladie d'ensemble qui anémie la biosphère. On croit – on veut croire ? – à des traits indépendants et non à la convergence de rayons sur une cible, rayons discrets d'une petite pollution ou flamboyants avec l'effet de serre. Myopie que Chateaubriand, dans ses « Mémoires d'outre-tombe » (Livre de Poche, Tome 1, p194) relève à propos de la Révolution française, lorsqu'il écrit que juste avant 1789, divers mouvements étaient comme « des preuves successives de la révolution qui s'opérait. Mais alors on ne voyait pas l'ensemble des faits : chaque évènement paraissait un accident isolé ».
Certains préalables étant satisfaits – revenus supérieurs à ce qu'exige la seule survie physique et sociale, base scolaire (ou autodidacte) suffisante – les hasards de la vie peuvent amener diverses personnes à ressentir davantage que d'autres l'existence, l'amplitude, l'impact sur l'avenir de la crise écologique et du coup à réfléchir, se documenter. Celles-ci ont un devoir de pédagogie envers leurs prochains encore trop indifférents, pédagogie qui soit adaptée aux catégories de populations qui les entourent.

Le terme « crise »
Le sens d'un mot est, pour une part, lié au sentiment de qui en use. Ainsi « crise » laisse entendre qu nous vivons un mauvais moment à passer ; quelques traitements d'ingénierie et tout redeviendra satisfaisant. Non ! Pas trop d'optimisme qui serait alibi d'inaction. Après une maladie, on peut se retrouver guéri mais affaibli pour le restant de ses jours. Reprenons l'exemple facile de l'effet de serre : quoi que nous fassions, en supposant que nous fassions quelque chose, le phénomène ne disparaîtra pas comme ça au lendemain d'un Congrès international, nous savons que nos descendants, pendant des siècles, devront affronter des chaos climatiques pas très agréables. Quant à la nature, à la vie, l'on craint de l'irréversible : espèces vivantes à jamais disparues, cycles écologiques grippés sans retour.

La catastrophe écologique
La réalité écologique sur la base de documents émanant d'autorités généralement considérées comme sérieuses est souvent jugée tellement grave par des experts que « crise » est un terme jugé trop doux. Des médias n'hésitent plus à recourir à « catastrophe » : malheur effroyable et brusque dit le dictionnaire, avec désastres, calamités et autres malédictions. L'on exprime là, la possibilité que nos comportements irrespectueux envers la nature rendent la planète inhabitable pour l'humanité et pour beaucoup d'êtres vivants.
L'idée que notre survie soit en jeu s'imagine très difficilement à commencer par celui qui écrit ces lignes. Et pourtant, des Institutions planétaires officielles, jugez du peu, envisagent le fait. Leurs phrases veulent-elles seulement nous titiller plutôt que décrire objectivement ? En tout cas, cela a été dit, par exemple, lors d'un colloque de l'ONU : notre planète est réellement en danger mortel. (Cité dans « L'urgence de la métamorphose » L.Baranski, J. Robin, Ed. Des idées et des hommes, 2007, p.77). Serge Latouche, (« Petit traité de la décroissance sereine » Ed. Mille et une nuits, 2007, P49), cite les conclusions de D. Belpomme selon lequel cinq scénarios sont possibles pour rendre effectif notre radiation de la liste des vivants, un seul suffisant à l'affaire : violence extrême avec guerre nucléaire, infection ou pandémie ou stérilité, épuisement des ressources naturelles, biodiversité réduite à peu, caractéristiques physiques et chimiques modifiées à un point tel que vivre est hors scénario (effet de serre notamment).

Variétés de catastrophes
Glissons stoïquement sur le sentiment très largement partagé par tout un chacun que la pire des catastrophes est sa propre mort individuelle parce que c'est à surmonter au profit de l'humanité et des êtres vivants. Sérions les catastrophes :
- catastrophes « naturelles ». Elles sont le quotidien, la normalité du monde. En certaines occasions, les journalistes listent tout ce qui peut un jour plus ou moins lointain nous tomber sur la tête (météorite, explosion d'une nova, etc.) ou venir de nos profondeurs terrestres (volcanisme). Excluons de ces « naturelles », les typhons, ouragans ou cyclones qui atteignent durement des populations asiatiques ou américaines mais dont d'autres populations sont en partie responsables par leurs consommations énergétiques trop intenses.
- mais ce sont les catastrophes écologiques que dirigeants et populations s'acharnent à préparer avec soin qui nous occupent.
En prélude et bon cas d'école de catastrophe pure et dure, la guerre nucléaire. Nous en avons eu une mise en bouche avec Hiroshima et Nagasaki. Nous avons failli la subir, parait-il, en 1962 au moment du projet d'installation de missiles soviétiques à Cuba. Dans les années 1980, des savants américains, russes et européens ont étudié, le plus souvent chacun de son côté, les effets d'un conflit thermonucléaire limité. Limité en ce sens qu'une part seulement des bombes et missiles était supposée utilisée dans l'hémisphère Nord. Conclusion : 400 millions d'hommes aurait péri instantanément, puis, au cours des ans, la planète serait devenue telle, aux dires de Nikita Kroutchev alors secrétaire du parti communiste d'URSS, que les vivants auraient envié les morts. A une échelle plus vaste d'échanges thermonucléaires, les savants affirmaient que « les perturbations globales de l'environnement seront sans doute d'une telle ampleur qu'elles provoqueront l'extinction de la plupart des espèces végétales et animales que compte la biosphère ». (F. Ramade, « Les catastrophes écologiques » Ed McGraw-Hill, 1987, p286). Lorsque ces sommités, jambes flageolantes et sueurs froides, ont remis leurs rapports à leurs gouvernements respectifs, on a convenu que la bombe H était l'arme de Terminator.
En cette seconde de l'histoire, nos esprits sont relativement sereins à propos de cette menace ultime. Pourtant, les arsenaux militaires nucléaires ne se vident pas tous, les candidats à la bombe H ne manquent pas. En France, des chercheurs planchent encore sur cette calamité, les essais type Mururoa ayant été remplacés par des simulations. (Cf. site de « L'observatoire des armements »).
Comme si ça ne suffisait pas, voici que nous offrons aux dieux du chaos qui n'en demandaient pas tant, la possibilité de la catastrophe écologique. Sans atteindre les 4 ou 5 milliards d'années prévues pour la digestion de la terre par le soleil, nous mijotons dans nos cerveaux « supérieurs » la fin de la biosphère. C'est trop bête !

Des catastrophes déjà sous nos yeux
N'éprouvez-vous pas comme authentiques catastrophes ces extinctions en cours d'espèces vivantes ? Un exemple : le gibbon, un singe, vous ne verrez sans doute jamais en situation naturelle ceux qui restent sinon à la télé, évitez l'horreur du zoo qui exhibent des animaux aliénés. Il vit en Asie du Sud-Est. Il appartient au groupe des singes de l'Ancien monde dont nous sommes et dans ce dernier au sous-groupe des « grands singes » dont nous sommes aussi. Il est sociable, il communique avec les siens de façon très élaborée. Un seul conjoint, d'accord, il n'est pas parfait ! Sa disparition est quasi programmée, il ne devrait bientôt plus en rester un seul dans aucune de ses 17 espèces. Il sombre dans le néant par malveillances de l'homme. Malveillances directes : chasse et braconnage ; malveillances indirectes : disparition et découpage de forêts où il vit pour l'exploitation de bois exotiques, pour l'huile de palme, cette huile présente dans de multiples produits dont certains seraient labellisés « bio ». Une association, « Kalaweit » matronnée par Muriel Robin agit pour sa sauvegarde. Peut-on espérer ?
Fleurs banales. Nos regards glissent sur leurs sorts mais là encore la catastrophe pend ainsi qu'une épée de Damoclès. Faut-il se préoccuper des violettes ? « C'est que la disparition d'une violette ne changera pas le cours du monde mais l'esprit qui mène à la perte de cette violette peut mener un jour à la perte du monde lui-même. » (Réaction d'un certain Christian dans le forum ouvert pour une fiche du news « Actu Environnement » et portant sur Natura 2000, 12 Juillet 2011).

Apocalypse
Aujourd'hui « apocalypse » signifie : terrible, violent, c'est de la catastrophe – écologique - en pire. Prudence ! Les sources historiques ne tirent pas en ce sens. L'Apocalypse, film fantastique, rédigé par un Jean pas bien identifié, est un texte canonique pour les chrétiens aux côtés des Evangiles ou de l'ancien Testament. Certains de ses chapitres font blêmir. Dieu met l'homme à l'épreuve, Satan et son dragon ou sa Bête n'arrangent rien. Ainsi ces 4 cavaliers aux chevaux blanc, rouge, noir et verdâtre exterminant des populations ; en ce siècle, leurs rôles ne seraient-ils pas tenus par des cavaliers de l'agrobusiness ou de l'industrie chimique ? Mais voilà, au bout d'épreuves affreuses, à la fin de ce monde, le Christ triomphe et règne jusqu'à la fin des temps. Apocalypse : pédagogie de la catastrophe, malheur qui instruit, destruction de la nature qui poussée aux extrêmes obliquerait vers son respect (trop tard ?), folie qui rendrait sage comme le dit Erasme ?

Soyez catastrophistes !
Un philosophe, J.C. Dupuy, dans son « Pour un catastrophisme éclairé » (Points Seuil, 2002), ausculte les fondements de la situation actuelle. On ne voit pas toujours très bien où il entend nous mener mais certaines de ses réflexions dérouillent l'esprit.
Notre malheur, notre destin sont tels, écrit-il, « parce que les hommes n'y reconnaissent pas les conséquences de leurs actes », (p.63). Conséquences pour les enfants et petits-enfants. « Nous tenons la catastrophe pour impossible dans le même temps où les données dont nous disposons nous la font sentir pour vraisemblable et même certaine ou quasi certaine. » (p142). L'auteur insiste : « Même quand ils sont informés, les peuples ne croient pas ce qu'ils savent. » (p.143). La situation serait cocasse si elle n'était tant tragique : « La catastrophe a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu'elle va se produire alors même qu'on a toutes les raisons de savoir qu'elle va se produire mais qu'une fois qu'elle s'est produite elle apparaît comme relevant de l'ordre normal des choses. Sa réalité même la rend banale. » (p84). Un message de J.C.Dupuy : « Il va nous falloir apprendre à penser que, la catastrophe apparue, il était impossible qu'elle ne se produise pas, mais avant qu'elle ne se produise elle pouvait ne pas se produire. C'est dans cet intervalle que se glisse notre liberté. » (p165). Subtil, peut-être fécond.
Décrire la catastrophe écologique effraie les intérêts mercantiles alors souvent tombe, supposée être une accusation suprême, un « vous êtes des catastrophistes ». Les accusateurs sont des fourbes. Les vrais catastrophistes, nous voulons dire ceux qui mènent à la catastrophe en interdisant de la prévoir, ce sont eux. Un penseur, F. Partant, mort en 1987, nous appuie ainsi, (« La ligne d'horizon », La Découverte Poche 2007, p104) : « C'est pourquoi je classerais volontiers dans la catégorie des « catastrophistes » les innombrables auteurs qui s'emploient à rassurer l'opinion sans mettre en cause le système mondial, sa dynamique et son évolution. Ceux qui prétendent que chômage et sous-emploi sont des maux passagers auxquels on trouvera des remèdes. »
Vous qui d'après ce que vous savez, apprenez et ensuite en déduisez la plausibilité de la crise écologique, vous qui rêvez de sursauts, n'hésitez pas : proclamez vous « catastrophiste ». Magnifiez ce qualificatif à l'exemple de ces rebelles flamands du 16e siècle qui se parèrent tête haute, du titre de « gueux » que les espagnols leur donnaient par dérision. Car enfin, du moment que des faits sont avérés, la citoyenneté exige qu'on les dise et non qu'on les taise. C'est prendre tous les hommes pour lâches que de cacher. Et comment relever un défi que l'on dissimule ?

Quoi est collatéral de quoi ?
Entrons plus avant dans la description de la crise écologique. A priori deux manières pour y « repérer » la nature. Avec l'une l'homme, tout « naturellement » s'intéresse en priorité à ce qui le touche directement, ce qui arrive à la nature, au tissu du vivant, pour regrettable que cela soit, n'est identifié que comme dommage collatéral donc secondaire. Avec l'autre qui nous plaît bien, l'accent est mis sur l'ensemble dont nous sommes un élément, la nature, ce qui nuit à l'ensemble nuit à l'homme.
Ceci dit, en pratique, c'est la première attitude qui est la plus documentée et donc il nous faut faire avec.


----------------------------------------------------



II - Fondements

1 – Empreinte écologique
- Objectifs

Les questions de base dont les réponses devraient orienter pensées et politiques sont les suivantes. Quelles pressions l'homme exerce t-il sur la planète, la biosphère, la nature ? Cette pression est-elle supportable ou insupportable pour la planète ?
Voilà qui cadre clairement les démarches :
- déterminer, mesurer ce que l'homme consomme de biosphère
- mesurer ce que la biosphère peut fournir pour nos consommations avant de devoir mettre la clé sous le paillasson et s'inscrire aux abonnés absents.
- comparer.
La méthode mise au point il y a un peu plus d'une décennie pour ces mesures et déterminations est celle dite de « l'empreinte écologique ». Nous ne résistons pas à l'envie de vous en rappeler dès cette ouverture de sous-chapitre, quelques résultats essentiels. Pour l'ensemble des terriens et terriennes, notre consommation excède de 40% ce que la biosphère peut consentir (base 2006). Si l'ensemble des terriens consommait, en moyenne, autant que les français, il faudrait disposer de 2 planètes et demie, 5 seraient nécessaires si la consommation américaine (USA) était la normalité.
Pour les personnes déjà sensibilisées à la question, pas besoin de chiffres, ce qu'ils observent, ampleur, convergences, etc. suffit mais le qualitatif paraît subjectif et le doute se comprend. Avec les chiffres, dès lors que les méthodes utilisées pour les obtenir sont rendues publiques et soumises à critiques, dès lors que les chiffres eux-mêmes sont considérés comme vraisemblables, le rejet n'a plus d'excuses.
Ce n'est pas souffler trop fort dans les trompettes de la renommée que de clamer l'urgence de se pénétrer de la notion « d'empreinte écologique » avant que d'autres trompettes, celles de Jéricho, n'actent l'écroulement des services que la biosphère avait l'habitude de nous servir.

Rappels historiques
Divers évènements médiatiques survenus fin du siècle dernier témoignent d'une ambiance propice à des interrogations sur les impacts de l'homme nuisibles à la biosphère. En particulier : le rapport Brundtland, «Notre avenir à tous», (1987) qui, entre autres, a lancé la formule du « développement durable », formule ambiguë, suspecte, au demeurant ; Conférence de Rio dite « Sommet de la Terre » (1992). Les maîtres d'œuvre tangibles de « l'empreinte » sont deux américains : le doctorant Mathis Wackernagel et son directeur de thèse, William Rees. Leurs travaux datent du milieu des années 1990, ils ont fait l'objet d'une publication traduite en français : « Notre empreinte écologique » (1999) (Ed. Ecosociété, Canada). La revue « L'écologiste » a publié un article de Wackernagel en 2002 (« L'écologiste », Vol3, n°2, automne 2002). Wackernagel avec des amis, des collègues, a créé en 2003 une association, « Global Footprint Network », sur son site on y trouve mises à jours, explications, commentaires, recherches en cours etc. En France, l'association WWF assure le relais en publiant le document « Planète vivante ».

Définitions « officielles », ou c'est tout comme.
a - «empreinte écologique » ou impact écologique de l'homme.
La formulation de cette définition n'a rien à voir avec un sonnet de Ronsard mais il y a pire. La voici telle que reproduite dans la revue ci-dessus. « L'impact écologique de l'humanité est mesuré comme la surface terrestre et aquatique biologiquement productive qui est nécessaire à la production des ressources consommées et à l'assimilation des déchets produits par l'homme dans les conditions de gestion et d'exploitation de l'année considérée. » Donc prise en compte de ce qui est consommé et des déchets.
L'institution internationale OCDE propose une définition plus concise : « mesure en hectares de la superficie biologiquement nécessaire pour pourvoir aux besoins d'une population humaine donnée. ».
Au chapitre 2 de cet essai, nous avons réagi à l'emploi du mot « érosion » de l'expression « érosion de la biodiversité » parce que, par rapport à la réalité qu'il était censé qualifier, était trop gentil Même réaction ici, « empreinte » n'est pas à la hauteur des enjeux. Il évoque les traces de pas imprimés dans le sable de l'estran et que la marée effacera d'un petit coup de flot montant. Or, ce dont il s'agit est planétaire, massif.

b – « Capacité biologique de la biosphère », capacité de celle-ci à se régénérer.
Nous n'avons pas trouvé de définition ramassée de cette notion. .Elle est toutefois évidente dans son principe même si sa détermination l'est moins.
Elément de base de cette capacité de production : la surface de planète qui produit. Quelques chiffres pour le plaisir. La surface totale de la terre est de 51 milliards d'hectares, (mdha). Celle des terres émergées – 30 % du total – est de 14 mdha. Les surfaces productives sont calculées en retranchant de ce chiffre les surfaces qui ne produisent rien (déserts, glaciers, etc.), on aboutirait à 10,3 mdha. Certains experts voudrait que l'on en déduise encore les 1,5 mdha d'espaces sinon « vierges » du moins encore naturels, pour mieux assurer la protection de la diversité biologique mais ils ne font pas le poids. Il convient maintenant de savoir ce que les surfaces productives produisent (cultures, bois, etc.). Pour passer de ce constat aux quantités produites, des hypothèses s'imposent quant à la productivité des espaces qui satisfont de gré ou de force nos demandes.
Le final de tout ce branle-bas de calculettes est le bilan par la comparaison consommation de biosphère / production naturelle de la biosphère. Quand la demande humaine excède la capacité productrice de la biosphère, c'est, vous vous en doutez, le cas actuel, on dit qu'il y a « dépassement écologique ».

Coups d'œil sur la cuisine de « l'empreinte »
a - activités humaines retenues et étudiées
Ce sont les activités qui en appellent à la productivité naturelle, biologique. Elles sont au nombre de six pour Wackernagel et les siens : cultures (pour nourritures, huile, etc.), pâturage du bétail (pour viande, lait laine, etc.), forêts, pêche en mer et en eau douce, infrastructures (pour logements, routes, etc.), combustion (impacts des combustibles fossiles).

b - recherche d'une unité commune de mesure
Vient le moment où l'on doit additionner des « empreintes » diverses or on n'additionne pas comme çà des carpes, des lapins et des arbres. Une unité commune de mesure s'impose. Voici le choix des concepteurs de l'empreinte
D'abord, recours à une unité de surface (et non de poids ou de volume ou d'autre chose) comme référence : « la plupart de ces ressources et rejets peuvent être mesurés en rapport à la surface productive biologiquement nécessaire au maintien de ces flux (ressources ou rejets), ceux qui ne le peuvent pas sont exclus du champ de l'étude », (article de Wackernagel).Ensuite, une unité de surface d'accord mais une unité standardisée, spécifique : « l'hectare global ». C'est quoi ? « En pondérant chaque surface en fonction de sa productivité en biomasse utilisable, on obtient alors des surfaces corrigées qui peuvent être exprimées en hectares standardisés que nous appellerons « hectares globaux ». Un hectare global a donc, comme productivité en biomasse, la productivité moyenne à l'échelle planétaire pour une année donnée. » (même article de W.). Si ce qui précède vous fait éternuer, restez-en à ceci : on passe des surfaces mesurables à des surfaces telles qu'on puisse les additionner pour avoir une empreinte globale en faisant là encore des hypothèses supposées correctes, c'est affaire d'experts.
Tout bouge. La consommation humaine peut augmenter si davantage d'humains viennent peupler la terre. La capacité biologique de la planète peut elle aussi changer si nos connaissances et surtout la manière de nous en servir changent, s'amplifiant si la déesse Cérès nous octroie une agriculture sans polluants, régressant si nous rendons stériles des espaces productifs.

Quelques limites de l'exercice
Mesurer une empreinte planétaire n'est pas une mince affaire, tout ne saurait être parfait.
- Ainsi, avec les ressources non renouvelables (ressources fossiles notamment) on s'attache non au caractère « épuisable » de la ressource mais aux dommages que provoque son usage. C'est dit ainsi dans l'article de W. : « Nos calculs évaluent les impacts humains qui affectent la capacité de la biosphère de se régénérer. Ainsi, les ressources non renouvelables sont inclues dans les évaluations non comme des stocks épuisables mais à proportion des dommages causés à la biosphère par leur utilisation. Des évaluations complètes incluraient tous les impacts dus à l'extraction, la transformation et la combustion de ces ressources dont nous n'avons pas tenu compte faute de données. ».
- La disponibilité ou l'indisponibilité de données peut conduire à développer davantage certains aspects (ce qui a trait l'énergie, semble t-il) que d'autres. Toutefois, le nucléaire échappe aux regards.
- Tout n'est pas mesurable, ainsi, le qualitatif, le paysage ou la santé sont difficiles à chiffrer.
- Concrètement, la collecte d'informations se fait auprès des états et de leurs administrations et dans certains d'entre eux, le mesurable n'est pas mesuré. Pallier le manque est tout un art.
Prendre conscience de notre dépassement écologique agace tout le monde. D'où cette tendance perverse : dénigrer la notion d'empreinte avec les insuffisances de mesures comme outil de démolition. Pourtant nous ne sommes pas comme dans le cas d'une élection où au 2e tour l'on gagne avec 50,5 % des voix rendant ainsi possibles des recours pour irrégularités dont les résultats changeraient la donne ; nous sommes plutôt dans une balance du type 70 % / 30 % où l'irrégularité peut et doit être corrigée mais qui ne changera rien au résultat final. Ce que nous savons suffit.

Empreinte à compléter
Même si ce qui nous commotionne est l'empreinte au niveau planétaire, des calculs sont possibles à tous niveaux. Dans certains pays, la France par exemple, l'empreinte nationale a été calculée et sur Internet, vous trouverez des conseils pour calculer votre empreinte personnelle. Ce peut-être instructif. Gare aux oublis ! Ainsi, le citoyen X ne consomme pas seulement de la surface productive de son pays X ; lorsqu'il prend un café, il pèse sur des espaces producteurs de caféiers en Amérique latine.
D'autres empreintes que l'écologique complètent celle-ci dans des domaines particuliers, cas de l' « l'empreinte carbone » qui caractérise notre participation à l'effet de serre.

Quelques résultats
Plus haut, nous avons dit le fondamental, l'unité de mesure étant le nombre de planètes nécessaires pour répondre à nos besoins : deux et demie. Cela peut se dire aussi en hectares standardisés, hectares globaux (hag), et ce par terrien(ne). Voici quelques résultats exprimés en cette dernière unité et correspondants à la situation de l'année 2006, le nombre d'humains étant alors de 6,5 milliards :
- capacité biologique moyenne de la biosphère, (ce que la planète peut fournir dans les conditions naturelles ou techniques du moment) : 1,8 hag par terrien. Si l'on voulait tenir compte des besoins de vie des espèces vivantes autres que l'humaine, la capacité biologique de la biosphère pour satisfaire nos besoins se réduirait à 1,5 hag.
- empreinte moyenne effective de l'humanité : 2,6 hag par terrien.
- dépassement écologique : 40 % (avec 1,8 hag)
L'humanité ne se contente plus d'exploiter les intérêts du capital terrestre mais entame le capital.
La situation, par ailleurs, est inéquitable, l'empreinte varie beaucoup selon les territoires, les nations :
- super empreinte, de 8 à 10 hag par habitant : Emirats arables unies, U.S.A., Canada, etc.
- empreinte moyenne mais déjà excessive, entre 3 et 6 : Finlande, Danemark, Belgique, France, etc.
- faible empreinte, moins de 0,5, BanglaDesh ou Mozambique.

Et la nature ?
Dans ce qui précède, les espèces vivantes n'ont pas de valeur en soi, pas de valeur intrinsèque mais de la valeur utilitaire. On se penche sur le lit d'hôpital où geint la nature ainsi qu'au chevet d'un serviteur malade, on craint que celui-ci trop atteint ne puisse plus assumer son servage. Toutefois, ne soyons pas trop mauvaise langue. Dans l'article de Wackernagel, la nature est objet de considérations qui convergent avec le souci de sa protection. Plus haut, nous avons noté l'objectif potentiel de préservation d'espaces « vierges ». « L'effet tampon » ou « résilience » de la biodiversité y est rappelé. De manière générale, ce terme élégant de « résilience » désigne la capacité de quelque chose de revenir à l'équilibre après une perturbation. La biodiversité la favorise, la conserver est donc comme une police d'assurances.
L'association internationale de protection de la nature, le WWF, dans son rapport périodique « Planète vivante » (dernière parution 2010) traite d'une part de la mise à jour de « l'empreinte écologique » et d'autre part de l'évolution d'un indice qu'elle a mis au point et dénommé « indice planète vivante » (IPV). Ce dernier est censé refléter les changements dans la santé des écosystèmes de la planète. Plus précisément, c'est une sorte de CAC40, ou plutôt de CAC8000 en ce qu'il s'attache au sort de 8.000 populations d'espèces animales, des vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons). Un résultat : cet IPV a diminué de 30 % entre 1970 et 2007.

D'abord sensibiliser
Regrettons que les travaux sur l'empreinte « écologique » ne prennent qu'en touche la part de capacité biologique à réserver à l'ensemble des espèces vivantes.
Empreinte, capacité biologique ne sont pas des révélations sacrées mais des photographies de la situation. La comparaison, le bilan, est un thermomètre qui renseigne sur le degré d'avancement de la fièvre maligne de la nature. En soi, il ne faut pas attendre des photos et des thermomètres qu'ils fondent des politiques. Ils informent et c'est énorme. Si ce qu'ils révèlent nous laisse froids, c'est à désespérer car l'on se demande alors quoi d'autre pourrait nous réveiller.
On dit que les généraux romains vainqueurs, lors de la célébration de leur triomphe au sein d'une foule immense les acclamant, avaient, sur leur char, juste derrière eux, un esclave qui leur chuchotait inlassablement afin d'éviter que leur vanité ne gonfle trop : n'oublie pas que tu es mortel. Que nous soyons puissants ou même modestes, nos anges gardiens au lieu de dormir tout le temps ainsi qu'ils le font, devraient de même nous chuchoter à l'oreille à chaque fois que nécessaire : n'oublie pas ton empreinte !


2 – l'aspect démographique
Deux croissances qui se renforcent l'une l'autre font de notre empreinte un pilon titanesque.
- des consommations de plus en plus excessives de ressources naturelles
- un nombre de plus en plus élevé d'humains consommateurs.
Le débat sur les ressources est aisé dans le principe même si rien ne se fait qui corresponde à ce que le temps exige. Celui sur la démographie ne l'est pas tant il est plein de faux-fuyants mais l'esquiver serait fauter. « Si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance démographique. La population ne peut, elle non plus, croître indéfiniment. La réduction brutale du nombre de consommateurs ne changerait pas la nature du système, mais une société de décroissance ne peut pas évacuer la question du régime démographique soutenable. » (S. Latouche, « Le pari de la décroissance », Fayard 2006, p 140).

Façonnés pour engendrer
Le vivant se définit en particulier, par cette propriété fondamentale : sa capacité à se reproduire par des modalités variées selon les espèces dont la sexualité. Donc, nos gènes, nos anatomies et tout ce que décrivent les bouquins de biologie sont construits pour permettre la procréation. Avec l'homme, certains primates, la société accompagne, enveloppe, règle cet état de fait, interdisant ceci, promouvant cela. Institutions, religions, traditions ont ce rôle. Dans les monothéismes surtout, la règle d'or est : croissez et multipliez.
Ainsi, les sociétés se jugent saines et dignes quand elles sont prolifiques. L'homme est quelque sorte outil de ces traditions, religions, etc. - l'impérialisme guerrier a besoin de chair à canon, l'impérialisme économique d'ouvriers et de consommateurs, nous tous espérons la naissance d'assurés sociaux qui paieront nos retraites. Chair nationaliste ou raciste encore pour éviter d'être submergé par des populations franchissant les frontières.
Pour chaque individu se reproduire est une valeur en soi, l'homme impuissant se perçoit comme un sous-homme. Bref, pour tout homme « normal », seul des impies peuvent vouloir modérer ses pulsions. (Pulsions de reproduction et non de jouissance puisque dans notre Occident, les deux types se déconnectent). Dans un tel climat, il est clair qu'on ne discute pas de surpopulation ainsi que l'on discute de maîtrise des pollutions.

Jouer l'autruche
Remarque : il n'est pas du tout établi que l'autruche pratique la politique irresponsable qu'on lui attribue.
Voici qui stupéfait.
- Dans des ouvrages ordinaires, « sérieux », scientifiques ou universitaires, l'on découvre des analyses d'impacts graves consécutifs à la croissance démographique. C'est acté sans réticence.
- Dans les médias, donc touchant un public plus vaste et plus diversifié, qu'un article reprenne ni plus ni moins ces analyses et aussitôt s'abat sur le malheureux auteur la fatwa qui condamne. Les « juges » qui la profèrent et qui aujourd'hui, tiennent le haut du pavé nous paraissent se répartir dans ces deux sous-ensembles. L'adepte du premier se référant ou non explicitement à une prescription de sa foi, déclare absolue, sacrée, inviolable, la reproduction sans entraves de l'homme ; il admettra parfois que la biosphère n'en sera pas heureuse, il nous rassurera alors estimant que l'on saura le moment venu adapter la biosphère aux exigences reproductives humaines. Il y a là dedans, du « périsse l'homme plutôt que le dogme ». Mais c'est franc ; le postulat étant posé, des conséquences s'en déduisent en toute logique. L'adepte du second exprime à peine le postulat ci-dessus, il veut démontrer que la croissance humaine n'aura absolument aucun effet écologique sur la biosphère et l'avenir ; il prêche que les limites de cette biosphère sont très loin d'être atteintes, que la terre est prête à accueillir encore des milliards et des milliards de nos semblables ; reconnaissant certaines fois que la surpopulation est une mauvaise chose puisqu'il s'empresse de prédire une stabilisation inattendue des effectifs humains. C'est sournois. Puisse l'avenir lui pardonner.

L'explosion démographique
« Explosion » est le bon mot.
An zéro de notre ère, en gros au temps de Jules César, la population aurait été de 250 millions d'hommes. Elle s'accroît assez doucement pour atteindre 1 milliard au début du 19e siècle, puis 1,6 avant la guerre mondiale 1914-1918. Au 20e siècle, changement de braquet, accélération foudroyante, on ne sait quelle expression retenir qui corresponde à l'ampleur de la réalité. A peine 130 ans suffisent pour passer du 1 milliard en début de 19e siècle à 2 milliards. 30 ans de plus et nous sommes trois milliards, encore seulement 15 ans de plus pour le 4e milliard. Il faut de moins en moins de siècles, pardon, de décennies, pour par exemple, doubler les effectifs et les chiffres qui doublent sont de plus en plus formidables.
Claude Lévi-Strauss n'en revient pas : « La population mondiale comptait à ma naissance1,5 milliard d'habitants. Quand j'entrais dans la vie active, vers 1930, ce nombre s'élevait à 2 milliards. Il est de 6 milliards aujourd'hui et il atteindra 9 milliards dans quelques décennies à croire les prévisions des démographes. Ils nous disent certes que ce dernier chiffre représentera un pic et que la population déclinera ensuite si rapidement, ajoutent certains, qu'à l'échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de l'espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité non pas seulement culturelle mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d'espèces animales et végétales. » (Interview de 2005 publiée dans le « Nouvel Observateur » du 3 Novembre 2009).
A ce jour, nous en sommes à 7 milliards.

Où allons-nous ?
Une première démarche courante pour prophétiser au mieux l'avenir est de supposer que la croissance actuelle va continuer selon les bases actuelles (fécondité selon les continents par exemple) et l'on aboutit ainsi à des niveaux de populations à tel ou tel terme. Puis, on échafaude des hypothèses sur ce qui pourrait modifier dans un sens ou dans l'autre les résultats ci-dessus. A s'en tenir à divers articles de revues, les évènements susceptibles de ralentir voire de stabiliser la croissance démographiques pourraient être les suivants :
- des catastrophes de tous ordres, économiques, écologiques, sociales
- des lois coercitives d'Etats, exemple de la Chine.
- un changement important des mentalités.
Rien d'évident dans tout cela !
Des organismes officiels liés à l'ONU livrent régulièrement des prévisions. Il semble, qu'à cet instant l'on table sur une stabilisation à 9,5 milliards en 2050 en passant peut-être par 10 en 2030. Tant mieux mais si l'on se rappelle qu'avec les 6,5 de 2006 (cf. plus haut, le calculs de l'empreinte), la planète déjà suffoque, avec 9 milliard, ça craint. Observons que les rapports internationaux présentent des fourchettes plutôt que des chiffres précis uniques et que ces fourchettes encadrent des valeurs hautes et des valeurs basses, admettons que les valeurs hautes de stabilisation – 10 milliards au lieu de 9 – sont aussi probables que les basses.

Quelle population « satisfaisante » ?
La question n'a aucun intérêt pratique – les populations, dans l'avenir seront ce qu'elles seront et la tâche sera de gérer au mieux l'existant. Pourtant, elle nous titille comme si l'esprit avait besoin d'une référence chiffrée d'un monde où les hommes respireraient à leur aise avec une biodiversité généreuse et des écosystèmes fonctionnant correctement. Des compétences avancent des optimums ou des maximums très variables. Il nous semble cependant que la valeur la plus fréquente tourne autour de 1 milliard
Allons-y de notre calcul. Revenons à l'empreinte écologique de 2006 avec 6,5 milliards d'habitants, une capacité biologique de 1,8 hag/habitant ou 1,5 si nous nous soucions des autres êtres vivants et une empreinte de 2,6 hag/habitant. Lançons-nous hardiment dans une règle de trois : pour ramener l'empreinte à la capacité biologique de la terre c'est-à-dire à 1,5, la population ne devrait pas dépasser 4 milliards.

Impacts écologiques de la surpopulation
En ouverture, cette citation de F. Ramade : « Pis encore, l'impact de l'ensemble des effets nocifs de cette surpopulation humaine sur les systèmes écologiques globaux prend actuellement une telle ampleur qu'il menace dans un avenir plus lointain l'existence même de la biosphère. » (« Les catastrophes écologiques » Ed.McGrawhill, 1987, p.19).
Ressassons l'évidence. Dans un monde limité, une terre non extensible, 500 millions ou 50 milliards d'humains, il y a nécessairement une limite à la croissance démographique, une limite au-delà de laquelle la planète ne répond plus. Il y a sans doute également une limite à la capacité psychologique de l'homme à vivre dans l'entassement.
D'abord le vital – manger, boire, se chauffer, bouger, travailler, se déplacer, etc. – doit être satisfait, d'où des pressions sur l'espace, la matière….d'où aussi, inévitablement, des pollutions. Et puis, vivre n'est pas seulement survivre, vivoter ; l'homme doit s'épanouir, jouir de loisirs et de conforts minimaux, à nouveau et aussi écologiques que soient les pratiques correspondantes, consommation de biosphère, pollutions.
Prenons un thème au hasard, l'énergie. Davantage de gens donc besoin de plus d'énergie. A consommation massive, nécessité de production de plus en plus massive. Et le renouvelable, objectez-vous ? Totalisez ce que la France prévoit pour les années à venir en éolien, photovoltaïque, solaire, supposez qu'un dieu bienveillant multiplie les résultats par 2 ou 4, comparez avec ce qu'accorde une seule tranche nucléaire, ce sera en dessous. Ainsi, davantage d'humains voulant de l'énergie, il faudra tapisser la planète de centrales nucléaires. Rien n'interdit de penser à des sources d'énergies surabondantes, inépuisables ; aujourd'hui l'on rêve, recherches et finances à l'appui, à de l'énergie issue de la fusion nucléaire. Ce n'est pas pour après demain, ce n'est pas assuré, ce ne sera pas sans pollutions. Puisque nous parlons énergie, mentionnons une notion fort intéressante à piocher pour qui veut approcher le fonctionnement de la biosphère : « l'entropie », la tendance des systèmes à se désorganiser. L'auteur de référence est le statisticien, mathématicien Nicolas Georgescu-Rogen avec son ouvrage « Entropie, écologie, économie » (Ed Sang de la Terre 1995, réédition 2006). Cette étude s'appuie sur des sciences « dures » : mathématiques, physiques, etc., ça ne se boit pas aussi agréablement qu'une bouteille de Côtes de Bourg mais des commentaires plus accessibles sont sur Internet. Résumons au maximum. Dans tout système fermé, clos, les matières utilisables (charbon, pétrole, etc.) deviennent inévitablement inutilisables dès lors qu'on les utilise. Autre manière de décrire les choses, il y a toujours dégradation et perte de l'énergie que l'on utilise, c'est la 2e loi d'une discipline scientifique dite thermodynamique, l'ordre a pour avenir le désordre. Vous brûlez du charbon, il en sort en bout de bilan de la chaleur non réutilisable, non retransformable en énergie. Il est vrai que nous ne sommes pas totalement en systèmes clos, nous recevons l'énergie du cosmos, du soleil surtout, celle-ci a fait le pétrole mais en prenant son temps, des centaines de millions d'années. Des ressources sont renouvelables mais jusqu'à un certain point. Les êtres vivants, phénomène extraordinaire qui les caractérise, résistent à la dégradation, à la désorganisation, à l'entropie mais cela tant qu'ils vivent, or les vivants meurent et à ce moment, la mégère Entropie réapparaît dans toute sa puissance.

Nourrir le monde
Privilégions encore un aspect parmi d'autres. S'il ne faut pas vivre pour manger, en revanche il faut manger pour vivre. Aujourd'hui, avec nos 7 milliards d'habitants et une empreinte massive, des terriens souffrent de faim et ce non seulement par suite de conflits ou de révolutions mais de façon chronique. Des officiels (Rapport 2014 du Ministère chargé de l'agriculture) assurent que nourrir 9,5 milliards de terriens en 2050 est tout à fait à notre portée : productivités améliorées, sols à plusieurs fonctions réaffectés à l'alimentation. Mais à quels prix, là-dessus l'on est coi. L'agriculture intensive actuelle est très productrice mais accroît l'empreinte écologique (pesticides, usages de l'eau, etc.) et voici que l'on veut intensifier cette intensification.

La terre est vide disent-ils
Réponse à l'on ne sait quelle question : si les 9 milliards prochains terriens migraient aux USA laissant le reste de la planète désert, la densité de ce territoire serait inférieure à celle de l'Ile de France, (« Le Monde diplomatique » juin 2011). La question n'est pas là. Concentré ou au large, l'homme n'occupe pas seulement la surface sur laquelle ses pieds reposent. Par nos demandes de nourriture ou de loisirs et tandis que nous ne foulons que telle ville de France, nous pesons sur des espaces africains, américains ou asiatiques, nous assujettissons de l'océan pour nous nourrir ou rejeter des déchets, ces derniers en se rassemblant constitueraient actuellement comme une sorte de 6e continent dans l'Océan indien, jusqu'à l'atmosphère que nous accaparons la rendant ainsi moins protectrice sinon déchaînée.

En résumé, l'impact de l'accroissement de la population humaine sur la nature, l'ensemble des vivants, le tissu du vivant, les écosystèmes, est majeur. Rappelons-nous la 5e proposition d'Arne Naess (écologie profonde) dans sa « Plateforme » : diminuer la population est bon pour l'homme, nécessaire pour les non humains. « Procréer est un délit écologique » (cité dans S. Latouche « Le pari de la décroissance », Fayard 2006, p.135), aurait écrit le metteur en scène italien Pier Paolo Pasolini. Il exagère mais pas tellement.

Quelles actions ?
- Absence de régulation naturelle.
Dans le monde animal on calculera au bout de combien de temps une espèce recouvrira la surface du globe par le seul fait de sa reproduction si rien ne s'y oppose Cette submersion ne se produit jamais ; une adaptation de la consommation aux ressources disponibles, animales ou végétales, finit toujours par s'imposer, aléatoire, brutale ou progressive, des espèces s'en tirent et d'autres pas. Avec l'homme ce genre de régulation n'a pas cours. En théorie, il n'y a pas lieu de s'en plaindre. « L'espèce humaine est la première sur Terre ayant la capacité intellectuelle de réduire son nombre consciemment et de vivre dans un équilibre durable et dynamique avec les autres humains. Nous, être humains, pouvons saisir la diversité de notre environnement et en prendre soin. » (A. Naess « Ecologie, communauté et style de vie » Editions MF, p.53). L'homme dispose d'un outil extraordinaire, son cerveau au service de la raison, celle-ci devrait lui permettre de gérer sagement l'avenir. Ca ne marche pas. Usons quand même de raison ça marchera peut-être un jour.
Dans l'ambiance contemporaine actuelle d'économie libérale où rien ne doit s'opposer à l'accroissement de la consommation on ne voit pas d'où pourrait venir les messages de maîtrise de la population, les rares qui se font entendre avec une relative influence sont l'œuvre de vicieux qui ne sauraient être des alliés. Nous lorgnons ici, les titulaires de niveau de vie élevés et de d'empreintes écologiques surdimensionnées qui veulent modérer l'accroissement de population afin de ne pas avoir à modérer leurs appétits, ceux-là se réjouiront des guerres et des famines éclatant loin de chez eux.
Il n'est qu'une voie humaine pour améliorer la situation : l'évolution des mentalité. Exprimons encore l'opinion de Descola : les sociétés ne changent que par mutations minuscules. A. Naess qui peut-être outre son propos écrit : « La réduction de la population vers un niveau décent peut incidemment nécessiter un millier d'années. » (Même ouvrage que plus haut, p.194). L'on attribue parfois à des auteurs écologistes la tentation de réduire brutalement, criminellement, la population existante parce que les valeurs qu'ils estiment convenables pour la biosphère se situeraient à des niveaux très inférieurs à la population actuelle. Cette attribution est une calomnie qui permet d'éluder la réflexion. Admettons qu'il y ait des affreux parmi les écologistes comme dans tout groupe humain soit ! Mais les mettre tous dans ce sac est de la mauvaise foi. Pour eux comme pour beaucoup d'hommes, espérons-le sans illusions excessives, toute vie humaine est sacrée ; dès sa naissance, assistance et santé lui sont dues.
Concrètement, des « spécialistes » préconisent des mesures telles que vulgarisation du planning familial là où l'on ne planifie rien, aide à l'émancipation de la femme partout où elle n'est qu'une poule pondeuse. Le politique écologiste Yves Cochet souhaite l'arrêt de programmes d'accroissement de la natalité, par exemple pas d'aides publiques au-delà du 3e enfant (Interview dans revue « Terra éco » Octobre 2009, p. 45).

En tout cas, dans sa tête, nataliste ou écologiste soucieux d'avenir, il faut choisir.



------------------------------------------




III - Symptômes de la crise écologique

L'expression « crise écologique », englobe des phénomènes classiquement logés dans les cases suivantes :
- effet de serre
- pollutions
- épuisement des ressources naturelles
- érosion de la biodiversité.
L'effet de serre a généralement les honneurs du top de l'horreur, la hiérarchisation du reste variant selon les lieux et les gens. La liste ci-dessus n'est pas inscrite dans le marbre. Quelques autres désagréments, pluies acides ou trous dans la couche d'ozone, par exemple, sont candidement oubliés, ils sont loin d'être morts et enterrés. Que deux centrales nucléaires s'envoient en l'air en un court laps de temps et la radioactivité grimpera dans le classement.
Maintenant auscultons chaque membre de cette bande des quatre.


1 – Pollutions, exemple des pesticides
L'effet de serre trône, il y a des motifs à cela : des conséquences désastreuses immenses. Pourtant laissez-moi le détrôner pour le remplacer à cette place peu enviable par les pollutions et particulièrement par les pollutions insidieuses, clandestines, invisibles et néanmoins massives et ce parce qu'elles malmènent les structures intimes, internes, fondamentales des êtres vivants ; produits chimiques isolés par l'homme ou dispersées par l'homme et qui auront notre peau. Les pesticides, bombes à retardement, sont un emblème désolant de ce type d'agression.
Concentrons-nous sur les cultures intensives parce que l'usage des pesticides y est lui aussi intensif. Le principe consiste à répandre en pleine nature du poison, cet exercice ne devrait être confié qu'à des hommes à sagesse exceptionnelle, il semble que l'espèce soit rare. La raison d'être de ces substances est l'extermination de « mauvaises » herbes », de « mauvaises » bêtes, de mauvais germes bref l'extermination de multiples « mauvais » qui nuisent à la rentabilité, en particulier des monocultures. On les nomme selon la cible visée : herbicides, insecticides, fongicides, etc., etc. Quand on en épand sur une surface donnée, seule une fraction atteint l'objectif, le reste majoritaire, poussé par le vent, rabattu par la pluie s'en va dévaster la nature. Désormais, le pesticide est partout, air, cours d'eau et zones humides, sol, dans nos nourritures et boissons, dans nos organismes, dans le liquide amniotique où le foetus espère profiter bientôt d'un monde vivable, dans tous les êtres vivants. Sans doute faut-il du pesticide pour nourrir le monde mais trop de pesticides c'est l'abomination !
Le fabriquant et le vendeur de pesticide disent que celui-ci n'est pas dangereux pour l'homme parce que ses effets ont été étudiés pour être très sélectifs : telle espèce animale ou végétale. Ca ne se passe pas comme ça. Le produit intervient en fait sur des mécanismes de fonctionnement des organismes : photosynthèse, croissance, reproduction, etc. or ces mécanismes fondamentaux sont communs à beaucoup d'espèces. Ils ajoutent alors que la molécule ou substance active en oeuvre, se décompose au bout d'un certain temps et alors tout redevient calme. Oui, elle se décompose mais avec le risque que le produit de décomposition (métabolite) soit plus nocif que celui qui l'engendre. Il est aussi des pesticides qui se dégradent très lentement et c'est très embêtant que tout ce temps laissé à leur accumulation dans les organismes.
Encore une remarque. Assez souvent, l'on se préoccupe de l'impact de tel pesticide quand il est mis sur le marché ou après qu'il ait été épandu. Il convient de traquer l'effet des cocktails que composent les différents pesticides présents dans un espace donné ; bien des buveurs d'alcool vous le diront : le cocktail est plus redoutable que chacun de ses constituants absorbés purs.

Effets des pesticides
Parmi d'autres, ces références pour en savoir plus :
- « Pesticides, agriculture et environnement ». Expertise 2005 INRA-CEMAGREF (des dépendances du Ministère de l'Agriculture). Une masse de Mo disponible sur Internet (en particulier, chapitre 3). Les auteurs de ce rapport évoluent dans des milieux proches de l'agrobusiness et leurs structures d'accueil sont du genre : pas de vagues ! Il n'empêche : c'est très instructifs.
- « Introduction à l'écotoxicologie » de F. Ramade (Ed. Lavoisier, 2007). Ouvrage destiné aux scientifiques en activité ou en herbe comme les étudiants. Le grand public,à partir de quelques bases et sachant court-circuiter des développements trop pointus, y trouve son miel.

Hommage à Rachel Carson
Une grande dame. Elle a, parmi les premiers et premières, dénoncé, expliqué l'impact des pesticides dans son « Le printemps silencieux » La traduction de cet ouvrage est aujourd'hui éditée par « Wildproject » (2009). Elle l'a d'abord été par l'édition le « Livre de poche » (1972) incluant dans une préface du Président d'alors de l'Académie des sciences, R. Heim, ces lignes indignées : « On arrête les " gangsters ", on tire sur les auteurs des « hold-up », on guillotine les assassins, on fusille les despotes – ou prétendus tels – mais qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leurs profits et à leurs imprudences ? »

Après ces préambules, petite plongée dans le technique, le rébarbatif.

Effets des pesticides sur l'homme
Deux types de toxicité sont individualisés :
- La toxicité aiguë, la mieux connue parce qu'immédiate, tangible, assurée pour ce qui est de la relation de la cause à l'effet, de l'épandage à la maladie. Elle atteint en premier lieu les personnes qui manutentionnent les produits, qui les respirent, ces manutentionnaires mais encore des habitants ou des promeneurs humant l'air sous des épandages en cours. Cadeaux de ces situations : atteintes aux muqueuses, à la peau, aux ensembles digestifs, respiratoires.
- La toxicité chronique, insidieuse, omniprésente, angoissante. Les recherches et expériences en labos laissent peu de doute sur leur réalité. Elle n'empêche pas les pesticideurs de dormir sur leurs deux oreilles ; entre un épandage et un effet comme l'apparition d'un cancer, il peut se passer beaucoup d'années et alors allez donc prouver quelque chose devant un Tribunal. Une bonne part des agressions résulte de ce que les pesticides sont des « perturbateurs endocriniens ». Qu'est-ce donc que perturber le système endocrinien ? Ce système inclut tout ce qui émet des hormones dans notre corps (cerveau, glandes, organes tels que thyroïde et tout l'ensemble reproducteur). Du très complexe, du très délicat. Lorsque tout se passe bien, l'hormone envoie le bon message au bon récepteur (tel organe), elle active les gènes qui conviennent. Ces gènes déclenchent la réponse qui elle aussi convient à l'organisme. Ca régule. Tous ces SMS actifs, hormonaux commandent, font ce que nous sommes, nous maintiennent ainsi que cela doit être. Agression de pesticides et aussi de quelques autres produits chimiques et tout est chamboulé. Bienvenue aux cancers, fœtus perturbés, capacités intellectuelles diminuées. Le système immunitaire qui nous protège d'invasions étrangères comme celles de germes pathogènes, abandonne le combat. La fertilité se met en berne.

Effets sur la nature
Après en avoir secoué la poussière rouvrons un manuel scolaire de biologie et réapprenons ces bases. Tout vivant accumule des substances en lui dont des polluants, c'est la bioaccumulation. Pour un pesticide donné présent par exemple dans un cours d'eau, la concentration en polluant d'un être qui s'y promène pourra être supérieure à celle du cours d'eau ; c'est la bioconcentration. Soit maintenant un organisme pollué par des pesticides, mangé par un animal prédateur lui-même mangé ensuite par un super prédateur et bien le prédateur en bout de chaîne pourra avoir en lui une concentration beaucoup plus importante que celle de l'organisme en début de chaîne. Les pesticides étant partout, la nature succombe partout.
Parmi les différentes manières de raconter l'histoire, retenons celle-ci qui énumère effets toxiques dont l'étude est la toxicologie et effets écotoxiques dont l'étude est l'écotoxicologie, effets que les pesticides imposent à la biodiversité.
- Toxicologie. Etude de ce qui se passe lorsqu'un être vivant est contaminé par un polluant. On liste ici les espèces vivantes, végétales ou animales qui souffrent, disparaissent du fait des pesticides. Ces derniers ne sont pas du tout racistes, ils exterminent largement : papillons et microflore, vers de terre, batraciens en eaux contaminées, insectes dont les pollinisateurs dont les abeilles. Ces dernières parce qu'elle fournissent ce miel que nous aimons tant et qui de ce fait ont une valeur socio-économique, provoquent des débats révélateurs. Le pesticide, parcourant la chaîne alimentaire, contaminant le bas de celle-ci contamine aussi le haut dont nous.
- Ecotoxicologie. «…science qui étudie les polluants dans les écosystèmes ». (Ramade). On dépasse avec cette science le regard sur les espèces prises individuellement. On mesure, comme disent les experts, les conséquences écologiques qui découlent des effets des polluants à des échelles de temps et d'espaces importantes, d'un paysage seul à la biosphère entière. Les scientifiques observent deux types de conséquences
a – sur la structure des écosystèmes c'est-à-dire, entre autres, manières dont les abondances des populations de chaque espèce sont contrôlées, perturbations des équilibres, déclin d'espèces sensibles, effets sur des espèces-clés, évolution de la diversité des espèces, successions ou évolutions des écosystèmes contaminés, multiples « etc. ».
b – sur le fonctionnement des écosystèmes c'est-à-dire sur le flux des énergies, la biomasse, les productivités primaires, effets indirects dus aux phénomènes précédents, effets à long terme sur les consommateurs, vertébrés et invertébrés. Logiciels en action pour comprendre les impacts sur le cycle de la matière : recyclage, décomposition, régulation par les organismes décomposeurs et « etc. » sans nombre.
Pour vulgariser, diverses approches sont privilégiées ; en voici une, (le même Ramade mais dans « Eléments d'écologie, écologie appliquée » Dernière édition, Dunod 2005, celle ici utilisée : Ediscience 1992), remplaçant celle que nous venons de vous imposer ci-dessus - le jargon demeurant - et qui sépare :
- « effets démoécologiques », perturbations immédiates sur les populations par mortalité, toxicité aiguë, perturbations différées par accumulation dans une chaîne trophique ce qui comprend des actions sur la natalité, la fécondité avec des œufs non viables – des coquilles d'œufs d'oiseaux deviennent plus fragiles que du papier à cigarette - des comportements nuptiaux perturbés, etc.
- « effets biocénotiques » plus complexes encore, exemple : régressions par manque de nourriture ou pullulations par ruptures d'équilibres, …
Si tout ce qui précède vous semble imbuvable, retenez au moins que ce sur quoi nous insistons : les pesticides ont des impacts nocifs à court terme sur l'homme qui sont d'ailleurs de plus en plus reconnus notamment par des caisses d'assurance maladie mais encore des impacts globaux, massifs, nocifs sur toute la nature et ce présent assombrit le futur.

Pesticides et société
La France défend son exception culturelle. Très bien ! Elle défend encore plus fortement son exception pesticidaire et là ce n'est pas bien du tout. Nous sommes en effet le 2e ou 3e consommateur mondial de ces substances diaboliques.
On sait les risques du pesticidage massif mais cette connaissance ne sert à rien. Le politique, en sa permanence ou aux commandes, semble indifférent ou incompétent, ce qui est coupable dans les deux cas. Celui qui vend ou répand est lui aussi coupable ; il est vrai que si nous étions à sa place, nous voulons dire, si nous étions dans les mêmes conditions sociales, culturelles, financières, économiques, professionnelles, nous pesticiderions sans doute de même. Mais, en soi, est-ce vraiment une circonstance atténuante ?


2 – l'effet de serre
L'effet de serre, dans son principe, est nécessaire à la vie telle que nous la vivons ; le problème en est l'accroissement dont nous sommes responsables et qui lui va nous étrangler.
On semble préférer « changements climatiques » à (accroissement de) l'" effet de serre ". Nous nous en tiendrons le plus souvent à cette dernière appellation qui désigne une cause physique première et non une conséquence de cette cause.

a - L'homme dans la tourmente
Nos ancêtres les gaulois, cheveux blonds et têtes de bois riaient à gorge déployée pour empêcher le ciel de tomber, c'est ce qu'a chanté Henri Salvador : le ciel nous tombe dessus et nous ne rions plus.
C'est une bonne précaution que de se méfier des prévisions surtout lorsqu'elles portent sur l'avenir dit l'humoriste. Pourtant, même si d'immenses pans d'ombre recouvrent encore les anticipations, pour l'essentiel, douter est irresponsable. L'homme, si dérisoire dans le cosmos, a acquis dans notre biosphère la puissance extraordinaire, géologique capable de bouleverser les circulations planétaires d'atmosphères ou d'océans, puissance dont malheureusement il est incapable de contrôler les conséquences désastreuses. Quel dommage qu'il ne l'ait pas mise au service d'un monde vraiment meilleur !

Un futur pas très exaltant
N'importe quel article sur le sujet liste et reliste les principaux désagréments auxquels nos enfants doivent s'attendre, désagréments extrêmes : sécheresses et pluies diluviennes, inondations, canicules, ouragans ou cyclones et tout cette variété déclenchant désertifications, famines, exodes, etc. Ajoutons la fonte des glaces polaires et montagnardes et ainsi l'élévation du niveau des mers qui expulsera de leurs terres des masses de populations. Pour ce dernier point, le film est déjà commencé ; ce serait les Inuits d'un lieu-dit Shimaref ? » (Alaska), qui auraient ouvert le bal. On cite aussi les habitants de l'(ex) île Carteret ; dans ces îles du Pacifique Sud qui forment des états que bien peu connaissent sauf les collectionneurs de timbres ; les candidats à l'errance devraient bientôt se multiplier. N'oublions pas le ralentissement probable de ces énormes régulations climatiques que sont les courants océaniques. Pointons, doigt tremblant, ces craintes de scientifiques : l'irréversibilité, le non retour d'évolutions destructrices des conditions de vie, l'emballement ou spirale vicieuse de phénomènes. Exemple pour ce dernier point : l'élévation générale de température libère des gaz à effet de serre qui contribuent à élever la température générale, élévation qui…etc. Nous allons accueillir de l'inéluctable, de l'implacable, du violent et aussi du durable à l'échelle des siècles.

Très bientôt
D'ores et déjà, parmi certains évènements climatiques, nombre d'entre eux sont comme l'avant-garde d'une armée qui se prépare à l'assaut : inondations ou sécheresses. 2050, des enfants nés en cet instant y seront adultes ; cette année là, le niveau de température mondiale sera assez élevé selon les prévisions pour bouleverser nos modes de vie. 2090, date de référence dans beaucoup de rapports, nous serons en plein dans le chaos climatique ; des petits enfants d'adultes d'aujourd'hui en « jouiront ». Mais le sort de nos enfants et petits-enfants nous préoccupe t-il vraiment ?

Du mauvais usage des fourchettes
Le Groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) situe ses prévisions d'augmentation moyenne de la température de la planète dans une fourchette c'est à dire entre une valeur minimale et une valeur maximale, par exemple entre + 3° et +6°. Chacun comprend intuitivement que + 3 ou + 6, le plaisir ne sera pas vraiment le même. Ai-je l'œil mauvais qui ne lit que le mauvais qui l'arrange ? Il semble que dans les descriptions retenues par les médias, on s'en tiennent aux valeurs faibles déjà perturbantes, on contourne très au large les valeurs fortes. Or les degrés encadrés par la fourchette sont tous possibles et l'omerta ci-dessus est dommageable : pour réagir, prévoir adéquatement politiques et conduites, il faut savoir.

Besoin de traducteurs ou de passeurs
Bien sûr, les connaissances, les explications physiques, chimiques, climatologiques de la crise sont des préalables incontournables mais en rester là serait s'immobiliser au milieu du gué. Nous devons dépasser les tableaux qui résultent des sciences « dures », « objectives », dépasser le 1+1=2 et interroger les science humaines, nous attarder au subjectif. Nous devons essayer de ressentir en nos âmes ce que les bouleversements climatiques imposeront concrètement dans le quotidien des hommes, quelles pulsions pour les expulsés de la remontée des eaux ou les victimes de sécheresses intenses et prolongées, quelles conséquences pour les gouvernements ? Des auteurs anticipent un effondrement de la civilisation occidentale (ex. Naomi Oreskes,« L'effondrement de la civilisation occidentale », éd. LLL, 2014), d'autres vont jusqu'à prévoir la disparition de l'espèce humaine, ce qui nous semble excessif même si nous n'avons pas la compétence requise pour opiner dans un sens dans un autre. Des stratégies, des tactiques individuelles seront probablement plus efficaces que d'autres. Ne peut-on commencer à les imaginer pour les enseigner ? Pour l'heure, seuls des romanciers, de science-fiction surtout (ex : K.S. Robinson, éd Pocket), osent des scénarios du futur, les responsables, les compétents s'assoient dessus, ils ne devraient pas.

L'inévitable déni
Lutter contre l'accroissement de l'effet de serre, autrement dit lutter contre la consommation de combustibles fossiles (charbon, pétrole, etc.), contre des technologies voraces en énergie, contre les supports de puissances économiques gigantesques devant lesquelles le politique n'est généralement qu'un laquais, n'est évidemment pas acceptable par lesdites puissances. L'homme étant ce qu'il est, très imparfait, rien d'étonnant à ce qu'il nie, relativise, ridiculise l'effet de serre. Il faut s'y faire… et résister. Rions jaune : il est des puissants que certaines perspectives climatiques enthousiasment, ceux qui attendent que l'exploitation de richesses naturelles arctiques (ex. pétrole) soit facilitée par la fonte des glaciers et, simultanément, que celle-ci raccourcisse les trajets maritimes. Vendanger du Médoc en Alaska, moissonner du blé en Sibérie ne suffiront pas à transformer la ruine en prospérité.
Au fur et à mesure que nous prenons connaissance des prévisions portant sur les changements climatiques et que nous en admettons la possibilité, le moral en prend un coup. Comme nous voudrions que ce ne soit qu'une vague et incertaine hypothèse. Quelle terrible envie que de croire en ces personnes, expertes ou non dans les domaines qu'elles décrivent, et qui soutiennent médiatiquement que l'effet de serre n'existe pas et que si ça existe ça n'a rien à voir avec les activités humaines et que nous pouvons donc sans remords, sans rien faire, continuer à gloutonner la planète. Le négationniste se voit peut-être comme anti-dépresseur au secours des finances de la sécurité sociale mais la conséquence regrettable de ses propos est de désarmer le citoyen.

b – la biodiversité dans la tourmente
Ce que l'humanité va devoir affronter, la biodiversité dont l'homme est juge et partie, l'affrontera aussi. Anticiper le devenir d'un tissu hypercomplexe d'interdépendances, prévoir ce qui s'adaptera, s'altèrera ou périra n'et pas à la porté du premier venu fut-il scientifique. Néanmoins, des tendances semblent probables. Rappelons-en quelques unes. Suivons les usages en sériant :
- impacts sur les écosystèmes, les ensembles constitués par les milieux physiques, la lumière, etc. ainsi que par les êtres qui y vivent.
- impacts sur les espèces.
Parmi diverses références en ligne, celles-ci :
+ GIEC « Les changements climatiques et la biodiversité ». Document technique version 2002,
+ PNUE, organisme de l'ONU chargé de l'environnement. Convention de la diversité biologique. « La diversité biologique et les changements climatiques » 2007
+ fiches « Sagasciences » sur le site du CNRS dont nous recopions quelques phrases sans aucune vergogne.

– écosystèmes
Sort d'écosystèmes :
- forêts
Une embellie au départ par suite de l'abondance de CO2 dans l'atmosphère. Puis déclin plus ou moins accéléré selon que les pluies seront régulières ou anarchiques. Il suffirait d'une augmentation de 1° de la température moyenne pour que le fonctionnement et la composition d'une forêt se modifient. Le devenir des gros animaux forestiers – singes en particulier – sera incertain dans diverses parties du monde. La migration des arbres ligneux sera difficile et ceux-ci seront également vulnérables aux parasites et à des espèces devenant envahissantes.
- eaux intérieures
La survie d'espèces aquatiques est d'ores et déjà problématique en bien des lieux. Demande accrue d'eau qui réduira les débits, appauvrira la biodiversité. Evènements extrêmes, inondations ou richesses dont s'accommoderont ou non les milieux. Reproduction perturbée d'oiseaux migrateurs ayant besoin pour ce faire de zones aquatiques. Modifications de débits de cours d'eau qui affecteront des habitudes de reproduction, des modes d'alimentation des poissons.
- océans et littoraux
Erosion accrue des côtes avec inondations accrues des littoraux, disparitions du coup, d'écosystèmes côtiers. Parmi les conséquences de la remontée du niveau de la mer, intrusion d'eau salée dans des nappes d'eau douce utilisées par l'homme. Augmentation de la température de l'eau, vous savez combien les conditions de vie des poissons sont inféodées à des fourchettes étroites de température.
Le trop de carbone dans l'air réchauffera mais aura aussi cette autre conséquence l'acidification des eaux ce que les organismes qui y vivent détestent profondément.
- montagnes
Celles-ci bénéficient, du pied au pic, d'un étagement d'écosystèmes variés. Le nombre de ces derniers se réduira tandis que l'on ne goûtera plus de fraîcheur qu'au sommet où les espèces ne pourront toutes se réfugier.

Aggravant une situation difficile, des terriens pourront se voir contraints d'adopter des pratiques destructrices d'écosystèmes. Ainsi, la demande en eau devrait exploser, les systèmes aquatiques – nappes, étangs ou cours d'eau, marais producteurs d'organismes vivants – connaîtront la disette. La redistribution géographique de l'agriculture dans le monde, compte tenu des nouvelles capacités des sols, (du blé en Sibérie !), conduira à utiliser des espaces jusque là épargnés. Dit autrement : la surface des sols encore naturels sera réduite ; peut-on dire que, parallèlement, des espaces productifs devenus non productifs, abandonnés, retourneront à un état « naturel » ? Pas sûr ! De trop longues exploitations polluantes par engrais ou pesticides les auront dégradés pour un bon bout de temps.

- espèces
C'est par elles que l'émotion nous saisit, imaginer que tel animal va disparaître parce que la vie lui sera trop dure, rend morose. Des effets sur les espèces du réchauffement climatique sont déjà observables : migrations d'oiseaux plus courtes dans le temps ou l'espace, apparitions d'insectes jadis cantonnés en leurs pays chauds et qui s'en vont transporter ailleurs des germes qui inquiètent.
Précisons quelques-unes des relations existant entre la biodiversité et les changements climatiques. « Les changements de concentration en CO2 de l'atmosphère et celles des précipitations touchent le métabolisme et le développement des animaux, la croissance, la respiration, la composition des tissus végétaux et les mécanismes de photosynthèse (croissance des plantes grâce à l'énergie du soleil et l'absorption du CO2). Les conséquences pourraient être variées. Par exemple, la modification d'un seul paramètre (température, humidité, composition chimique de l'atmosphère) peut favoriser le développement d'une espèce présente au détriment des autres qui jusque là vivaient en bonne entente » (Sagasciences).
Dans un passé lointain, la réponse aux changements climatiques fut la migration. Ainsi, celle, légendaire, des rennes remontant vers le nord après la fin de la dernière glaciation, voici 15.000 ans au temps des magdaléniens. Remontée à petite vitesse car les évolutions climatiques étaient lentes. Pouvez-vous imaginer aujourd'hui l'épopée d'une horde de mammifères qui partant du sud de l'Europe voudrait rejoindre le cap Nord, il lui faudrait franchir villes, autoroutes et lotissements avec rangées de chasseurs armés en guise de comités de réception tout le long du trajet. Complétons toujours avec « Sagasciences » : « Par exemple, si les températures augmentent, végétaux et animaux vont migrer vers d'autres lieux qui leur conviennent mieux. On estime qu'un accroissement annuel de température de 3°C en zone tempérée engendre un déplacement des isothermes de 300 à 400 kilomètres vers les pôles et de 500 mètres en altitude. Certaines espèces n'arriveront pas à s'adapter au changement climatique. Elles risquent de disparaître. Evidemment, le climat n'est pas le seul responsable : déforestation, agriculture intensive et pollution jouent également un rôle. » Et encore : des cycles de vie de la faune et de la flore (migrations, reproduction, floraison, pontes, etc.) changeront, s'allongeant ou se raccourcissant, débutant plus tôt ou plus tard. Ce pourra se révéler très ennuyeux. Soit l'exemple d'oiseaux migrateurs : généralement, l'arrivée de ceux-ci sur leurs sites de nidification est synchronisée avec l'éclosion de leurs proies, la présence de leurs nourritures. Désynchronisez et rien ne va plus.

L'association WW, (Rapport « Les espèces face au changement climatique », 2007), a sélectionné une dizaine d'animaux – généralement « prestigieux » - dont elle suit l'évolution. Ces animaux sont : l'ours polaire – héros médiatique de la glace qui fond - le tigre, le kangourou, la baleine, le dauphin, le manchot, la tortue marine, l'orang-outang, l'éléphant d'Afrique et l'albatros. S'y ajoute cet ensemble vivant très particulier : les coraux constructeurs de récifs. Le bilan est implacable que l'on prenne les animaux un par un ou tous ensemble : raréfaction des sites de reproduction et de nourriture, mortalités à l'éclosion, difficultés de survie des petits, insuffisance d'eau (éléphant), vulnérabilité face aux prédateurs non natifs, répartition mâle/femelle perturbée.

L'hémorragie des espèces va t-elle empirer à cause du réchauffement climatique ?
C'est ce que laissent entendre nombre de scientifiques naturalistes. Entre un quart et la moitié des espèces vivantes pourrait disparaître. Mais il en est d'autres qui affirment que ce sera désastreux, effet de serre ou pas. Ils avancent la même proportion mais en ne tenant compte que des conséquences de nos comportements destructeurs d'espèces et d'espaces naturels. En somme, l'accroissement de l'effet de serre donnerait le coup de grâce à des espèces affaiblies par ailleurs.
Le requiem de la nature n'est pas encore composé. Convenons toutefois, sans hardiesse intellectuelle excessive, que les bouleversements à venir seront davantage maléfiques que bénéfiques ou que neutres vis -vis de la nature qui fut nôtre jusqu'à ce jour.

- Soulager le fardeau
Si les changements climatiques influeront négativement sur la biodiversité, à l'inverse, la biodiversité pourrait influer positivement sur les changements climatiques : absorption de gaz à effets de serre, évapotranspiration des végétaux, etc. Il y a comme une ardente obligation que d'amener le vivant au moins mauvais de sa forme avant les guerres climatiques. Conséquence - refrain de tout cet essai - une ardente obligation que d'agir vigoureusement pour maintenir en bon état les milieux naturels encore existants, voire d'en reconquérir, que de défendre les espèces vivantes, protégées sur le papier ou non, à notre porte ou aux confins du monde.


3 – l'épuisement des ressources naturelles
Un conditionnement puissant et irrationnel nous conduit à prendre des ressources non renouvelables pour des ressources renouvelables ou tout au moins inépuisables.

Petits coups de projecteurs
Seulement quelques produits de base font tourner la boutique planétaire : pétrole, charbon, gaz naturel font 80% de l'approvisionnement énergétique ; ils partent en fumée. Prévisions d'épuisement : 40 à 100 ans pour le pétrole, 2 siècles pour le charbon. Ne focalisez pas seulement sur l'épuisement total, des bouleversements sociaux et économiques se manifesteront dès que la raréfaction sera prononcée. Vous dites : le nucléaire, l'uranium. Comptez 50 ans et passez alors à autre chose. Ah ! Les surgénérateurs, les superphénix qui créeraient davantage de matériaux radioactifs qu'ils n'en consommeraient, pour l'heure, ils inquiètent trop. Une quinzaine d'autres produits occupent une bonne place dans nos civilisations même s'ils tiennent moins en mains nos bien-être que les fossiles combustibles mais nickel, fer ou cuivre, on commence à racler les fonds de tiroir, il devient rentable de voler du cuivre le long des voies SNCF. Plus étonnant, d'une certaine façon, le renouvelable ou quasi renouvelable ne se renouvelle plus : terres cultivables que la Chine pour pallier son insuffisance face à son énorme population loue jusqu'en Afrique ou eau potable qui se perd par pollution croissante.

Cas d'école : le pétrole
Dans une section précédente – les pollutions – nous avons choisi comme triste figure représentative, les pesticides. De même, proposons ici le pétrole. Nous nous appuyons sur « Pétrole Apocalypse » d'Yves Cochet (Ed Fayard 2005), un livre qui vaudrait d'être distribué gratuitement aux entrées de mairies et de terrains de foot. Le sujet en est non la dernière goutte de pétrole mais la fin du pétrole à bon marché. Deux catégories de substances. En première, le pétrole traditionnel genre Texas, vous faites un trou dans le sol pour planter un arbre et le liquide jaillit des profondeurs. C'est lui qui nous a nourri et nous nourrit encore presque partout. Sa production aborde un pic (dit de Hubert), elle va décroître, c'est déjà commencé soutiennent des gens compétents ; il n'existe plus de réserves dignes de ce nom à découvrir, la géologie ne peut donner davantage que ce qu'elle a ; Alaska, Mer du Nord et après on fermera. Une demande qui ne faiblit pas, une offre qui s'éteint, le prix du baril va bientôt exploser. Après le « conventionnel », le non conventionnel sous conditionnements naturels divers : schistes bitumineux, huiles lourdes, etc. Son exploitation monte en flèche. Mais : coûts très élevés, gouffres énergétiques – il faut beaucoup d'énergie pour l'extraire – cauchemars écologiques observables dans ces pays où finalement l'on hait la nature comme le Canada. Non conventionnel, pétrole synthétique, agrocarburant qui fait saliver l'agriculture intensive ? Il n'y en aura jamais assez pour compenser le conventionnel et pour des prix aussi faibles qu'actuellement.
Nous réalisons mal l'omniprésence du pétrole : déplacements, chauffages, agricultures, tous produits pétrochimiques. Nous mangeons du pétrole, vérifiez-le en vous arrêtant aux étapes des chaînes de production alimentaire : production proprement dite, exportations, transports routiers ou en mer, stockages en magasins et jusqu'à l'assiette (cuisson). Du pétrole plus cher et la vie sera plus chère. Moins de pétrole et les supermarchés, les usines de construction automobiles régresseront. Les gouvernements ne sauront plus où donner de la loi et de la police. A qui peu et à qui un peu plus d'essence ? Il faudra gérer les exaspérations, les égoïsmes, les inégalités. Jusqu'à quel point notre vernis de culture maîtrisera t-il ces convulsions ?
H.G. Wells a écrit ses œuvres de science fiction au début du 20e siècle comme « L'homme invisible » ou « La guerre des mondes ». Dans « La guerre dans les airs » (1908), il prédit que les prochaines guerres seront aériennes. En 1941, à Londres, alors que sévissent des bombardements aériens, un éditeur republie ce dernier ouvrage, il demande une préface à l'auteur. Ce dernier la conclut ainsi : « Je vous l'avais bien dit. Bande de cons ! » (Cité dans D. Lodge, « Un homme de tempérament », Ed Ravages, 2011). D'ici une ou deux décennies, Y. Cochet pourrait bien s'en inspirer.

Faut-il en rire ou en pleurer ?
Du négatif.
Au départ, rien de réjouissant dans ces épuisements de ressources naturelles. Des conditions de vie se dégraderont fortement, peut-être si rapidement que les chocs en seront violents et ne pourront être maîtrisés à court ou moyen terme. Risques de conflits entre catégories de populations d'une même nation pour la répartition de biens raréfiés, moins accessibles. Emergences ou amplifications de guerres, conflits, affrontements « écologiques » entre nations pour le pétrole sans oublier les « guerres de l'eau » déjà engagées en réalité. Des exploitations, procédés ultimes d'épuisement des ressources actuelles (pétrole conventionnel par exemple) et aussi de remplacements de ces ressources (pétrole non conventionnel, par exemple) qui seront écologiquement désastreux.

Du positif ?
Si les ressources en pétrole avaient été moindres ou s'étaient épuisées sur un temps plus long, le péril climatique aurait été moindre lui aussi. L'abondance n'aura pas été un bien. Moins d'exploitations de certaines ressources ce serait moins d'empreinte sur la nature, une vie animale ou végétale moins agressée et cela au prix d'une frugalité pas nécessairement triste.


4 – l'érosion de la biodiversité.

Pour la bonne forme, parce qu'elle est listée parmi les principaux révélateurs actuels de la crise écologique, deux mots sur elle. Pas d'illusions ! Pour les commentateurs de la crise, l'hémorragie des espèces trouble uniquement parce qu'elle devrait entraîner la disparition de « services rendus » par la biodiversité. Cela dit, la protection de la nature en référence à ses prestations peut se traduire, en y veillant, en belle et bonne protection.


------------------------------------------


Observation avant de tourner la page
C'est le lot de toute analyse, elle isole les uns par rapport aux autres les points que l'on détaille successivement. On en oublierait, si l'on ne synthétise pas, que tout agit ensemble. Ainsi, tandis que le nouvel effet de serre nous aplatira, la pollution continuera à nous empoisonner.




-----------------------------------------



IV - Après nous le déluge

Tous ces symptômes rappelés dans les pages précédentes, complétés par plein d'autres que l'actualité révèle au fil d'évènements, laissent présager un futur difficile :
« J'ai vu l'avenir frère,
C'est l'enfer »
chante Léonard Cohen.
Nous évitons, dans la mesure du possible, d'en appeler au bonheur, état difficile à définir : des hommes s'épanouissent dans les troubles tandis que d'autres sombrent dans la paix. Convenons au moins de ceci : les inconvénients tels qu'objectivement étudiés qui s'annoncent, canicules ou pollutions diverses, mettrons dans les vies humaines davantage de tristesse que d'allégresse. Sortie de Paradis ? Un chapiteau de Notre Dame du Port à Clermont-Ferrand raconte l'histoire de la première de ces expulsions. Eve notre mère à tous, avec pomme et serpent, en est la cause. Adam a vite réalisé l'intensité du malheur qui lui tombait dessus. Avec sans doute un regrettable manque de savoir-vivre mais il était tellement en colère, il faut comment il réagit sur sa compagne : il lui écrase la hanche du pied, il lui arrache les cheveux. Mais tout bien pesé, cette sortie du jardin de l'Eden n'est-elle pas plutôt à mettre à la gloire de l'homme, enfin plutôt de la femme ? A une tyrannie paternaliste divine dont s'accommodait Adam, Eve, sublime, préfère l'indépendance de la connaissance fut-ce au prix de la douleur. Rien à voir avec le geste des humains du 21e siècle. Les adams et èves d'aujourd'hui ferment la porte et jettent la clé d'un monde qui aurait pu être supportable, dans la honte et non l'honneur.

a – la décroissance
L'objectif est d'alléger notre « empreinte écologique » trop forte par rapport à ce que la biosphère peut supporter. Cela se traduit par : réduire nos consommations, nos agressions, modérer la population, cela s'écrit « décroissance ». Il n'est pas d'autres voies possibles. Le « croissant » est frappé de catalepsie quand il entend le mot ; pour lui, hors croissance il n'est que chaos car profits et exploitations défaillent. Etrangement, des structures qui se baptisent écologistes et qui devraient, toutes, être à l'avant-garde de la décroissance se taisent. Quand elles sont invitées, au cours de réunions, à s'exprimer sur le sujet, c'est comme si on leur refilait une patate chaude.
Pour certains partisans de cette voie se revendiquant comme tels, celle-ci s'identifie à la recherche d'un âge d'or ; dans leurs revues, des interviews de pionniers de la « simplicité volontaire », de la frugalités, sont comme des équivalents de vies de saints du Moyen-âge sinon d'ermites des premiers temps de l'Eglise, totalement détachés de réalités impures. La décroissance se justifierait aussi parce qu'elle rendrait les rapports humains davantage humains. Point n'est besoin d'adhérer à ces utopies aussi sympathiques soient-elles. Avouons-le. Consommer nous plait, il nous arrive de sortir « frustré » de magasins parce que nous n'y avons rien acheté. Mais il y a la nécessité de décroître pour préserver l'avenir, l'humanité, la nature alors il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur, la lucidité commande et la joie n'en sera d'ailleurs pas exclue, mieux encore selon quelques penseurs. « La crise environnementale peut entraîner une renaissance c'est-à-dire de nouvelles formes sociales de coexistence combinées à une technologie intégrée à un niveau culturel élevé, un progrès économique (avec moins d'interventions) et une expérience de vie plus étendue. » Arne Naess dans « Ecologie, Communauté et style de vie » (Ed.MF 2008, p. 57). Quant aux relations entre hommes, croissance ou décroissance, il nous faudra toujours lutter contre cette tendance à ne considérer notre prochain que comme une carpette.

b – Voie obstruée ?
- Réduire l'empreinte, la mission nous dépasse t-elle ? Premier handicap : nous sommes tous trop englués dans « l'ici et maintenant ». Dans le rapport Meadows du Club de Rome sur les limites de la croissance qui en son temps fit un tabac et qui vaudrait d'en faire encore, les auteurs font ce constat : « La plupart des gens ont résolu avec succès leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats dans un contexte plus large. En général, plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu et plus est restreint le nombre des individus réellement soucieux de leur trouver une solution. » (Traduction française du rapport sous le titre « Halte à la croissance » Ed. Fayard, 1972, p 144).
- Second handicap : à quoi bon soigner la France si la Chine et les USA jouissent de leurs maladies mortelles. Des accords planétaires ou quasi-planétaires sont indispensables sur l'ensemble et chacun des problèmes écologiques. A voir comme l'on régit dans les copropriétés les plus modestes, à voir l'infinie diversité des consommations de biosphère, l'infinie diversité des consommateurs et l'ampleur des populations en jeu, le découragement est proche.
- Troisième handicap : des délais trop courts.
D'un côté, les colères dantesques de la nature nous semblent loin dans le futur et rien ne nous incite à changer nos modes de vie. De l'autre, la réalité est qu'elles sont toutes proches, nos petits enfants en souffriront. Des réponses techniques existent sans doute, partielles, susceptibles d'adoucir légèrement la crise sur tel ou tel point. Mais pour aller plus avant, il faut des changements psychologiques, des envies de réagir et donc du temps. Des auteurs écrivent que nous devons nettoyer nos esprits, les désencombrer de conditionnements qui poussent à consommer coûte que coûte ; ils usent de formules telles que « décoloniser nos imaginaires », « décoloniser notre toxico dépendance à la croissance », « délégitimer des valeurs dominantes », ils en appellent à une révolution culturelle dont on sait qu'elle doit être douce et longue pour aboutir. La tâche paradoxale est ainsi de hâter des mouvements lents.
Maîtres penseurs de la décroissance, rendez vos propos compréhensifs, accessibles à un public plus large et moins sophistiqué que la seule clientèle qui vous est habituelle !

- Refus de bouger
Nous savons et ne bougeons pas. Danser sur un volcan, après tout, est toujours danser, l'option suicidaire et les nuisances écologiques ne sont que le prix à payer pour ne rien changer. Le réalisme et même l'altruisme, le souci d'équité commandent que les majorités pauvres de la planète finissent par consommer autant de planètes que les occidentaux par souci d'équité puisque aucun autre modèle n'est disponible. Le réalisme fait acter la volonté farouche des états, classes sociales et individus aisés de ne rien changer à leur niveau de vie.
« C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent »
(Baudelaire, « Les fleurs du mal », Préface.)

A écouter les JT des télés, il semble parfois que le monde, enfin, secoue ses conditionnements. Mais même lorsque l'on va un peu au-delà des mots et des messes, les résultats sont si immensément à l'écart des exigences de la situation qu'ils désespèrent davantage qu'ils ne motivent. C'est le cas, tout particulièrement des conférences internationales sur les changements climatiques ou encore sur le « développement durable ». Vous répliquez : c'est mieux que rien, cela prépare les esprits, prépare les transitions. Pour l'heure, cela ne semble préparer qu'à des transitions vers rien.

L'agriculture intensive déjà apparue dans ces pages, illustre parmi des activités sans nombre ce qui domine dans nos réflexes. Nombre de ses représentants officiels s'en prennent avec constance, vigueur et succès aux autorités nationales ou, surtout, européennes qu'ils accusent de vouloir les ruiner. Ils sortent ainsi de leurs gonds lors de mesures ou plutôt de projets de mesures environnementales telles que modérations d'épandage de pesticides dont nous avons rappelé la nocivité, modération dans la consommation de milieux naturels aquatiques par exemple. Peut-être la prose administrative revêt-elle parfois des formes déplaisantes, il n'en reste pas moins que ces manifestations agricoles sont désespérantes dans leur expression. Tout se passe en effet comme si à aucun moment l'on ne s'interrogeait sur l'impact des pesticides ou de tout autre impact, comme si l'on s'en désintéressait, comme si ça n'existait pas, comme si polluer était un droit inscrit dans la Constitution. Et le pire est encore à redire, nous l'avons exprimé plus haut : nous qui ne sommes pas des agriculteurs intensifs, si nous étions à leur place c'est-à-dire dans les mêmes contextes, ferions sans doute comme eux.

- Générations futures : un argument sans poids
Divers auteurs semblent penser que s'il est un argument pouvant influer sur nos actes et nous mettre un peu de responsabilité dans la tête c'est celui du sort des générations futures dont les plus proches : enfants et petits-enfants. Il y a du vrai là dedans mais la perspective a ses limites. Pour nous en convaincre, observons les conducteurs de 4x4 ou autres véhicules obèses en ville. Pas question toutefois de les charger de tous les maux de la terre. L'ostentatoire – objets possédés, titres, et rangs – par lequel nous tentons désespérément de hisser notre image éphémère au-dessus de la masse, a quelque chose d'attendrissant. Ensuite, le 4x4 et ses clones sont loin d'être la pire des sources de pollutions atmosphériques. Mais c'est un bel emblème pour ce que nous voulons exposer. D'un côté le maître du véhicule en conduisant ses enfants à l'école manifeste son souci de leur santé, de leur fatigue ; à l'école, il surveillera la qualité de leurs études, leur assurera une formation les s'insérant le plus haut possible dans les hiérarchies sociales. Mais d'un autre côté, pour ce faire, il choisit parmi les moyens de transport disponibles celui qui parmi d'autres surconsomme du pétrole, il montre ainsi que les conditions de vie de ses descendants lui sont indifférentes. Par bien des aspects, nous sommes tous des accrocs de 4x4.

c - Dégager la voie : un César vert ?
L'on rêve de gouvernants, de gouvernements que l'écologie, la protection de la nature inspireraient et assez déterminés pour agir. Quels éco-pouvoirs adaptés à la crise ? Survolons ce qui s'en écrit dans notre monde occidental.
Ici et là, la nature gémit ; les mesures à prendre n'exigent pas des politiques qu'ils aient des statures de demi-dieux mais rien ne se passe, nos élus n'osent heurter les puissances dominantes néfastes et bottent en touche, alors où fuiront-ils lorsque les grondements de la terre se feront plus assourdissants ? Il semblerait que le système actuel des élections avec courts mandats et obsessions de la réélection courbent le regard vers l'immédiat et l'intérêt privé. Faut-il admettre que les procédures démocratiques en place sont écologiquement négatives ? Si surmonter la crise exige du génie, la tâche sera rude. Pourquoi ? Nos représentants nous paraissent volontiers médiocres, sans doute le sont-ils parce que n'étant ni plus ni moins ce que nous sommes, nous les électeurs. Un philosophe autrichien, Karl Popper (mort en 1994) nous a prévenu dans son ouvrage « La société ouverte » : « Il me paraît raisonnable de se préparer systématiquement à ce que le pouvoir soit exercé par le moins bon tout en s'efforçant de le confier au meilleur. » (Cité dans le « Que sais-je « Karl Popper » 1989, p111). Paradoxe, cette médiocrité sert la démocratie. Les non médiocres, ceux auxquels nous octroyons du génie, hommes providentiels supérieurs ne sont souvent que des constructions de notre esprit, des envoûtements qui en feront des tyrans.
Quel dilemme ! La transition ou la plongée dans la crise exigeront des mesures fortes, alors ne faudra t-il pas, logiquement, des hommes forts et donc exit la démocratie ! Mais les formes démocratiques présentes ne risquent-elles pas d'interdire toute mesure sérieuse ? La plupart des articles ne vont pas plus loin que ce balancement, leurs rédacteurs craignent de se faire taxer soit d'anti-démocrates soit d'écologistes de pacotille. De temps à autre cependant quelques rares propositions paraissent sur le marché. Celle-ci par exemple : « Vers une démocratie écologique », (Seuil 2010), par D. Bourg et K. Whiteside. (en plus court : une interview de Bourg dans la revue « Sciences humaines », série « les Grands dossiers », « Les pensées vertes », n° 19, 2010). Les auteurs parient sur la démocratie participative - participer avant que la décision ne soit prise - et sur la démocratie représentative. Résumons le propos. A l'amont donc une large participation des citoyens, des exemples montreraient que ces derniers ont souvent l'esprit plus libre que leurs élus. Dans la structure de décision maintenant, il faudrait compléter les députés ou les sénateurs par des socrates verts : représentants d'associations de défense de l'environnement (ONG). A notre sens, même pour un simple objectif de transition vers de l'un peu plus contraignant, ces propositions sympathiques paraissent en dessous de ce que le défi écologique commande. Mais, parallèlement, elles sont très au-dessus de ce que les politiques acceptent dans la mesure où ils postulent que le monopole de l'expression populaire leur est réservé.

Quel pouvoir fort ? Quels grands remèdes aux grands maux ?
La révolution écologique ? Faisons un sort à cette éventualité dont feignent de s'effrayer des pharisiens, ceux-ci y dénoncent les manoeuvres de khmers verts selon l'expression encore en usage il y a peu, réplique d'une Terreur modèle 1793. L'émeute écologique, elle, est possible, et il s'en produit tous les jours, œuvres par exemple d'amérindiens luttant pour sauvegarder leurs terres et leurs usages contre des multinationales qui ne respectent rien. Les révolutions écologiques violentes par contre sont impossibles. Certes, il peut en surgir qui se pareront de cet adjectif tout en visant le contraire, conquêtes d'espaces, d'eau, de ressources. Toute révolution, jusqu'à ce jour, a voulu du plus : suppression d'inégalités, d'oppressions mais aussi plus de biens et au bout du rouleau davantage de consommations et de profits pour l'ensemble de la population ou pour sa fraction « éclairée ». L'écologie exhorte chacun à accepter la frugalité. Il n'y a pas de Pinochet pour ça.
Hans Jonas, penseur majeur, a comparé marxisme et capitalisme. Il s'est demandé lequel pouvait le mieux parer aux crises écologiques. (« Le principe responsabilité » Cerf 1992, p195 et +). Il a cru que le marxisme – en pratique le régime soviétique – était le meilleur. Pourquoi ? Parce qu'en théorie, il plaçait en premier l'intérêt général et non, comme le capitalisme, les intérêts privés. Puis au vu des énormes pollutions industrielles soviétiques, il a viré sa cuti. Plus tard, il valorisera le consensus démocratique. Et avouera son désarroi : « De même qu'on ne peut pas absolument compter sur le fait que l'homme puisse se rendre à la raison, de même ne peut-on pas complètement mettre en doute que le génie de l'humanité saura découvrir une direction de salut possible pour l'avenir. », (« Une éthique pour la nature »,Ed Desclée de Brouwer,1993, p28). Remettant les points sur les i, se réfugiera comme nous tous dans le vœu pieux : « Je n'arrive pas à croire que l'humanité regardant l'apocalypse en face puisse y succomber. » (Id p 75).
« Pouvoir fort » ou « dictature bienveillante » à la Jonas ? A mesure que la crise écologique nous mettra tous sens dessus dessous, il faudra contraindre. Alors ? Des dictatures limitées dans le temps comme celles dont se dotait l'antique république romaine quand sa survie était en jeu ?

Jouant au devin, voici notre scénario :
L'humanité va continuer à peser sur la biosphère sans rien changer ou si peu. Les calamités redoutées surviendront sans besoin d'autorisation, obéissant aux lois physiques, chimiques, climatologiques qui les régissent. Pas besoin de se demander quelles décroissances, quelles politiques seront adéquates, elles s'imposeront. Mais en ces temps nouveaux, il y aura, comme aujourd'hui, des femmes et des hommes, des organisations - Amnesty, Greenpeace, WWF et autres – qui agiront pour la dignité de l'homme et la recherche d'une juste place de l'homme dans la nature. Nous avons à maintenir et transmettre la flamme de la préservation de la nature à nos descendants.



Tags : Roger Ribotto, écologie profonde, plaidoyer pour la nature, pesticides, répertoires des pesticideurs, éco-guerriers, philosophie écologique, pro-chasse, anti-chasse.